SYNOPSIS: Au milieu des figuiers, pendant la récolte estivale, de jeunes femmes et hommes cultivent de nouveaux sentiments, se courtisent, tentent de se comprendre, nouent – et fuient – des relations plus profondes.
La réalisatrice, Erige Sehiri présente ainsi son film : « Ces personnages sont un microcosme de la société tunisienne et par extension de la société arabe, dans lesquelles on retrouve la beauté de nos pays, mais aussi le sentiment d’étouffement et le manque d’opportunités que la jeunesse peut subir ». Un cinéma d’émancipation, du cinéma social et sentimental dont la bande annonce laisse entrevoir que l’on s’embrasse sous les figuiers, mais on cause aussi. On cause universalité et ouverture sur le monde. Tout un programme pour une réalisatrice qui pour son film a fait appel à des actrices et acteurs amateurs. Du cinéma vérité, ouvert et souriant à ce qu’on devine, tout un programme. Après s’être un peu enfermée dans un train, pour son premier long métrage La voie normale (2018), Erige Sehiri sort du wagon, pour à cœur et ciel ouvert, toujours dans la même idée, décrypter le fonctionnement d’un monde, le sien, son pays, au travers d’histoires individuelles, ici les jeunes gens sous les figuiers. Nous sommes dans un lieu figé, un espace-temps arrêté, un véritable huis clos à ciel ouvert, où il va pourtant s’en passer… Sous les figues, on parle géopolitique et mépris culturel, mais aussi évidemment exacerbation des sentiments et amours contrariés. Un véritable marivaudage sous les arbres. Pourquoi ce garçon a oublié Melek (Feten Fdhili) 5 ans durant, alors que de son côté, porté par la puissance du sentiment amoureux, elle a tout fait pour le retrouver. Ils se revoient ici et maintenant, destin farceur et troublant. Le bruit des cagettes, le chant des oiseaux, le souffle du vent, tout va devenir important, vivant : les craquements des branches, les effleurements des feuilles, le délicieux « crac » de la figue attrapée. Tout va forcément compter dans ce moment suspendu à plus d’un titre.
A portée de main, ou en montant les arbres, ils sont des poètes de la cueillette, des philosophes acrobates, au service d’une mise en scène aussi humble qu’époustouflante, et c’est ici le cœur battant de la furieuse beauté de Sous les figues. Une pépite de mise en images, qui s’appuie sur une tradition, teintée de pop et de modernité dans notamment les discours des femmes, dans leurs velléités émancipatrices joyeuses. Au-delà des mots pour le dire, il y a ces regards… les yeux, notamment de ces jeunes filles, les plans fixes sur elles, la splendeur du verger silencieux, les lumières pénétrantes, qui dans un jeu de couleurs saisissant en incendiant la verdure, avec le vert des feuilles, cet espoir, baigné de lumière, qui accentue la braise des regards. Dans Sous les figues», la technique est poétique. Puissant.
Le pari de l’authenticité dans le jeu des acteurs est pleinement gagné. Erige Sehiri, la réalisatrice : « Je tenais à donner un visage à ces travailleuses habituellement invisibles. Je me suis alors mis à écrire en écoutant en boucle L’Estaca, un chant contestataire né sous Franco. Dans sa version arabe tunisienne de Yesser Jradi, c’est un chant sur le labeur, l’amour et la liberté, que j’ai tout naturellement choisi comme musique pour le générique du film. » Afin d’appuyer toujours plus cet hommage à ces femmes combattantes, la cinéaste voulait faire appel à des actrices non professionnelles, rompues au travail déployé dans le film, et qui par exemple parlaient le dialecte singulier du village berbère du film.
Les actrices y sont magnétiques, elles maîtrisent pleinement l’art de récolte, tout en enchaînant petits débats et grandes confidences. Ameni Fdhili, Fide Fdhili, Feten Fdhili, Samar Sifi, Leila Ohebi, Hneya Ben Elhedi Sbahi, percent la caméra avec des regards renversants. Leur complicité est évidente, et dans un huis clos, même à ciel ouvert, les performances de jeu sont forcément décisives, c’est ici plus que gagné. Quant à eux, Gaith Mendassi, Abdelhak Mrabti, Fedi Ben Achour, Firas Amri, dans une expression différente ont en commun hormis d’être des hommes, d’être décontenancés entre le modèle patriarcal sur lequel ils se sont construits avec en face d’eux des femmes qui ne se laisseront plus faire, qui le disent et le montrent. Sous les figues ne se manifeste pas par une action survoltée de chaque instant, mais pour autant dans ce qui ne reste qu’une journée, sur le champ des émotions, la récolte sera dense et forte. Un vrai et pur moment de cinéma.
Titre Original: TAHT EL KARMOUSS
Réalisé par: Erige Sehiri
Casting: Ameni Fdhili, Fide Fdhili, Feten Fdhili…
Genre: Drame
Sortie le: 08 mars 2023
Distribué par: Jour2fête
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Festival du Film de Cabourg