Critiques Cinéma

JFK (Critique)

SYNOPSIS.: Suite à l’assassinat du président John F. Kennedy, le procureur de la Nouvelle Orléans, Jim Garrison remet en cause le rapport du commissaire Warren. Ce dernier avait clôturé l’affaire en trouvant le parfait coupable, Lee Harvey Oswald. Pourtant avant d’être abattu par un tireur isolé, le suspect avait toujours nié sa culpabilité. Pour Garrisson, il est impossible que l’homme ait agi seul. Persuadé qu’un complot se trame, Garrison explore des pistes occultées et comprend vite que la CIA, le FBI et le Pentagone ont joué un rôle déterminant dans cette affaire. Prêt à tout pour faire éclater la vérité au grand jour, le procureur devient très vite l’homme à abattre..

La sortie en 1991 de JFK a créée une véritable onde de choc. Ce qui était évidemment le dessein de son réalisateur, le génial Oliver Stone, qui va jusqu’à remettre en cause le fonctionnement démocratique de son pays, en distillant l’idée d’un potentiel coup d’état, dans un pays où le patriotisme étoilé et la fierté d’appartenance à une communauté libre sont un ancrage existentiel. Le cinéaste est au bas mot passionné par un regard critique de l’histoire de son pays, qui s’était déjà plus qu’illustré dans Platoon (1986) ou Né un 04 juillet (1989). « C’est en gardant le silence au lieu de protester que les hommes deviennent des lâches » c’est par ses mots d’Ella Wheeler Wilcox que commence JFK, avec l’enchainement du discours de Janvier 1961 d’adieu à la nation d’Eisenhower, sur la méfiance à avoir au sujet de l’influence du complexe militaro-industriel et la menace qu’elle pèserait sur la liberté et la démocratie au cœur du peuple américain. Oliver Stone affiche d’emblée sa thèse. Ce sont ensuite les images de Kennedy, qui incarne ce vent de liberté outre atlantique, et cette aspiration qui aurait donc été incompatible avec un certain nombre d’intérêts financiers et militaires très étatiques. Il ne s’agit pas ici d’épouser ou non la thèse d’Oliver Stone, car comme au même titre qu’avant chaque coupe du monde de foot, on dénombre en France au moins 60 millions de sélectionneurs, il existera ici autant de prédicateurs péremptoires de certitudes. Complot d’état au sommet, mafieux, cubain, juste Oswald seul avec son fusil Mannlicher-Carcano au 5ème étage du dépôt de livre tirant 3 balles en moins de 6 secondes, ou encore un peu tout ça à la fois. Tout a été démontré, puis démonté, en fonction de la sensibilité du démonstrateur et du démonteur.



Simplement, le cinéaste appuie sa thèse par le biais d’une base cinématographique, et c’est ce qui précisément nous intéresse. Et justement, ce film en dit tellement sur le cinéma, sur son époque, sur son pays. JFK est fascinant justement en cet endroit. Dur de s’extraire de toute idéologie car évidemment le film en déborde et est aussi passionnant que Stone est passionné par Kennedy, et une certaine vision des Etats-Unis, qui ne pourraient se prémunir en permanence de vouloir imposer la paix, par… la guerre… « La paix du tombeau  » pour citer JFK. Au-delà de sentir sa fibre complotiste flattée, qui est le principal reproche fait à l’œuvre, l’on comprend très vite où Stone nous amène, mais quoi que l’on pense de la destination, ce qui va compter ici est le chemin pour y parvenir… Et celui-ci, purement filmiquement parlant est vertigineux de virtuosité. Notamment dans la pertinence folle de l’alternance des images d’archives avec la fiction. Une grande partie de la réussite totale est là. A savoir dans cette mise en scène léchée, soignée comme pas possible, et qui permet de faire tenir les 3H01 dans sa version longue sans aucune impression de longueur. Tant le rythme est haletant, la musique de John Williams lancinante, tel un thriller géopolitique, et ces couleurs qui varient, entre un grain comme très rétro et vinyle dans le récit principal, soit dans les années 60 en Nouvelle-Orléans, mais aussi dans la puissance du noir et banc, pour aussi bien les authentiques images d’archives, que la création de celles-ci. Deux sont particulièrement éloquentes. Deux sont des assassinats. Le meurtre d’Oswald par Jack Ruby, archive reconstituée celle-là où l’impression générale est que Lee Harvey a été un peu servi sur un plateau avec peu de monde autour qui bougeait, malgré le nombre d’agents spéciaux ce jour-là… Spécial.



