Critiques Cinéma

ENNIO (Critique)

SYNOPSIS: A l’âge de 8 ans, Ennio Morricone rêve de devenir médecin. Mais son père décide qu’il sera trompettiste, comme lui. Du conservatoire de musique à l’Oscar du meilleur compositeur, l’itinéraire d’un des plus grands musiciens du 20ème siècle. 

Le documentaire déploie toute une palette autour d’Ennio Morricone, au travers d’une longue interview réalisée par le réalisateur Giuseppe Tornatore, qui a extrait des morceaux des 11 jours d’entretien, pour un tournage qui aura duré 5 ans…. Il ne s’agit de rien de moins que de résumer 70 ans de carrière. Tonatore, le réalisateur du mythique Cinéma Paradiso (1988), qui vaudra parmi les plus belles compositions d’Ennio Morricone a collaboré durant 25 ans avec le compositeur. Autant dire que le réalisateur est ici passionné par l’objet de son film. Ce qui est bouleversant d’émotions dans Ennio est que ce documentaire vient convoquer nos souvenirs et ce qui a traversé nos vies, les associant à des moments vivaces, des lieux, des gens. Car Ennio Morricone fait partie de ceux qui nous accompagnent, parfois même sans qu’on le conscientise véritablement. Et que dire, même s’il est question de subjectivité…. Du « Moment Claudia Cardinale » dans Il était une fois dans l’Ouest (1968) … Ce regard et cette entrée dans la ville, qui incarne tout l’Ouest… La musique d’Ennio avec la voix saphir d’Edda Dell’orso, c’est un chef-d’œuvre sur un chef d’œuvre… C’est ici que le couple Léone/Morricone est immortel…. Larmes aux yeux, c’est beau et c’est fort… Et que dire encore, de ce qui est devenu un hymne à la paix et la tolérance avec Here’s to you de Joan Baez dans Sacco et Vanzetti (1971), qui dans la douceur et la chaleur d’un souvenir maternel donne aussi la larme à l’œil et en plus le poil qui se dresse… Le documentaire, qui c’est vrai, aurait pu s’exonérer de quelques longueurs auto glorificatrices, n’est pour autant jamais linéaire, et a le génie de nous faire entrer dans l’esprit du… génie. Si la musique de film est de la musique, et il est possible d’affirmer sans risque qu’elle l’est, alors, Ennio Morricone, c’est au moins « Bach, Mozart et les Beatles » comme le dit Jenny dans Love Story (1970).

Ce qui est assez génial dans ce documentaire est l’intelligence d’avoir fait parler ses pairs compositeurs, mais aussi des cinéastes, des musiciens, on y retrouve pêle-mêle Springsteen, Dario Argento, Tarantino, Wong Kar-Wai, Barry Levinson, Oliver Stone, Bertolucci, qui dira notamment que les musiques des films de Morricone, c’est « comme un film en parallèle » … Tellement juste. La multiplicité des provenances artistiques des éloges vient aussi démontrer le sens de la diversité, et que si bien sûr l’association Morricone / Léone est indélébile et évidente (ils étaient d’ailleurs en primaire ensemble, avant de se retrouver 30 ans après), dans cette indissociabilité de deux talents hors norme, l’on apprend par exemple de la bouche du compositeur qu’une de ses collaborations les plus marquantes a été avec Terrence Malick. On y découvre un Ennio très joueur, qui se livre en confiance à Giuseppe Tornatore, mais aussi qui chante (mal…), et qui se montre moins taciturne et sauvage que d’habitude. Il sait incontestablement que le film est à son service mais il offre une vraie sincérité, sacrément intéressante. Et oui, Ennio c’est un grand joueur, un défricheur, un novateur absolu. Il a expérimenté et créée follement. Des sons venus parfois d’ailleurs, de l’orgue, de la flute de pan, des cloches, à des moments qui semblent toujours inopportuns dans un premier temps, et où finalement seul lui aura vu juste, dans un amoncellement parfois de risques et de bizarreries. Sa passion pour les voix de femmes qui viennent accompagner ces mélodies inoubliables est également une vraie singularité. On sait aussi que l’on entend du Ennio Morricone, souvent juste après 5 secondes de notes… C’est la marque de ceux qui comptent et qui laissent une trace dans leur art. C’est ce qui se passe ici, car sans aller jusqu’à dire qu’il a à lui seul inventé la musique de film, il en à minima profondément bouleversé sa pratique. Attaqué par certains puristes, considéré même par une partie des académistes du classique, d’où il vient, comme une forme d’usurpateur, se servant finalement de sa formation initiale pour avec une musique expérimentale la désacraliser, alors qu’à l’inverse, il ouvre et décloisonne, il liera les deux arts, la musique dite de chambre et celle pour le cinéma, et c’est formidable ainsi. Oui, il aura démystifié, déhiérarchisé, mais pour devenir un être de tout, comment ne pas aimer follement de la même passion la sonate N°11 de Mozart comme le morceau L’extase de l’Or  dans Le Bon, la Brute et le Truand (1966) quand Tuco cherche la tombe d’Arch Stanton.



