Analyse

À LA MAISON BLANCHE : UN ÉPISODE CULTE

ATTENTION SPOILERS : 

Cet article révèle certains rebondissements et nous vous conseillons sa lecture après le visionnage de la série

Saison 2, épisode 3, On est le 14 août, une semaine après l’attentat organisé par des suprématistes blanc pour atteindre en particulier Charlie Young, l’assistant personnel du Président Barltet, qui est d’une couleur de peau qui ne plaît pas aux terroristes en question. Une grande partie de l’équipe présidentielle est encore légitimement très affectée, mais il faut bien faire tourner la boutique états-unienne. Alors qu’approchent les élections de mi-mandat, qui concernent les deux chambres du congrès, élections que l’on nomme The Midterm (par ailleurs titre original de l’épisode en question) et qu’il est crucial pour le président dans le cadre de la bonne poursuite de son mandat, d’aller chercher la majorité à la chambre des représentants, Bartlet semble développer une obsession pour une obscure élection à la commission scolaire de Manchester et la candidature  d’un certain Elliott Roush, qu’il a battu pour sa première élection au congrès. Il veut impérativement les pourcentages d’intentions de vote pour cette commission scolaire du New Hampshire… Des sondages normalement impossibles pour un enjeu si faible au crépuscule d’élections, elles, majeures pour l’avenir du pays. Mais ce que président veut… président a… 3 semaines après en avoir parlé la première fois, à 14 minutes du début de l’épisode qui en compte 41, nous apprenons que Roush est à 46% d’opinion de vote… La circonscription scolaire en question compte 1100 élèves… C’est à dire une plume de paon au regard des millions de citoyens américains concernés par les élections du congrès… Bartlet se justifie par le fait que c’est par le local que même les pires idées infusent dans tout le pays, il tempête : « Il s’agit d’une affaire sérieuse… cet homme qui ferait passer l’inquisition espagnole pour une agréable causerie au coin du feu récolte 46 % d’intentions de vote !!!« … On ne sait plus s’il faut rire ou s’inquiéter de la santé mentale du président, mais comme ça ne serait pas la première fois !!  Parallèlement, l’ensemble de l’épisode tournera autour du racisme qui gangrène… Toby Ziegler, directeur de la communication de la Maison Blanche, veut contourner le premier amendement pour que le ministère de la justice repère bien plus efficacement les suprématistes blancs… Sam Seaborn, Directeur Adjoint de la Communication de la Maison Blanche se rend compte qu’un poulain qu’il a propulsé, comme procureur récuse des jurés noirs…



A la 24ème minute de l’épisode et quelques jours avant l’élection, Roush dont tout le monde se fiche éperdument, sauf le président, dans un sondage que lui seul a commandé, sans l’avis de son chef de cabinet Leo McGarry, mène avec 53 % d’avance, ce qui génère une rage folle de Bartlet..  Le 7 Novembre, jour de l’élection, sous une pluie battante et même un orage très fort… Le même jour, à la maison blanche se tient un banquet des animateurs radios. En somme les influenceurs d’hier. Banquet auquel le président est censé venir passer une tête, dire un mot… Jenna Jacobs, une des animatrices stars entre dans la pièce et attire toute l’attention des photographes présents… Toby ressasse auprès du Président son envie que le ministère de la justice fiche les présumés suprématistes… Conséquence post traumatique de ce que le président qualifie non pas d’attentat mais de lynchage, visant Charlie. Le président confie à Toby que lui aussi partage son envie mais… démocratie oblige… Toby demande au président comment il avait battu Roush à sa fameuse première élection au congrès. Bartelt lui répond qu’il y pense depuis plusieurs semaines mais qu’il ne se rappelle plus… Bartlet insiste pour que Toby l’accompagne au banquet des animateurs radios. CJ Cregg, porte-parole de la Maison Blanche y est déjà, elle est en pleine discussion… Elle voit un garde du corps du secret service arriver donc, elle s’interrompt, interrompt tout le monde et annonce « SVP, mes amis, Le Président des États-Unis »… Il reste 9 minutes 40 d’épisode et les secondes qui vont suivre vont être parmi les plus marquantes, fortes, emblématiques des 155 épisodes de l’ensemble de la série… 



Bartlet débarque sous les applaudissements de la petite assemblée debout comme il se doit en pareil lieu et circonstance. Il commence par une vanne bien sentie : « Je voudrais pouvoir rester plus que quelques minutes avec vous, mais les bureaux de vote dans l’Est ne ferment que dans une heure, il reste donc une montagne de résultats électoraux à falsifier… » Hilarité dans la salle, le président est en forme. Il entame un speech assez convenu, saluant le redoutable impact des émissions de radio. Mais… le Président a un problème… Il s’interrompt… Il regarde Jenna Jacobs… qui est assise, quelque chose semble chiffonner, chafouiner Bartlet, il reprend, puis s’interrompt à nouveau… Il interpelle Jenna Jacobs :

 » Je suis désolé, vous êtes le Docteur Jenna Jacobs n’est-ce pas ?