Et bien sûr, le terrible film de 26 secondes d’Abraham Zapruder, avant-gardiste du journaliste citoyen qui dégaine son smartphone, vulgarisé par le film de Stone, où l’on perçoit au troisième coup la cervelle présidentielle se répandre à l’arrière de la limousine Lincoln Continental 1961, qui incroyablement ralentit, entre les fenêtres et les parapluies qui s’ouvrent. Là aussi, une impression de service sur un plateau. En tous les cas, la force d’une image. Effroyable… « Mais bon dieu Liz, j’ai dormi pendant 3 ans », va dire Jim Garrison à sa femme quand il va décider d’ouvrir son enquête. Il va être le chevalier blanc de Stone et le nôtre avec. Un peu comme pour le film de Zapruder, qui pour les tenants du complot prouve l’existence du tir triangulaire, et à l’inverse pour les autres démontre que le tir final venait du dépôt de livres où se tenait Oswald ; Garrison est un héros pour les un-e-s, et un fou ambitieux paranoïaque pour les autres. Au gré de l’avancée de son enquête, on va juste croiser un casting délirant, et envahissant d’incarnation ; avec le survolté Joe Pesci (Dave Ferry), le provocateur Kevin Bacon (Wilie O’Keefe), l’amabilité feinte et glaciale de Tommy Lee Jones (Clay Show) et bien sûr… le fantastique Gary Oldman (Lee Harvey Oswald) … Et pour une scène inoubliable de 16 minutes sans respiration, un modèle absolu et définitif de ce qu’est un insider avec le bluffant d’authenticité Donald Sutherland en Monsieur X. Ce moment fou et d’une splendide et furieuse beauté où tout le film est un peu là, autant dans ce qui va agacer les détracteurs que dans ce qui va captiver les partisans. Monsieur X qui souffle à l’oreille de Garrison une terrible vérité sur toute l’affaire, sa voix résonne sur des images historiques, et on retrouve le duo à Washington, face au Lincoln mémorial (là où le « I have a dream » de Martin Luther King résonne encore) ou encore assis sur un banc tout près du » Washington monument », l’obélisque dressée en l’honneur du premier président de la jeune Amérique Georges Washington, et qui viennent nous affirmer la croyance intangible en la démocratie. « Il faut que justice soit faite, même si le ciel s’écroule » comme l’affirmera Jim.



Et puis il y a le procès…. 43 minutes sublimes pour finir d’appuyer sa thèse. Avec en point d’orgue évidemment la théorie saisissante de la balle magique, car avec trois coups dont deux identifiés, une balle qui expliquerait à elle seule les 7 blessures…. Garrison enchaîne : « En physique théorique, on peut prouver qu’un éléphant reste suspendu à une falaise, la queue accrochée à une pâquerette ». Tout le film, mais particulièrement pendant le procès, Kevin Costner n’est pas Jim Garrison, mais Garrison devient Costner… Le héros romantique cinématographique de la fin du 20ème siècle se pose là. Sa description du tir croisé triangulaire, avec le film de Zapruder en appui, la tête de JFK qui explose, en arrière et sur la gauche, avec la voix de Costner en fond…. est autant grandiose que glaçante. On frissonne et on entre dans les têtes de Garrison et de Stone. On est saisis, on frissonne. Plus que des trémolos, c’est bien avec les larmes dans la voix que Costner conclue une des plus belles scènes de plaidoiries de l’histoire du cinéma… A ce petit jeu-là, Oswald devient un peu aussi Gary Oldman… Avec des ressemblances plus que frappantes, un peu comme entre Val Kilmer et Jim Morisson dans The Doors (1991) du même réalisateur. La caméra est d’une sensibilité folle, avec sa façon de suivre Costner dans ses déambulations au tribunal. Tout y est, la mise en scène, le jeu, l’écriture et 2h52 de chef d’œuvre viennent de s’écouler alors que l’impression que le film a commencé il y a 10 minutes est vivace. Les 1 491 documents ont été diffusés sur le site des Archives nationales le 15 Décembre 2021, et démontre à la fois que la commission Warren a regardé de multiples côtés, mais illustre également de nombreuses omissions de la CIA. Clou que viendra enfoncer Oliver Stone dans JFK, l’enquête (2021). Le 15 Décembre prochain, « normalement  », de nouveaux documents vont à nouveau être déclassifiés. L’histoire n’est pas prête de s’arrêter et le mythe semble devoir perdurer. L’influence du film de Stone est incontestable dans ce qui joue encore aujourd’hui, ou quand le cinéma fait avancer le monde. En décembre 1991, Stone projeta son film aux membres du Congrès. Cela a conduit à une loi votée en 1992 : « l’Assassination Materials Disclosure Act » ; une loi visant à déclassifier –et donc rendre public certains documents relatifs à l’assassinat de JFK. Ce film fleuve, ultra-documenté, aura surtout contribué à forger les aspirations des âmes libres, éprises de vérité et de justice plus que d’un formatage au complotisme. Oui JFK est un film générationnel, inoubliable, intemporel et qui comptera encore pour des siècles et des siècles, Amen le Cinéma.

Titre Original: JFK

Réalisé par: Oliver Stone

Casting : Kevin Costner, Tommy Lee Jones, Laurie Metcalf …

Genre: Drame, Historique, Thriller
 
Sortie le: 29 Janvier 1992
 
Distribué par: Warner Bros. France
 
CHEF-D’ŒUVRE

 

 

 

 

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