« J’ai structuré Ennio comme un spectacle, à travers des extraits des films qu’il a mis en musique, des images d’archives, de concerts, pour faire entrer le spectateur dans la formidable expérience artistique et personnelle du musicien le plus aimé du XX ème siècle. » nous dit Giuseppe Tornatore, et il faut reconnaître que la mise en scène alterne la confidence avec des extraits de films cultes qu’il est absolument réjouissant de revoir sur grand écran, et aussi des images venues d’autres temps, qui donnent au documentaire un rythme puissant, quelques longueurs oui, mais aussi de véritables moments de grâce dans la pureté et symbiose des enchaînements. Le documentaire, et encore moins ces lignes, ne peuvent passer en revue la filmographie musicale, la discographie cinématographique d’Ennio, qui en a composé plus de 500 pour le cinéma et la télévision. Il est question d’un éclectisme insolent et si l’on ne peut oublier le patrimonial cri du coyote du Bon, la brute et le truand (1966), son talent s’exerçait en des films de Pasolini jusqu’à La Cage aux Folles (1978). C’est ici une histoire d’empathie et d’ouverture au monde. Il sait jouer de lyrisme, mais aussi avec des airs martiaux, guerriers, en revenant à du romantisme brut. Comme il pourra collaborer à du cinéma très commercial à des œuvres d’auteurs quasi confidentiels Là aussi, c’est affaire de génie que de ne pas se cantonner. Il peut et sait tout faire. Son œuvre est éperdument prolifique.



A l’image de l’engagement fou qui fut le sien pour la bande originale de Mission (1986), ou sa passion, sa dévotion furent comme surnaturelles. C’est une façon de transcender son art, car avec lui, on écoute le cinéma. Il comptera éternellement dans le cinéma mais aussi dans la musique, pour un croisement divin. Il gagnera deux Oscars, un d’honneur en 2007 et c’était le moins que l’académie puisse faire. Il fera une belle déclaration à sa femme, dont il disait dans le documentaire qu’elle était la première oreille de tous ses sons. L’autre en 2016 pour Les Huit salopards (2015) de Quentin Tarantino. Les puristes disaient de lui qu’il écrivait la musique tout en respiration, en souffle, en isolant chaque note. Ennio Morricone est mort jour pour jour il y a deux ans au moment de la rédaction de ces modestes lignes, rédigées avec évidemment le son d’Ennio à fond, en fond… Grazie, ciao amico, fratello Ennio

 

 

Titre Original: ENNIO

Réalisé par: Giuseppe Tornatore

Casting: Giuseppe Tornatore, Ennio Morricone, Bernardo Bertolucci…

Genre: Documentaire

Sortie le:  06 Juillet 2022

Distribué par: Le Pacte

EXCELLENT

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s