E.T L’EXTRA-TERRESTRE (Critique)

Par JM Aubert le juin 10, 2022 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS: Une soucoupe volante atterrit en pleine nuit près de Los Angeles. Quelques extraterrestres, envoyés sur Terre en mission d’exploration botanique, sortent de l’engin, mais un des leurs s’aventure au-delà de la clairière où se trouve la navette. Celui-ci se dirige alors vers la ville. C’est sa première découverte de la civilisation humaine. Bientôt traquée par des militaires et abandonnée par les siens, cette petite créature apeurée se nommant E.T. se réfugie dans une résidence de banlieue.

Les joyeuses passions de Maître Spielberg pour d’autres vies que les nôtres, tout la haut, sont évidemment au cœur du film. Il aime filmer les soucoupes et comme on adore les regarder, c’est parfait. 5 ans avant, dans Rencontre du troisième type  (1977) au détour de 5 notes, le cinéaste de génie nous avait déjà fait côtoyer les étoiles. C’est d’ailleurs sur ce tournage que François Truffaut, qui jouait dans le film aurait susurré à l’oreille de Steven de faire un film avec des enfants pour héros. Petite séance cocorico sur la genèse du projet E.T film aux 7 récompenses, dont 4 oscars en 1983. Avec 9 millions d’entrées en France, E.T  est le premier au box-office de Spielberg sur notre sol. Quatrième plus gros succès du cinéma américain, devant Titanic, avec 123 Millions d’entrées aux Etats-Unis, E.T  demeure un des plus gros succès de l’histoire de son art. Et, c’est un partage familial intense autour d’une extraordinaire leçon d’altérité. Ou quand le cinéma, vraiment c’est la vie. Rien que quand s’affiche «  Directed By Steven Spielberg », le petit frisson s’installe. Au même titre que le cinéma sans Spielberg, sans ce film, le cinéma ne serait pas qualifié régulièrement de poétique, d’art…. Cette incroyable leçon sur l’apprentissage de l’autre, cette seconde adoption médiatique, après celle, potentielle, d’un bébé dans une étable… E.T , c’est une histoire d’universalité, c’est une interrogation sur le sens même de l’existence, c’est une variation sur l’importance à donner à ce qui compte vraiment. L’Altérité, oui la vraie. Après la peur de la différence de la première rencontre, les premiers gestes, signes, qui créent la communication non verbale, vertueuse et heureuse. Quelle leçon…. Si on attachait tous les dictateurs devant E.T , on changerait peut-être la face du monde…

Dans ce film, tout est vertueux, pas étonnant que les fringues d’époque, nommés vintage aujourd’hui reviennent… C’est une quête des émotions perdues. E.T en est l’incarnation. Quand il fait jongler les planètes, qu’il fait repousser les fleurs en train de mourir, « Il est sacrément génial » comme le dira une petite spectatrice de cette séance… E.T seul dans la maison d’Elliot, découvre la légèreté et la folie ordinaire de nos vies, le journal, les bijoux, les jouets, la bière, rendant ivre Elliot, qui lui est à l’école, dans cette onirique connexion télépathique. E.T poursuit son initiation dans la vie si bizarre des humains, notamment avec la TV, au travers du baiser de John Wayne à Maureen O’Hara dans L’homme tranquille (1952) de John Ford. Il aurait pu tomber plus mal. Elliot aura le courage de son côté d’embrasser son amoureuse !! Et bien sûr… E.T va mettre la main sur…. le téléphone….

Ce moment, « E.T téléphone maison  ». Vouloir rentrer, être chez soi, dans la chaleur des siens, quête légitime d’amour et de vie…. Les mouchoirs sont sur la table. A peine plus tard, quand E.T fait voler Elliot à vélo, « C’est de la magie » dit la petite spectatrice. Pas mieux. Dixit Michael, le grand frère aux autorités désincarnés, qui mettront la main, sur la créature adorable et adorée de l’espace : Elliot ressent ce que E.T ressent  »… De la poésie. Une ode à l’enfance de Spielberg, qui une fois de plus a tout compris. La connexion est sublime entre E.T et Elliot, dans un déracinement réciproque, loin des siens pour le premier, dans l’absence du père pour le deuxième. Oui, malheureusement, les adultes s’en mêlent, avec leur orgueil, leur paranoïa, leur bêtise immonde, étatique et erratique. Il manque Fox Mulder pour faire tiers et empêcher le déploiement prétentieux, stérile et un peu phallique de toute une puissance scientifique, mais comme d’habitude, l’homme va passer à côté de l’essentiel. Pas Elliot et ses pt’its potes. « L’enfant est le père de l’homme » disait l’écrivain. S’en suivra le moment anthologique des vélos volants « Adieu les adultes »… pour ne pas dire autre chose…

Avant de retrouver la liberté, ce câlin de E.T à Elliot, qui lui glisse, alliant un geste inoubliable à une divine parole « Je suis toujours là »… L’émotion est à son comble. Pour renforcer l’authenticité du jeu notamment des enfants, E.T  a été filmé dans le respect de l’ordre de l’écriture du scénario. Et l’effet escompté a clairement fonctionné tant, notamment Henry Thomas est un Elliot tellement convaincant, dans son absence de préjugés, et troublant de vérité dans sa relation télépathique à E.T. Drew Barrymore, qui joue Gertie, la petite sœur, filleule à la ville de Steven Spielberg, elle aussi sera poignante de tendresse dans son lien à la petite bête de l’espace. Les impacts du succès intersidéral du film seront plus compliqués à gérer pour Drew, qui va bien mieux aujourd’hui, qu’on se le dise. Les derniers mots de la petite spectatrice : « J’ai adoré. Au début, j’ai eu peur car je savais pas qui c’était  ». Voilà comment le cinéma, objet de partage, forge à l’apprentissage de l’autre. Tout est là, on se met d’accord sur la dénomination de chef d’œuvre… Un grand moment de cinéma, un grand moment de vie.