Critiques Cinéma

LE NOM DES GENS (Critique)

SYNOPSIS: Bahia Benmahmoud, jeune femme extravertie, se fait une haute idée de l’engagement politique puisqu’elle n’hésite pas à coucher avec ses ennemis pour les convertir à sa cause – ce qui peut faire beaucoup de monde vu qu’en gros, tous les gens de droite sont concernés. En règle générale, elle obtient de bons résultats. Jusqu’au jour où elle rencontre Arthur Martin, comme celui des cuisines, quadragénaire discret, adepte du risque zéro. Elle se dit qu’avec un nom pareil, il est forcément un peu facho. Mais les noms sont fourbes et les apparences trompeuses… 


Un film de Michel Leclerc, c’est toujours toute une histoire… Et avec Le nom des gens, quelle histoire !! Il obtiendra d’ailleurs le César 2011 du meilleur scénario, et le prix du public à Cabourg en 2010.  D’emblée, dans leur présentation, Arthur Martin (Jacques Gamblin), qui jusque dans son nom semble faire preuve d’un classicisme édifiant, là où Bahia Benmahmoud (Sara Forestier), complétement délurée, qui lui assène « Quand on commence à se méfier des canards, c’est très mauvais signe  ».  On retrouve ici les passions joyeuses de Michel Leclerc pour ces rencontres sous forme d’alliance des contraires, mais en la colorant d’un humanisme très profond, pour autant teintée d’une fantaisie de chaque instant. Un des coups de maître de Leclerc est de contourner les stéréotypes du genre, pour à l’inverse créer de l’enchantement, des surprises et une créativité qui s’invite à chaque plan. Au-delà d’une écriture désopilante et tendre, sa mise en scène dans Le nom des gens  contribue pleinement à la puissance empathique de son histoire passionnante. Il joue avec des images d’archives, des dessins, des effets visuels très inventifs. Plus classiquement, quand il filme notamment ses amoureux, dont on sent que lui aussi est en amour, il multiplie les plans, et avec sa caméra, capte les émotions vives de Sara Forestier et de Jacques Gamblin.



A cet égard, la séquence de libération des tourteaux, dans la façon de filmer les deux amoureux, avec ce grain nostalgique d’une image si romantique, en bord de mer, avec la bande son de Régis Huby est un délice sentimental. C’est une histoire d’amour dans l’histoire. On prend, on aime, on jubile de ce foisonnement permanent, de cette mise en image qui nous prend et nous surprend. Une présentation à la Jeunet dans Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001), quand par exemple, Bahia parle de sa mère Cécile (Carole Franck) et pour la décrire, insiste sur une foultitude de détails, qui disent tant de nous. Comme par exemple « Elle déteste les films d’Alain Delon avec le mot flic dedans  »… Tendresse, empathie et poésie, une vraie marque de fabrique du cinéaste. Et surtout, il offre un rôle en or à Zinedine Soualem, permettant à celui que l’on voit trop peu, et qui d’ailleurs se joue de lui-même, notamment dans la série Dix pour cent (2015-2020), de crever l’écran dans un rôle sur mesure. Mohammed, le père de Bahia, cœur sur la main, empreint d’une générosité infinie, d’intelligence et d’ouverture à l’autre, au monde. Avec sa devise en étendard, « Il y a pas de problèmes » Il préfèrera aller réparer le grille-pain de Madame Pupovatch plutôt que de voir ses toiles qu’il peint secrètement exposées au grand public. « Mais tu sais, sans pain grillé, le matin c’est dur« . Tout est là… Drôle, mais bouleversant, et avec ce message d’humilité absolue, cette glorification de l’altérité du quotidien. Il n’y a pas qu’un seul Zinedine qui est un héros en France, qu’on se le dise.



