Critiques Cinéma

LA PETITE BANDE (Critique)

SYNOPSIS : Cat, Fouad, Sami et Antoine ont douze ans. Aimé en a dix. Par fierté et par provocation, ils décident un jour de mettre le feu à l’usine qui pollue leur rivière. Aussi excités qu’affolés ils s’embarquent alors dans une aventure drôle et incertaine au cours de laquelle ils apprendront à vivre et à se battre ensemble.

La petite bande est le dixième long métrage de Pierre Salvadori. On se souviendra notamment de l’anthologique Les apprentis  (1995) avec François Cluzet et le regretté Guillaume Depardieu avec son iconique « Maths sup, Maths spé… j’hésite encore « . Salvadori confesse avoir une affection pour les personnages un peu décalés, vulnérables, en marge, qu’il a toujours tenté de mettre en avant dans son cinéma. C’est sans doute ici un peu le cas avec le petit Aimé, on le verra dans quelques instants. Il aime aussi beaucoup filmer l’amitié, c’est dans ce film comme une évidence. Pour La petite bande , il revient en Corse, filmer le terrain de jeu de son enfance : « Nous avons tourné à Sartène, une ville qui est très cinématographique, et dans celle de Corte, sur les lieux de mon enfance, les rivières où j’allais me baigner, les sentiers où je courais, les forêts où je jouais.  » Il avait également promit à ses propres enfants de faire un film pour eux, sans doute que là on y est. La petite bande n’est pas aussi inoffensive qu’elle en a l’air, à tout point de vue, ni en tant que groupe de pré-ados, ni en tant qu’énième film de cinéma qui se voudrait frais et feel good movie sur cet âge transitionnel si singulier. La petite bande est une œuvre bien plus profonde et nuancée, à l’image de ce qui anime chaque membre du groupe d’apprentis intégristes des ninjas verts de l’écologie !! C’est La guerre des boutons (1962), mais version Greta Thunberg. Les aspirations écologistes générationnelles, si elles sont plus ou moins sincères individuellement, notamment sur les lourdes atteintes au vivant, et le véritable génocide contre faune et flore, viennent en fait évoquer des motivations autres qui se laisseront découvrir. Les masques tomberont, à tout point de vue, et chacun pourra alors dévoiler sa part de vérité. Mais on peut d’ores et déjà parler d’une véritable ode à l’enfance que livre ici Salvadori, qui nous parle du lien et de l’importance de celui-ci. Se trouver un ancrage, savoir non pas forcément où l’on va, mais surtout avec qui on a envie d’y aller. « Avoir un bon copain, voilà c’qu’il y a de meilleur au monde  » dit la chanson. Ici, on y est.



Là où le film densifie son discours, au-delà de sa capacité à nous faire beaucoup rire, est dans les messages qu’ils déploient sur les joies et blessures de l’enfance. Nous sommes dans la tête de cette petite bande à un âge charnière, entre 10 et 12 ans, celui des initiations, et où l’ancrage du trauma est potentiellement à chaque coin de rue. Sans que la rivière déborde, il est ici question pour nos grands enfants et petits adultes, de l’absence, du manque, et de l’exacerbation du mal, à cet âge de haute sensibilité. Oui, la plaie fait encore plus mal, est plus à vive, quand on est tout petit. On nous parle aussi du racket des petites ordures en culotte courtes, que les supers pouvoirs d’Aimé (Paul Belhoste) ne parviendront pas à annihiler. Le curseur est positionné avec tendresse sur les drames et rêves de l’enfance. Le personnage d’Aimé à cet égard est poignant, quand il affirme que si personne ne l’aime, c’est finalement devenu comme une habitude, ou alors car il est frisé… Le film part souvent dans du grand n’importe quoi, mais le fait avec un talent fou et nous amène avec lui dans un tourbillon, une farandole assez foutraque, qui apporte une touche fantaisiste, que l’on peut facilement trouver assez jouissive et jubilatoire.



La mise en scène est assez pépite elle aussi. Les cadres sur les enfants notamment sont sacrément travaillés. On oscille entre les gros plans sur les regards plein de vie et de vérité d’Aimé, Cat, Fouad, Antoine et Sami et sur les travellings de la Corse natale de Salvadori, notamment montagnes et forêts. Dans les deux cas, le cinéaste filme l’enfance, la sienne mais aussi la nôtre dans cette universalité de l’innocence et la pureté des yeux d’enfants, comme dans les souvenirs de lieux familiers. Il le fait avec passion et talent, avec une photographie forte et naturelle. Si sur le fond, le propos du film est prenant, la technique ici appuie et magnifie l’œuvre. Et puis, il y a quelques moments de grâce, et aussi de bizarreries, qui sont comme un petit bonus au goût délicieusement douteux, et notamment à un moment avec un véritable battle de vomi, qui n’a presque rien à envier à Sans filtre  (2022), récemment d’or palmé.



Au casting, parmi la petite bande, on retrouve des comédiens qui inaugurent leur participation à un film comme Paul Belhoste dans le rôle d’Aimé, Colombe Schmidt pour Cat et Redwan Sellam (Sami). Mathys Clodion-Gines (Fouad) avait été vu dans le court-métrage Va jouer dehors (2017), et Aymé Medeville dans Pompéi  (2019). Tous en tout cas s’éclatent et à l’image d’une scène où ils font arbre pour se sauver, au-delà de la préservation du végétal et de l’animal, il s’agit d’une chorale et d’un collectif qui véritablement joue ensemble, et les uns pour les autres. Mais un peu comme son personnage Aimé dans le film, il faut reconnaître que Paul Belhoste livre une prestation à part. Il est bouleversant de solitude et d’une forme de rage qu’il ne contient pas toujours, conscient de l’injustice de sa situation. Ce petit a une tronche !! Et on va sans doute la revoir bientôt, tant avec ses p’tits potes, ils crèvent l’écran. Une mention toute particulière et toute notre compassion à Laurent Capelluto (vu tout récemment dans la série Infinity ), qui en prend dans tous les sens du terme, plein la gueule sur toute la durée du film, et il le fait avec beaucoup de talent et de passion. Son «  Les enfants ??  » plein d’espoir et de colère sourde hypocrite pour les amadouer, pourrait entrer dans la légende…. La petite bande , une fois le film passé, on a bien envie d’en faire partie nous aussi, ce qui démontre la réussite du projet, et le plaisir fou que l’on va prendre face à cet objet filmique parfois un peu tordu, mais aux trouvailles si ingénieuses et originales. Entrez dans la bande !!

 

 

Titre Original: LA PETITE BANDE

Réalisé par: Pierre Salvadori

Casting: Paul Belhoste, Laurent Capelluto, Mathys Clodion-Gines…

Genre: Comédie

Sortie le: 20 juillet 2022

Distribué par: Gaumont Distribution

EXCELLENT

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