SYNOPSIS: Avec MEMORIES, Katsuhiro Otomo achève sa transition du manga vers l’animation, déjà largement entamée quelques années auparavant, en 1987 avec AKIRA. Grâce à la complicité de deux autres monstres sacrés de l’animation japonaise, Koji Morimoto et Tensai Okamura, il nous livre un triptyque surréaliste, forcément mâtiné d’une couche de science-fiction. Sous la direction magistrale de ces trois immenses talents, les studios MadHouse et 4°C donnent vie à trois histoires tirées du manga du même nom, lui aussi écrit et dessiné par Katsuhiro Otomo. Les plans fusent, plus fous les uns que les autres, dans un déploiement de maîtrise technique et stylistique qui ont marqué l’histoire de l’animation contemporaine.
Trois petites histoires composent Memories. La première : Magnetic Rose, deux voyageurs de l’espace sont aspirés dans un monde parallèle sur un astéroïde. Un monde créé par les souvenirs d’une femme.
Dans Stink Bomb : un jeune assistant dans un laboratoire se transforme accidentellement en un arme biologique humaine qui menace Tokyo.
L’épisode final : Cannon Fodder, relate un jour de la vie d’une ville qui a pour unique préoccupation d’anéantir ses ennemies.
Memories est tiré du manga de Katsuhiro Ōtomo nommé Kanojo no Omoide (Ses souvenirs) édité au Japon le 23 mars 1990. Il a lui-même réalisé l’épisode final, Cannon Fodder, et supervisé l’ensemble. Magnetic rose est la création de Kōji Morimoto, et Stink Bomb de Tensai Okamura. Avec Memories, Katsuhiro Otomo bascule en quelque sorte du manga vers l’animation, pour laquelle il s’est déjà fait plus que connaître avec l’anthologique Akira (1988). Ce qui semble réunir les trois histoires pourtant bien distinctes de Memories, est sans aucun doute la folie humaine dans ses aspirations guerrières, et ses volontés hégémoniques insatiables. L’ensemble de l’œuvre se dénote par un caractère poétique, avec en point d’orgue le rapport au temps, tellement Memories semble nous dire qu’il y a comme une urgence à vivre pleinement et intensément, à aimer, avant la destruction, que celle si soit naturellement individuelle ou comme irrémédiablement collective.
Magnetic rose pour commencer, qui met en avant, dans la pure tradition des « Kaidan » des fantômes non pas caricaturaux, mais des spectres tristes, des esprits profondément nostalgiques, mélancoliques et même assez bouleversants. Sont ici déployés les vestiges d’une vie passée qui fatalement nous interroge sur notre rapport au temps. Et sur finalement l’urgence de faire de chaque moment comme la meilleure période que l’on ait jamais vécue. Plus qu’hier et moins que demain, semble nous dire habilement Magnetic Rose, sans verbiage superflu aucun. C’est finalement l’histoire d’une terrible tragédie, celle d’un destin qui s’arrête. C’est l’histoire de la vie, comme dirait l’autre… C’est aussi cette tragédie de toute chose qui disparait, du caractère éphémère d’une existence, c’est poétique, onirique, infiniment bouleversant et presque déstabilisant, avec des couleurs vibrantes de partout.
Stik Bomb ramène d’emblée à une drôle de résonance assez flippante de ce que peut-être le début d’une pandémie, avec des savants qui manipulent de la matière éminemment dangereuse, à la solde de puissances pas toujours clairement identifiés, qu’il s’agisse des états, de l’industrie pharmaceutique, des deux, d’autres encore… Un médicament crée par un savant un peu fou mais pas méchant, et c’est la fin des temps. C’est aussi la démesure burlesque du déploiement de la force militaire, pour choper un gars, tout aussi antéchrist soit-il…et même porteur du mal du siècle, au-delà de son caractère spectaculaire, Stik Bomb nous parle de la folie des hommes, de ce besoin compulsif très primate et primaire, pseudo-viril de toucher le mur le premier en urinant… Qui se mue ici en une propension massive à l’autodestruction. Il est d’ailleurs presque jubilatoire que la toxicité du gaz libéré s’il tue l’espèce humaine, fait pousser à la place des buildings… des fleurs. C’est une transition tragi-comique idéale vers le dernier opus.
Dernier épisode, plus court que les deux précédents, et qui vient comme en point d’orgue de la démonstration de nos fragilités quotidiennes et de nos interminables volatilités : Cannon Fodder, qui nous présente le monde avec beaucoup de malicieuse mais cynique ironie, car filmé dans la banalité d’un quotidien, où il est question de la fascination du canon. La métaphore est totale sur la folie guerrière par l’absurde. Tout est canon, tout est destruction. L’important n’est pas l’ennemi, cette menace ici invisible, l’important n’est pas celui que l’on combat, mais l’important c’est de combattre. Le triptyque est assez fabuleux dans son originalité de mise en scène et dans un foisonnement d’images, offrant une exposition et explosion de couleurs, et d’une qualité graphique à tomber pour l’époque. Dans une progressivité savamment orchestrée, entre d’abord onirisme, puis burlesque, et enfin, terrifiante vision du monde, le dernier épisode vient parachever l’œuvre de l’homme qui se combat et se détruit d’abord lui-même. Rappelons que Memories date de 1995 et que son message n’a dramatiquement pas pris une ride…
Titre Original: MEMORÎZU
Réalisé par: Koji Morimoto, Tensai Okamura, Katsuhiro Ôtomo
Genre: Animation, Science Fiction
Sortie le: 15 Avril 1997
Date de Reprise: 24 Août 2022
Distribué par: Eurozoom
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 90