SYNOPSIS:  » Gray Man  » est le nom de code de l’agent de la CIA Court Gentry, alias Sierra Six. Recruté dans une prison fédérale par son officier traitant, Donald Fitzroy, Gentry était autrefois un redoutable tueur à gages à la solde de la CIA. Mais la situation a radicalement changé : Gentry est désormais la cible de Lloyd Hansen, ancien comparse de la CIA, totalement déterminé à le traquer à travers le monde pour l’éliminer. L’agent Dani Miranda le couvre – et il en aura besoin. 

Netflix semble s’être trouvé une certaine appétence pour le cinéma d’action. Si les succès critiques n’y sont pas légion, il est pourtant évident que la plateforme rouge tient probablement dans le genre un potentiel lucratif colossal, suffit-il de voir les chiffres être au rendez-vous lorsque les projets empilent les stars et les promesses de grosses scènes d’action explosives. Un an après le bulldozer Red Notice (dont l’un des plus gros arguments de promotion était son budget – le plus important pour une production Netflix), The Gray Man fait office de nouvelle tentative du même acabit (les blagues méta de Ryan Reynolds en moins). Chapeauté par les Frères Russo (qu’on connaît pour leurs travaux super-héroïques chez Marvel à travers les deux derniers Captain America et les volets finaux d’Avengers – rien que ça), la nouvelle «  plus grosse production Netflix » se la joue film d’agents secrets à la Jason Bourne, soutenu par un casting hollywoodien qui vend du rêve (et une très belle moustache). The Gray Man, adapté par Joe Russo et les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely (les auteurs des productions marveliennes des metteurs en scène) d’un roman de Marc Greaney, présente l’histoire d’un agent recruté par la CIA alors qu’il est enfermé pour homicide. Sierra Six, alors missionné pour une élimination, réalise que sa cible n’est pas la personne qu’il pensait. Comprenant que ses employeurs lui ont menti, il prend la fuite avec des informations compromettantes. L’agent Lloyd Hansen à tendance sociopathe est alors déployé pour supprimer Six le plus vite possible.



En laissant aux Russo la barre de leur nouveau blockbuster musclé au casting débordant de charisme, Netflix tend à montrer (plus ou moins discrètement) son ambition de franchiser ses productions – ou du moins de les rendre plus impactantes et donc plus stimulantes pour le public. Au-delà de l’aspect marketing du projet (Ryan Gosling face à Chris Evans par les réalisateurs d’Avengers : Endgame), il y a surtout là l’ambition d’amener des projets plus précis, plus maîtrisés. Plus dignes d’une salle de cinéma, en fait. Alors Netflix dégaina son portefeuille pour laisser les Frères Russo mener à bien leur adaptation, laquelle finit par présenter les mêmes problèmes caractéristiques de leurs précédentes propositions originales, même si accordons-nous sur l’aspect très convenable des scènes d’action qui laissent le champ libre à des acteurs prenant un grand plaisir à se castagner avec tout un tas d’accessoires plus variés les uns que les autres (la séquence du tram, même si la plus barrée du film, fonctionne très bien).



Mais voilà le pépin : sous ses jolis aspects de film d’espionnage pétaradant et au ton assez bien dosé, The Gray Man répète mécaniquement tous les poncifs du genre, avec une habileté quasiment absente. En piochant chez Jason Bourne la nervosité des bastons, chez James Bond les aller-retours incessants à travers le monde, chez Fast and Furious la démesure du chaos ou encore chez John Wick l’aspect « Ennemi n°1 » sur fond de beaux néons colorés, les Russo finissent par livrer un produit formellement sympathique mais cruellement creux dont on questionne sans cesse l’intérêt. Et pourtant, le casting se donne. Ryan Gosling campe un protagoniste peu loquace et blindé de charisme, quand Chris Evans fait sa mue de Captain America en plantant son interprétation dans l’inverse absolu de l’Avenger. Son personnage, aussi froid et insensible que cruel et imprévisible, fait office de bon gros cliché sur pattes qui fonctionne malgré tout dans la paire assez marrante qu’il compose avec Gosling. Le cast secondaire est également très bien fourni, en particulier Ana de Armas (qui intègre d’ailleurs la promotion du film au même rang que les deux têtes d’affiche alors qu’elle campe un sidekick, preuve s’il-en-est de la place essentielle que l’actrice cubaine est en train de prendre dans le cinéma d’action). On retrouve également Regé Jean-Page, Billy Bob Thornton, le comédien indien Dhanush ou encore la jeune Julia Butters (dont le personnage se révèle central par la tournure des évènements, alors que la talentueuse Jessica Henwick se débrouille comme elle peut dans un personnage scénaristiquement inutile pendant presque toute la durée du film.


En bref, The Gray Man est une proposition en demi-teinte qui signe un bon divertissement musclé et explosif sous les traits d’un casting attachant, mais qui s’effondre en son centre à cause d’un traitement narratif très insuffisant (voire parfois maladroit) composé des clichés les plus vivaces du genre. Dans cette aventure à travers le monde (on a arrêté de compter les changements de décors au bout d’un moment, les cartons indiquant la ville où on nous emmène vont et viennent de manière presque épileptiques), les Russo présentent un film clairement oubliable, où tout n’est pourtant pas à jeter. Et c’est d’autant plus dommage que la promesse était là, dès le départ. Mais The Gray Man risque d’être un bon gros succès commercial, lequel devrait sans trop de doute provoquer la mise en chantier d’une suite. Pour le meilleur ou pour le pire ? Il est bien trop tôt pour le savoir…

Titre Original: THE GRAY MAN

Réalisé par:  Joe Russo, Anthony Russo