IMAGINE (Critique)

Par JM Aubert le juin 21, 2022 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS: Téhéran, la nuit. Un chauffeur tombe amoureux d’une femme à qui il n’ose pas avouer ses sentiments. Alors commence un jeu de séduction mêlant mystère et fantaisie.

Imagine est un premier long métrage pour son réalisateur Ali Behrad dont l’idée originelle est pour le coup assez originale. Il explique ainsi la genèse de son projet : « Il y a quelques années, j’étais en couple. Un jour, je lui ai dit que notre relation telle que je l’imaginais dans mon esprit, était plus fascinante que la relation que nous partagions dans la « vraie vie « . Le temps estompe la fascination. Je lui ai dit en plaisantant : « même si on se séparait, mes souvenirs de notre relation resterait telle qu’au début de celle-ci : absolue et éternelle ». Cette pensée est devenue obsessionnelle et j’ai décidé d’écrire un scénario à ce sujet pour mon premier film ». Imagine se décompose en saynètes où l’idée est donc de contourner la banalité du réel. Le monde la nuit, et l’univers de la route semblent propices à cette aspiration de départ. Un peu comme on pouvait l’imaginer, les bizarreries se succèdent, il faut juste le savoir et accepter de ne pas tout saisir, de se laisser porter par les ressentis. Car le rythme d’Imagine est pour autant largement tenu, y compris avec ce récit bien lunaire. La comparaison, toute proportion gardée à Taxi D river (1976) s’arrêtera donc là, tant Imagine se distingue par un très fort atypisme et une radicalité plaisante certes, mais qui ne permet pas d’élargir son propos et ainsi de devenir aussi foudroyant que le film de Martin Scorsese. Ces problèmes qui n’en sont pas, sont effacés par une très grande mise en scène. L’image du film d’Alireza Barazande avec notamment les jeux de lumière, qui sont donc de nuit avec des flous sur les feux, les plans multiples sur lui, sur elle. Des effets visuels, des chorégraphies, des contrastes de couleur à couper le souffle parfois. Le tout porté et même un peu bercé par la musique d’Alireza Afkaril, qui s’avère autant surprenante qu’envoutante.

Le film repose sur cette mise en scène, qui au-delà du contexte nocturne et du huis clos du taxi se sert de l’imaginaire du chauffeur, et installe une atmosphère, une ambiance esthétique et poétique, qui permet de ne pas subir les incohérences voulues et de se laisser porter par la succession de vignettes. C’est ici comme un rêve à savoir puissant, régulièrement exagérément beau, et souvent incohérent. Il y a clairement un duo d’acteurs. Car si la mise en en scène est assez grandiose, dans l’importance des plans, le jeu des acteurs est tout sauf minimaliste tant les dialogues sont travaillés et surtout abondants. Ils parlent d’amour, et sans cesse.

A ce jeu-là, Leila Hatami est éblouissante, envahissante et enivrante. Sa présence est impressionnante, non seulement, car son personnage parle énormément, mais elle donne à la passagère une force, une incarnation, qu’il est difficile d’oublier. La mise en scène aurait pu être écrasante, mais Leila Hatami y prend toute sa place, c’est un bonheur. Mehrdad Sedeghian quitte peu l’écran sur la totalité du film et rend lui aussi une très belle copie, en termes d’engagement et de sincérité. Il est surprenant.

Il est difficile d’en dire davantage sur la trame sans prendre le risque de dévoiler ce qui se joue réellement pour le chauffeur et sa passagère. Même si à entendre les réactions à la sortie, chacun-e- semble avoir interprété et compris des réalités différentes. Mais comme à nouveau ici, le réel est plutôt anecdotique, l’idée est bien, sur ce format court d’1H18, de choisir avec à-propos, de s’évader pour un voyage en taxi plus aérien que routier. Les rêveries au cinéma, un but en soi.