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LA FILLE AU COEUR DE COCHON (Critique Saison 1) Cette série réconcilie et fait du bien…

SYNOPSIS: Nina, une ado cardiaque et fille de patron d’hypermarché, voit son regard sur le monde bouleversé lorsqu’elle apprend qu’elle vit depuis toujours grâce à une valve de cochon greffée au cœur. Hugo, fils d’éleveurs de cochons industriels, est amoureux de Nina. Alors quand celle-ci décide de sauver la vie de Fleur, truie destinée à l’abattage, Hugo n’hésite pas et embarque avec elle dans un road-trip déjanté, les autorités aux trousses, pour sauver la vie de ce cochon innocent.

Très étonnante et plutôt très attrayante, La fille au cœur de cochon est bien décalée, déjantée et au final très fun. Série qui se manifeste par une assez géniale authenticité autant dans sa mise en scène que dans le rythme de l’arc narratif. C’est parfois lunaire, tout en étant très ancré dans notre terroir national. Une vraie singularité, un peu comme Twin Peaks (1990) parfois, mais avec justement un style en propre inimitable et quasi jamais vu jusqu’alors. La fille au cœur de cochon nous déconcerte souvent et ça fait du bien. On se marre aussi beaucoup de nombre de trouvailles autour de la cochonaille, avec notamment une écriture à couper, qui décrit des personnages bien englués dans leurs cynismes respectifs, volontairement caricaturaux, mais que l’on croit quand même parfois reconnaitre. C’est aussi tout le sel de la série, qui joue sur les ambiguïtés, entre délire scénaristique et profonde, sincère et moderne réflexion sur nos façons de consommer, et donc de penser le monde. La fille au cœur de cochon, c’est du Pata Negra, meilleur jambon du monde. La fille au cœur de cochon, c’est du jambon fin et délicat, sans la couenne.Ici, le cochon est humanisé et comme réhabilité. Un peu comme avec le salami dans EO (2022), prix du jury à Cannes, vous ne mangerez plus du jambon comme avant. Si le cochon est humanisé, nous sommes nous, à l’image de Nina (Héloïse Volle), comme «  cochonisés » sans que justement rien de péjoratif ou de punitif ne subsiste.

Hugo (Victor Bonnel), comme souvent les geeks, est attendrissant, d’autant plus dans la dureté de la vie à la ferme. C’est pour lui une forme de dichotomie permanente assez sidérante et déchirante entre la tête dans les étoiles et les pieds dans la boue. Entre des rêves grands et lointains mais aussi cette persistante odeur de cochon, comme une répulsion-attraction, avec pour autant comme seule perspective de vendre de la viande à des grands groupes aux marges capitalistiques délirantes.

La série, c’est aussi bien sûr l’antagonisme entre des modèles paysans de production intensive et la radicalité de certains mouvements animalistes. Comme souvent dans de pareilles oppositions dogmatiques et face à ce qui semble irréconciliable, les solutions intermédiaires n’en sont pas moins les plus intelligentes. C’est que semble vouloir nous dire La fille au cœur de cochon, dans une belle dextérité, sans manichéisme, ni jugement, mais une ode pure à la nature.

Et comme l’air de rien, il existe tant de choses dans la série, c’est aussi l’opposition métaphorique entre le capital et le travail. A savoir entre Nina, fille du patron de l’hypermarché du coin et Hugo, fils d’éleveur. Celui-ci étant prêt à sauver tous les cochons du monde pour juste un soupir, un sourire, de sa belle. C’est un peu et non sans rire les Roméo et Juliette du monde porcin. Mais c’est tout autant une poésie amoureuse dans sa dramaturgie de l’impossible.

Il y a également un pur moment de grâce, avec dans l’épisode 4, cette spectaculaire danse des cochons, qui sans rire, mais toute en sensibilité et émotion, est d’une prodigieuse humanité et d’une inédite animalité. Véritable traité d’éthologie passionnant et assez enivrant. Cette série réconcilie et fait du bien, elle est celle d’un double rapprochement, par l’amour possible entre Hugo et Nina et la douceur de la nature, entre le travail et le capital, on l’a vu, mais aussi entre l’animal et l’homme. C’est une série qui prône la réconciliation, et elle a tellement raison.

On y voit aussi de jolis contrastes et de glorieuses contradictions. Nina et Hugo se pensent, se veulent et se disent anticonformistes et pleinement radicaux, mais à un moment, ils vont un peu jouer au papa et à la maman avec Fleur le bébé cochon, au volant du camping-car, qui incarne là et à nouveau sans jugement, le chantre de la normalité bien française. Le couple semble prendre goût sur un court moment du moins à une existence finalement rangée et en tout point conforme. Mais surtout, nous est montré avec un onirisme certain et très prenant le lien puissant avec le vivant, grâce au don de Nina, avec sa valve de cochon. Elle devient à un moment aux yeux des commentateurs, ces jaloux de l’extérieur : « La Jeanne d’Arc du Cochon ». Comme si toujours, il fallait réduire et se moquer. Curieuse air du temps.

Franky le Belge (l’excellent Denis Mpunga), un des truands violents prêt à tout pour s’enrichir avec des types d’élevages horrifiques venus d’Europe de l’Est, s’auto-définit comme Un intermédiaire spécialisé en animation low cost. C’est ici tout l’humour décalé d’une série littéraire, aux dialogues redoutablement écrits. Il nous fait un peu penser à Samuel L. Jackson qui incarne Jules dans Pulp Fiction (1994) justifiant ses crimes odieux par la foi et un certain sens du verbe !!

La galerie de personnages est haute en couleurs. La Gendarme qui ne lâche rien, son supérieur bien énervé avec l’accent qui chante, le tueur abatteur de cochon à l’ancienne à chaque fois ligoté… On pouffe, on rit, les running-gags sont autant étonnants que détonants, et les acteurs sont magistralement à la fête. Dans ce road-trip bien survolté, on passe aussi par une France champêtre, très verte, avec une volonté affichée de glorifier une nature qui doit demeurer triomphante. C’est frais, c’est beau et puissant. La mise en image est réparatrice et apaise. C’est aussi un parti-pris intéressant car pas naïvement complétement médian, qui dénonce le système de l’élevage industriel et certaines cruautés contre les espèces animales, en balançant sur le système, mais pas sur les gens. Tout en montrant aussi les pièges de la radicalité comme unique réponse.

La jeune Héloïse Volle, dans le rôle de Nina crève littéralement l’écran. Elle est autant engagée que jamais enragée. Elle joue tout en tension et intention, c’est subtil, mais très animal justement. Elle est impressionnante déjà de sérénité. Victor Bonnel campe un Hugo très touchant dans son évolution à la fois sur son rapport à l’animal que l’on transforme en viande, mais aussi dans son affirmation progressive. Il se déniaise tout au long de la série avec talent. Les seconds rôles sont tous assez marquants. Plaisir de vieux de retrouver Eric Berger, en mauvais daron, après l’avoir connu en si joyeux luron dans le culte 4 garçons plein d’avenir (1997). Et rien de moins que Catherine Ringer pour une sacrée apparition !!! La fille au cœur de cochon est définitivement pleine de surprises !! Pour résumer cette série déroutante et jamais dégoutante, on serait facilement tenté de reprendre l’adage qui nous dit que tout est bon dans le cochon…

Crédits: Francetv Slash / Lionfish Films / Watch Next Media

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