Quand Arthur nous parle de ses parents, il n’est pas en reste. Il les aime passionnément et exhume à la perfection lui aussi ces petits détails qui tuent et qui rendent l’anecdote centrale, inoubliable. Aussi bien le fait que dans toute sa famille, tout le monde se gratte le cul, mais c’est un tabou, car on préfère mourir de maladie plutôt que de honte. Ou encore, leur passion ringarde et à chaque fois loupée, pour des objets, qui malgré leurs espoirs ne perceront jamais dans le quotidien de chacun. Arthur en tire une philosophie hilarante, disant : « Je crois que plus tard, j’aimerai Lionel Jospin pour les mêmes raisons, il est de meilleur qualité que les autres, mais n’emporte jamais le marché  » !!  Le nom des gens est de ces films qui nous éblouit autant de rire que d’émotions à chaque instant, chaque scène est un film en soit… et en soie. Car en parallèle à ces trouvailles délirantes, cette folie du quotidien vient se heurter à des sujets qui sont autant d’obsessions nationales. Alternant des pures moments de sensibilité, à l’évocation aussi bien des grands-parents déportés et tués d’Arthur, ou encore le racisme ordinaire, provenant de tous les bords ; Avec en réponse des moments cultes comme Sara Forestier, vivante à souhait, dans l’immédiateté constante, qui oublie de s’habiller et se retrouve à poil dans le métro, en tête à tête avec un musulman et sa femme, voilée intégralement… Ou ce moment où toujours Sara Forestier enchaîne malgré elle les évocations aux camps de la mort devant les parents d’Arthur, en parlant de wagons, de camps, de Villejuif, de four… On rit intelligemment de tout, et avec tout le monde. Et puis, cette apparition folle et lunaire de Lionel Jospin, qui au-delà de livrer dans son propre rôle une étonnante prestation convaincante, se servira du film pour un début d’autodérision :  »Un Jospiniste aujourd’hui, c’est aussi rare qu’un canard mandarin dans l’île de Ré ». Au cinéma tout est tellement possible.



Cette rencontre haute en couleurs, entre Arthur, le coincos de service, rigoriste à mourir sur les normes, qui grâce à Bahia va puiser la fantaisie restée bloquée à l’intérieur, et Bahia qui de son côté va calmer ses ardeurs folles pour non pas rentrer dans le rang, mais trouver enfin une place. Lui, immobilisé dans d’autres temps, elle presque trop pleine de vie, vont se sublimer l’un l’autre dans l’universalité d’une histoire d’amour touchante, piquante et magnifiquement émouvante, à laquelle on va progressivement complétement adhérer. Et clairement, des interprétations en or massif… Et le César pour Sara Forestier en 2011 pour cette interprétation incarnée et habitée de Bahia. C’est l’exaltation permanente pour elle, avec ses visions géopolitiques dont la véracité est à géométrie assez variable… Elle pense à un truc, qui lui en fait penser à un autre, et elle s’oublie… Elle est bouleversante de spontanéité généreuse. Une véritable folie contagieuse. Jacques Gamblin est juste parfait. L’authenticité de sa prestation touche également au cœur, et sa façon de se tourner vers l’avenir, cet espoir qui le traverse est prenant. C’est une interprétation inoubliable. Dans les rôles parentaux, Michèle Moretti (mère d’Arthur) nous terrasse de larmes, Jacques Boudet (père d’Arthur) fait passer une géniale palette de sentiments, Carole Franck (mère de Bahia) est un tourbillon d’idées, et notre ami Zinédine Soualem est sans aucun doute le vrai héros de ce film bouillonnant d’émotions. Le nom des gens nous parle de nos origines, proches, lointaines, familiales, mais de tellement plus encore. Il est profond, puissant, il ruisselle de pépites dorées… Il nous parle de la vie avec une succession d’images poétiques… Oui Le nom des gens, c’est la vie des gens en grand, c’est la vie…

 

 

 

Titre original: LE NOM DES GENS

Réalisé par: Michel Leclerc

Casting: Jacques Gamblin, Sara Forestier, Zinedine Soualem …

Genre:  Comédie

Sortie le: 24 Novembre 2010

Distribué par : UGC Distribution

4,5 STARS TOP NIVEAU

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