SYNOPSIS: Alain et Marie emménagent dans un pavillon. Une trappe située dans la cave va bouleverser leur existence.
Chez Quentin Dupieux, la bizarrerie est une affaire familière qu’on se plaît à retrouver à chaque nouvelle pièce de sa filmographie, n’étant pas encore totalement remis du pneu-tueur-en-série de Rubber, des dresseurs neuneux de mouche géante dans son Mandibules ni de cette équerre mortelle au sein du fantasque Au Poste. Dans Incroyable mais Vrai, c’est un nouveau stade de bizarrerie qui est raconté par le metteur en scène et maître contemporain de l’absurde français. Une bizarrerie tellement bizarre qu’elle est absente de la promotion du film et de son pitch, profitant alors de l’effet de découverte au moment où les lumières du cinéma s’éteignent. Peut-être trop incroyable pour être vraie ? Ou peut-être pas ? Bref, Incroyable mais Vrai, le nouveau Quentin Dupieux, est un délice absurde et grotesque qui ravira les amateurs du genre, à n’en pas douter. Pour suivre la volonté de la promotion du film de taire les principales lignes directrices du film, nous ne raconterons que ce que l’on sait des différentes et énigmatiques bandes-annonces. On suit Alain et Marie, un couple qui emménage dans une jolie maison en banlieue. Mais c’est la découverte d’un étrange trou dans la cave qui enclenchera évènements curieux, tentations existentielles et autres révélations improbables autour de ces personnages. Car s’il on se doit d’éluder dans cette critique le véritable sujet du film (et donc la fonction de cette étrange trappe), il paraît pourtant évident qu’il n’en constitue pas le concept entier. Au-delà de présenter un élément étrange dans cette maison en apparence normale, Incroyable mais Vrai joue surtout avec un running-gag précis, consistant à maintenir un semblant de suspense lorsque des personnages sont sur le point de faire une révélation.
L’agent immobilier passe par 1000 chemins pour en venir au sujet de la trappe avant de se faire couper à l’amorce d’un plot twist par un cut de montage brutalement hilarant. Le couple d’amis composé par Anaïs Demoustier et Benoît Magimel se prépare à une annonce singulière avant de s’embrouiller et de mettre 5 minutes à finalement révéler leur secret. Cette composition de gag très bien ficelée permet de mettre en exergue une écriture très fine truffée de punchlines drôles à souhait et blindées d’idées comiques. Les quatre comédiens principaux (les deux cités précédemment, accompagnés par les merveilleux Alain Chabat et Léa Drucker) se confondent avec délice dans l’univers perché de Quentin Dupieux en déployant leurs sens chirurgicaux du timing pour faire vivre le scénario.
Chabat reste studieux et impassible alors que le monde part à vau-l’eau autour de lui, Drucker plonge dans ses obsessions, Magimel brille en beauf total plus enclin à parler de son attribut viril que de son travail et Demoustier se dote d’une nouvelle coupe de cheveux pour nourrir son personnage. Bref, autant d’univers qui collisionnent dans une comédie de haut-vol qui parvient à être trash sans être vulgaire, à être grotesque sans être bête et à être belle sans être artificielle (pourtant, l’intégralité du film repose sur toutes sortes d’artifices). En composant une histoire qui pose son mécanisme sur certains principes élémentaires de philosophie (le culte de l’apparence et de la performance ou la crise identitaire de la quarantaine passent au moulinet),
Dupieux nous plonge comme à son habitude dans un univers simili-SF (mais pas trop) qui trafique l’absurde (mais pas trop) avec une réussite incroyable (mais vrai). Avec une mise en scène très soignée, un casting réjouissant et un tas d’idées narratives brillantes, Incroyable mais Vrai est un petit bijou ridiculement agréable et drôlissime qui ouvre la trappe de Pandore vers une nouvelle petite perle d’humour aux confins de l’absurde. Quentin Dupieux, fidèle à lui-même, condense son cinéma en 1h15 tout en intelligence et en efficacité, bouclée par un final musical qui – même s’il conclue brusquement l’intrigue – nous conforte dans l’idée que la mise en scène est le squelette vital d’un humour moderne qui marche. Pour faire rire, il faut faire et dire des trucs drôles, mais il faut d’abord bien les filmer. Merci Monsieur Dupieux pour la leçon, on prendra sans hésitation un billet pour être aux premières loges de la prochaine.
Titre Original: INCROYABLE MAIS VRAI
Réalisé par: Quentin Dupieux
Casting: Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel…
Genre: Comédie
Sortie le: 15 juin 2022
Distribué par: Diaphana Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma