SYNOPSIS : Suite à une mystérieuse dénonciation, cinq criminels se retrouvent en garde à vue. Plus tard, engagés sur un coup par le génie du crime Keyser Söze, les cinq hommes sont pris au piège d’une diabolique machination…
Deuxième long métrage de Bryan Singer, Usual Suspects a été couronné en 1996 de l’Oscar du meilleur scénario, tout sauf une surprise. Kevin Spacey pour le meilleur second rôle a également été récompensé, tout sauf un hasard. D’emblée, ce thème musical de John Ottman complètement envoûtant, d’une pureté sonore digne des plus belles compositions filmiques, avec ces images de reflets argentés. On devine que l’esthétisme va prendre une part omniprésente sur les 1h40 de film. C’est du lourd, du régal. Le directeur de la photo, Newton Thomas Sigel nous en met plein la vue avec des images alternant le clinquant, le glauque, le flou, la brume et une photographie au grain gravement pur. Les plans foisonnent d’idées folles et permettent d’entrer dans la bande. Les scènes d’action, comme celles plus statiques avec des cadres qui prennent souvent de la hauteur, donnent une matière filmique qui permet de ne jamais se lasser… On en prend plein les yeux. Là où il y a chef d’œuvre, c’est que l’on en prend aussi plein les oreilles dans ce qui est dit et induit de cette histoire… Avec Christopher McQuarrie au scénario, ami d’enfance de Bryan Singer, que l’on peut infiniment remercier, tant il signe là un des récits les plus prenants du cinéma, dans la mesure où tout amène à un twist qui demeure encore aujourd’hui comme un des plus géniaux, inventif et délirant cliffhanger de tous les temps. 1H32 de bonheur pour arriver à 8 minutes finales de jouissance. On parle ici d’une fin qui décontenance, qui désarçonne, qui même vu pour la 28ème fois maintenant, nous fait encore spontanément arborer un très large sourire avec toujours aujourd’hui des petits poils qui ne peuvent s’empêcher de se dresser. La fin est monumentale, mythologique, c’est du grand art, en barres, c’est…. Keyser Söze…. Présenté comme le diable, invisible, le pire des salauds et criminel désincarné. Usual suspects a été montré à des inspecteurs de police juste pour pouvoir tester leur sens de la perspicacité afin de tenter d’identifier la crapule ultime.
On a commencé par la fin, mais le film aussi, donc ça tombe bien. Première image, il n’y a plus de doutes, l’esthétisme va être partout. Keaton (Gabriel Byrne) qui semble halluciné, découvre soi-disant qui est Keyser Söze. Celui-ci allume sa clope. On ne le voit pas, mais il est majestueux. Keaton demande l’heure pour savoir à quelle heure il va mourir. Une ombre s’enfuit, le bateau est en feu…. Salut Keyser. L’image est folle, c’est renversant. Après coup, quand on entend la voix de Keyser… Hum…. No spoil…. Pour ceux qui débarqueraient d’une mission interstellaire. Sauf qu’il reste un hongrois après l’incendie du bateau et qui va pouvoir décrire le portrait-robot de …. Et là, il va prendre une voix inoubliable avec des yeux plein d’effroi malgré ses multiples brulures, et crier « Keyser Söze !!! ». Un film culte le doit à tout ce que l’on vient de dire mais aussi à sa distribution de folie et à l’engagement et la force d’incarnation totale des acteurs. Car c’est aussi un film choral. Et précisément l’écriture qui désigne et dessine les contours psychologiques de chaque personnage est d’une précision et d’une justesse aussi chirurgicale que les coups francs de Juninho au début des années 2000 avec l’Olympique Lyonnais. Arrestation pour un motif bidon et nous avons donc un casting aussi clinique à la scène qu’à la ville avec McManus (Stephen Baldwin), le roi de l’effraction, d’une beauté fêlée. Un psychopathe à la classe furieuse. Fenster (Benicio Del Toro), le mec malin, le pote (ou plus ?) de Mcmanus, roublard, sensible, efficace. Hockney (Kevin Pollak), maître artificier, celui qui n’en a rien à f…. de personne, la fine fleur. Keaton, la cerise sur le gâteau pour les flics, car rangé des voitures et qui semble sincèrement vouloir revenir vers le droit chemin, pour ne plus avoir à côtoyer les individus peu fréquentables précédemment nommés. Et puis celui qui fait figure d’intrus à cette parade, Verbal Kint (Kevin Spacey), petite frappe, handicapé, et qui va devenir l’homme des plans, tout sauf anodin.
La scène de l’identification est inoubliable elle aussi. Chacun à sa façon va prononcer « Donne-moi les clés espèce d’enculé ». On adorera particulièrement celle de Verbal, tout en douceur froide : « Donne les moi les clés espèce d’enculé »… Pendant ce temps-là, l’agent Kujan (Chazz Palminteri) fixe son nœud de cravate pour se préparer à une sorte de combat, interroger Verbal Kint… Celui-ci de son côté fixe longuement le mur…. Il n’y a jamais de hasard au cinéma…. Avec le style de dénouement que nous évoquions plus haut, c’est typiquement le genre de film, comme Seven (1995) et d’autres, à revisiter à souhait pour en comprendre toute la substantifique moelle et aller choper tous les jubilatoires détails où se fourre le diable, et comme le diable, c’est Keyser Söze, là aussi, ça tombe bien… Verbal enchaine sur le fait que le café des flics « c’est d’la merde » car à l’époque « quand je cueillais le café au Guatemala, on s’en faisait du frais »…. Ou « Quand je chantais dans la chorale de Skokie dans l’Illinois »… Il a toujours un truc aussi détaillé qu’inutile à dire… L’agent Kujan qui lui dit « Je suis plus intelligent que toi »… Des mots qui résonneront forts, et comme si Bryan Singer venait nous dire de se méfier de ce qui serait trop péremptoire, trop de certitudes… Pêché de vanité. Apparition lunaire de Kobayashi (Pete Postlethwaite)… « Pour qui tu bosses ? » « Je travaille pour Keyser Söze »…. Les truands, McManus et ses potes paraissent des petites filles à cette évocation, la musique monte, on frisonne… On a changé de catégorie au regard du professionnalisme de Kobayashi. « Le coup le plus rusé que le diable n’ai jamais réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu’il n’existait pas. » Réplique anthologique. « Vous croyez que vous arrêterez Keyser Söze, vous croyez qu’un caïd de ce genre passe à deux doigts de l’arrestation et sort sa tête à la fenêtre… »dira Verbal à Kuyan.
D’ailleurs même les acteurs, dont aucun ne tournait de scène avec lui, ne savaient pas qui était Keyser Söze. Gabriel Byrne ayant pu dire qu’il a su son identité, simplement après avoir vu le film. Chaque acteur principal pensant lui-même être le héros maléfique. L’ambiance sur le tournage était donc propice à la paranoïa la plus totale… « Un truc très étrange « avec une voix d’outre-tombe comme dirait McMannus. Et pourtant, pendant le film, un peu comme dans Fight Club (1999), il existe nombre d’indices, mais que de fait nous tairons ici. Gabriel Byrne poignant ; Stephen Baldwin magnétique, Benicio Del Toro complexe ; Kevin Pollak brillamment ordurier ; Pete Postlethwaite glaçant de netteté ; Chazz Palminteri d’une justesse absolue dans ses croyances intangibles…. Et Kevin Spacey qui crève l’écran est délirant de perfection…. Reste celle ou celui qui joue Keyser Söze…. A partir du « »Flicard de merde » de Verbal Kint à l’agent Dave Kujan… les 8 minutes 15 restantes sont un pur plaisir orgasmique de cinéma… La petite musique qui monte… La tasse de Kujan va tomber, se brise, le frisson vous parcoure l’échine, la marque de la tasse se dévoile (toujours regarder ce qu’il y a écrit en dessous) … Une vérité qu’il avait en face depuis des heures lui explose à la figure…. Une montre en or, un briquet, un paquet de cigarettes… Il faut regarder loin, pas que ce qu’on a sous le nez… Une chaussure qui marche droit, une main ferme qui allume une malbo light… Kobayashi passe par là…. Et d’un coup….. Il s’envole… De la grâce, du cinéma comme s’il en pleuvait…. On sourit, on frissonne encore. On ne le sait qu’après mais ces films là créent la passion du cinéma. Si vous êtes dans l’incroyable et l’inexplicable situation de ne pas l’avoir vu…. Alors ruez vous sur le premier support venu. Mais si vous l’avez vu 28 fois, la 29ème sera toujours aussi puissante, marque des grands, marque des chefs-d’œuvre.
Titre Original: THE USUAL SUSPECTS
Réalisé par: Bryan Singer
Casting : Chazz Palminteri, Kevin Spacey, Gabriel Byrne…

Catégories :Critiques Cinéma, Les années 90
C’est Verbal Kint
En effet, c’est corrigé