Oui Monsieur

Bienvenue à cette soirée

Merci  »

Bartlet reprend son laïus, mais là… Il s’arrête… La salle retient son souffle, nous aussi, malaise… autre chose ?

« Excusez-moi Docteur Jacobs, vous êtes docteur en Médecine ?

J’ai un doctorat.

En psychologie ?

Non Monsieur.

En théologie ?

Non.

En sciences sociales ?

J’ai un doctorat en littérature anglaise.

Je vous demande ça parce qu’à la radio, on vous appelle pour avoir des conseils et comme dans votre émission, on vous appelle Docteur Jacobs, j’étais en train de me demander si vos auditeurs s’y retrouvent et s’ils ne croient pas que vous avez fait des études supérieures en psychologie, en théologie ou en médecine.

Je suis persuadée qu’ils s’y retrouvent Monsieur

Biennnnnnn, j’adore votre émission.

Silence…. Bruit de pluie…. Il reprend :

« Surtout quand vous dites que l’homosexualité est une abomination.

Ce n’est pas moi qui dis que l’homosexualité est une abomination, Monsieur le Président, c’est la bible.

Oui, c’est juste dans le lévitique

18-22

Chapitres et versets. Cela dit, puisque vous êtes là, j’aimerai vous poser quelques questions, je souhaiterai vendre ma fille cadette en esclavage (rires massifs dans la salle) ainsi qu’il m’y est autorisé dans le chapitre 21 verset 7 de l’exode. Elle est en deuxième année de fac, parle l’italien et débarrassait tous les jours la table quand c’était son tour. D’après vous, combien je pourrai en demander ? Et pendant qu’on y est, puis-je vous poser une autre question ? Mon secrétaire général Léo MacGarry insiste pour travailler pendant le Sabbat. Dans l’exode, chapitre 35 verset 2, il est dit qu’il doit être mis à mort. Alors, dites-moi, suis-je moralement obligé de le tuer moi-même ? Ou puis-je le livrer à la police ? Encore une question vraiment importante, parce qu’il y a beaucoup de mordus de sport dans cette ville, toucher la peau d’un porc mort rend impur, chapitre 11 verset 7 du lévitique. S’ils promettent de porter des gants, est-ce que les Redskins peuvent continuer à jouer au football ? Et l’église de Notre-Dame ? Et celle de West Point ? Tous les habitants de cette ville doivent-ils d’un commun accord lapider mon frère John, pour avoir semé différentes semences dans le même champ ? Dois-je bruler ma mère lors d’une réunion de famille car elle a osé porter des vêtements fait de deux espèces de tissu ? Réfléchissez bien à ces questions voulez-vous… »

Léger silence

« Encore une chose, au cas où vous prendriez ce banquet pour la réunion mensuelle de votre club d’ignares coincés, sachez tout de même que dans cette maison, quand le président se tient debout, personne n’est assis… »

Affrontement du regard… silence de mort…. Bruit de pluie, puis petit bruit de photo en fond pour immortaliser l’absolue humiliation jubilatoire qu’elle vient de subir devant toute son influente profession… silence…. Bruit de pluie

Jenna Jacobs se lève,

Bartlet à Toby à 3, 4 mètres derrière lui :

« Toby ? » 

« Oui Monsieur le Président ? »

« C’est comme ça que j l’ai eu »...



Bien plus fort encore à voir en vidéo (on trouve ce moment partout) qu’à lire… Ajoutez-y l’intonation pleine de rage qui monte en progressivité en VO de Martin Sheen ou avec la voix française de Marcel Guido, les mouvements de l’acteur, son regard de tueur et l’ambiance générale de la salle, et on se situe dans ce que l’on peut appeler une véritable scène culte. Tout ça car entre autres car Bartlet voulait, devait, remotiver son directeur de la communication tellement affecté par le lynchage raciste dont tous étaient victimes… Tout ça pour se défouler sur les Roush, les Jacobs, et tous tenants de l’intolérance crasse et prouver à Toby, à toute son équipe et à nous tous, que c’est par l’intelligence, l’humanisme, le non manichéisme sur les questions religieuses et même en s’appuyant sur le plus fort de la tolérance qui émane des textes sacrés que l’on combat tous les obscurantismes, le racisme quotidien, les haines ordinaires… Bartlet écrase Jacobs de son érudition religieuse mais surtout de sa tolérance, il applique sa licence de théologie à des fins de générosité. Des sujets qui 22 ans après font froidement et diablement écho… Mais que c’est beau, puissant, et incarne toute la magnificence ultime et sublime de l’intelligence de cette série…. Un moment grand et unique, inoubliable, renversant et qui comptera à jamais dans l’univers des séries…Le plaisir orgasmique cérébral est total…

« Thank you Mister Président  » 

Crédits: NBC




 

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