SYNOPSIS: Marcia, jeune chanteuse passionnée, enregistre un album avec son idole Daredjane, icône rock des années 1970, qui disparait soudainement. Pour sortir leur album, elle doit convaincre l’ayant-droit de Daredjane, Anthony, placier sur le marché d’une petite ville, qui n’a jamais aimé sa lointaine parente et encore moins sa musique. Entre le bon et le mauvais goût, le populaire et le chic, la sincérité et le mensonge, leurs deux mondes s’affrontent. À moins que l’amour, bien sûr…
Un film de Michel Leclerc, c’est toujours toute une histoire. D’abord, car on lui doit Le nom des gens en 2010, qui obtiendra le César du meilleur scénario, et qui demeure une comédie sociale et politique touchante, intelligente et profondément sensible. Rien que pour ça, on dit « Merci Michel » !! Ici, le réalisateur va encore s’intéresser à la confrontation de plusieurs univers, comme il réussit avec grâce dans Le Nom des gens, mais aussi dans le très réussi La lutte des classes (2019). Michel Leclerc offre à voir un cinéma positif, qui donne le sourire, et qui nous fait plutôt du bien. Pour Les goûts et les couleurs, il réunit un casting prometteur, avec toujours cette alliance des contraires dans la rencontre, que Michel Leclerc maîtrise suffisamment pour réussir habituellement à en contourner les stéréotypes.
Avec Les goûts et les couleurs, dès les premières minutes, on reconnaît l’énergie habituelle du cinéaste. Ne serait-ce même qu’aux toutes premières images, où nous est montré un intérieur, avec pléthore d’objets, de micro-détails fantaisistes, qui sont finalement totalement caractéristiques de la volonté du cinéaste de nous raconter toujours beaucoup d’histoires dans l’histoire. Au total, le film est parfois inégal, et toujours bien foutraque comme il faut. On craint même à un moment que l’on verse dans un manichéisme bon teint, façon les idiots de province contre les intellos urbains… Mais évidemment, l’idée était à l’inverse de jouer sur les contrastes en soulignant à grand trait une forme de niaiserie fatigante de ceux qui se contentent des infos de surface pour en extraire une pensée sur le monde… Mais aussi un snobisme très parisien avec un mépris de classe très caractéristique pour ceux qui prônent l’ouverture, mais refusent l’altérité quand elle frappe à la porte.
Au-delà de ces deux France qui se détestent assez rageusement, c’est sciemment caricatural et se veut un prétexte narratif, mais le message est là, et l’on pensera, au travers de la façon dont Anthony (Félix Moati), placier provincial est traité par les bobos chics, au personnage de Jean-Pierre Bacri dans Le goût des autres (2000) ou encore à celui d’Adèle Exarchopoulos dans La vie d’Adèle (2013). Mais il se défendra bien Anthony quand notamment, afin de le rabaisser, se disant qu’il ne saura pas de quoi elle parle, Ivry (Eye Haïdara) lui dit que son prénom est un hommage de ses parents au célèbre violoniste Ivry Giltis. Il lui répondra que lui, son prénom Anthony est un hommage à la ligne B du RER !!!! Drôle et tendrement féroce, c’est un peu tout l’état d’esprit du film qui est incarné par cette réplique. S’il existe quelques pertes de rythme parfois, le réalisateur reprend la main sur son histoire quand il se concentre sur le lien entre Marcia (Rebecca Marder) et Anthony. Avec parfois un peu de fantaisie et surtout beaucoup de tendresse, sa marque de fabrique, en flirtant mais sans jamais y tomber, avec la cucuterie.
Sur le monde de la musique, au travers du personnage de Daredjane (Judith Chemla), le film rend hommage à la transgression et au subversif d’une époque passée où on interdisait volontiers d’interdire. Et puis, il demeure toujours des dialogues littéraires et le sens de la réplique, un vrai dynamisme et quelques moments de grâce, notamment quand le génial Artus mixe, et massacre façon sacrilège le doux et délicat titre posthume du duo Marcia / Daredjane avec des accords boum boum salsa informatisés et criards. Il est totalement habité et survolté, il emporte tout avec lui et nous avec. Scène hilarante et jubilatoire. La mise en scène est percutante, avec notamment la combinaison d’images de fausses archives de Daerdjane, mais qui retracent à souhait l’ambiance d’une époque, faisant habilement le lien avec la sensibilité artistique de Marcia aujourd’hui. Le jeu des parallèles entre les deux artistes pour faire vivre la relève est très habilement mit en image. Avec parfois des effets visuels qui viennent ajouter cette tonalité fantasque chère au cinéaste et qui nous régale. L’interprétation est à tomber. Ils sont tous très engagés et font œuvre de multiples talents. Rebecca Marder apporte une très belle émotion au personnage de Marcia. Elle est très dynamique et vivante, tout en offrant une palette très vaste dans un jeu, que l’on n’a pas fini de vouloir découvrir. Felix Moati est juste génial. C’est un peu le cas dans beaucoup de choses qu’il fait en ce moment, mais là aussi avec une sensibilité de chaque instant, qui lui permet de changer de casquette avec une grande aisance, et au gré du scénario, de beaucoup nous faire rire, ou nous toucher assez profondément. Judith Chelma est suffisamment folle pour jouer une Daredjane de toutes les époques, déjantée avant, déchantée après… Des mentions également pour Philipe Reboot, qui campe un manager bien.. manager… Humanité et cynisme… Une apparition de François Morel en crooner libidineux assez tordante et donc Artus, qui est éclatant, et dont une puissance de jeu émane, qui n’a pas finir de faire parler, souhaitons-le lui. Au final, Les goûts et les couleurs est un vrai bon divertissement, typique de son auteur. On se marre pas mal, on réfléchit un peu, on sort avec le sourire, et tout ça, ben ça compte…
Titre Original: LES GOÛTS ET LES COULEURS
Réalisé par: Michel Leclerc
Casting : Rebecca Marder, Félix Moati, Judith Chemla …
Genre: Comédie
Sortie le: 22 JUIN 2022
Distribué par: Pyramide Distribution
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Festival du Film de Cabourg