Critiques Cinéma

DES FEUX DANS LA NUIT (Critique)

SYNOPSIS: Un village isolé entre mer et montagne. Ses habitants tentent de survivre comme ils peuvent. Le père d’Alan, un jeune garçon de 15 ans, est parti travailler loin des siens, lui confiant la survie de la famille. Une tâche démesurée pour Alan, qui doit aussi surveiller de grands feux allumés sur la plage, pour faire cuire du sel, mais aussi, finit-il par apprendre, pour attirer les bateaux les soirs de tempête. Une nuit, un navire s’échoue en offrant aux villageois sa précieuse cargaison… 

Des feux dans la nuit est inspiré librement d’une nouvelle japonaise dAkira Yoshimura, Naufrages. C’est le deuxième long métrage pour Dominique Lienhard, le réalisateur, qui a choisi de déplacer l’histoire dans une petite île d’Europe au 16ème siècle : «  Quand j’ai lu la nouvelle de Yoshimura, j’ai été ému par l’histoire de ce garçon courageux, par sa lutte pour regagner l’amour de sa mère et l’admiration de son père  ». Pour le cinéaste, le cœur de son film va se situer dans le cheminement d’Alan (Igor Van Dessel), qui fait de ce film un grand récit d’initiation. Pour jouer notamment les parents du jeune homme, le casting sur le papier est ambitieux et prometteur avec Ana Girardot dans le rôle de Mia et Jérémie Elkaïm pour Mirko. La cruauté des conséquences de la précarité extrême et du quasi dénuement prend d’emblée aux tripes dans le déchirement familial occasionné par le départ paternel contraint. Le message de la dureté de la vie et de l’écrasement du labeur passe tout de suite. L’aspiration au lendemain est ici un véritable enjeu de survie. Un monde sans concessions aucune, où est posée l’hypothèse en famille, de tuer un bébé car une bouche de trop à nourrir. Ou quand l’homme est à ce point réduit à lutter pour sa survie, il ne reste presque plus que les pulsions animales. Le langage est plus audible que dans La Guerre du feu (1981), de Jean-Jacques Annaud, mais la barbarie primitive est en partage. Car au même titre que les paroles prononcées, dans Des feux dans la nuit, tout est forcément un peu minimaliste au regard des conditions de vie miséreuses des habitants du village. Il est d’ailleurs possible d’identifier un fort message politique avec une résonance très actuelle sur une abondance de biens, quand dans le village un morceau de sucre devient une fête.



Les événements sont rares, le rapport au temps âpre, donc fatalement quelques longueurs émaillent le film, mais le contraire aurait fait perdre à la narration de la crédibilité, de l’authenticité. Et quand même, beaucoup nous est dit en peu de temps. Y compris la façon d’aimer de cette mère Mia, vécu peut-être par Alan comme un manque d’amour maternel qui renforce forcément le manque paternel. L’utilité se substitue à l’affect, même entre une mère et son fils, dans pourtant cette absolue et universelle diagonale d’amour. La désaffiliation est partout. Pour la plus grande souffrance intérieure d’Alan, dans les yeux d’une mère devenue incapable de la moindre tendresse avec lui, mais pour qui le lien à Alan va se cantonner à une transmission de l’endurcissement. Déjà partout ailleurs, on sait que le bonheur est un épisode. Alors sur l’île… C’est comme si l’attente du drame était perpétuellement sous-jacente. Pas un jour sans un grand malheur. Ici on a des besoins, pas d’envies. Ici, la force de l’homme est vraiment dans ses muscles, sa force, son endurance, sa dureté au mal, tout le reste n’est que faiblesse. Ici, le village et ses occupants sont comme enfermés entre l’horizontalité de la mer et la verticalité de la montagne.



Il existe en tout cas dans Des feux dans la nuit quelques moments bouillants et déchirants d’injustice. Dans ce minimalisme de leur île, comme une évidence, l’image, le son, les bruits comptent plus que jamais. Dans cette optique, la mise en scène est d’une pure épure, avec des plans très prenants sur les habitant-e-s et ce fabuleux immuable décor naturel entre mer et montagne. La photographie presque monochrome de Pascale Marin, avec les costumes de Alexia Crisp Jones, aux teintes bleus délavées, se confondant à l’omniprésence de la mer, porte cette écume des jours si désespérée. Le cinéaste dira de Pascale Marin qu’elle est «  une magicienne « . La musique de Sebastien Damiani durcit et sert avec force le récit. Les sons du bruit des vagues, de la préparation des plats, des travailleurs à leur tâche, occupent une place prépondérante et apportent cette morne authenticité. C’est une accumulation d’un quotidien triste et sordide.



Igor Van Dessel est un Alan bouleversant dans ce qu’il pose en métamorphoses d’émotions. Son personnage grandit forcément trop vite et les multiples facettes du jeu du jeune acteur donne cette force de vérité dans une interprétation très juste et troublante. Un jeu d’initiation pour un film initiatique, où il va être confronté au manque, au deuil, à l’amour naissant. Ana Girardot est une Mia belle, forte et dure comme jamais. Elle porte en elle les contrastes et ambiguïtés de son personnage. L’actrice dit avoir eu très envie de jouer « ce bouillonnement intérieur « de Mia. Elle est désarçonnante de vérité brute. Une interprétation qui compte. Des feux dans la nuit est un film dur, sans concession et avec une belle authenticité d’une époque, de mœurs, de vies sans peu de passions. Il nous ramène à la volatilité de la possession, du matérialisme. Ce qui se joue dans la vie d’Alan est au centre d’une histoire qui ne peut que toucher et émouvoir, ce qui est une des aspirations essentielles de nos venues en salles obscures…

Titre Original: DES FEUX DANS LA NUIT

Réalisé par: Dominique Lienhard

Casting : Igor Van Dessel, Ana Girardot, Jérémie Elkaïm…

Genre:  Drame

Sortie le: 3 août 2022

Distribué par: Dulac Distribution

TRÈS BIEN

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