SYNOPSIS: Un homme d’affaires milliardaire décide de faire un film pour laisser une empreinte dans l’Histoire. Il engage alors les meilleurs : la célèbre cinéaste Lola Cuevas, la star hollywoodienne Félix Rivero et le comédien de théâtre radical Iván Torres. Mais si leur talent est grand… leur ego l’est encore plus !
Le timing de la sortie sur grand écran de Compétition Officielle est délicieux, alors que vient de se boucler la 75ème du Festival de Cannes auquel il emprunte gentiment son titre. En venant singer la réalité des dessous du cinéma de façon presque méta, les deux metteurs en scène argentins Mariano Cohn et Gastón Duprat se présentent avec un nouveau film aux allures de satire grinçante et caustique sur les mécanismes de la création artistique au sens large. On y suit un PDG milliardaire espagnol – octogénaire, qui plus est – qui, dans son envie de tromper l’ennui et de marquer le monde de son empreinte, décide de produire un film. Mais pas n’importe quel film : un Grand Film. Le genre qui permet à son casting de fouler le tapis rouge à Cannes et de décrocher des trophées partout à travers les festivals internationaux. Pour ce faire, il engage la réalisatrice multi-primée Lola Cuevas qui signe pour une adaptation – plus ou moins fidèle – d’un best-seller. Lola convainc alors son producteur de rassembler en tête d’affiche les deux comédiens les plus antinomiques de l’actorat hispanique : la star hollywoodienne overbookée Félix Riveiro et le comédien de théâtre méthodique Iván Torres. Et la confrontation ne manque pas, car quand les égos, les divergences de points de vue et les coups de couteaux dans le dos pointent le bout de leur nez dans l’équation, c’est le bon déroulement du tournage tout entier qui est mis en branle. Si Compétition Officielle résonne comme une comédie burlesque hantée par de gigantesques personnages fantasques plus énormes que nature (Penélope Cruz, Antonio Banderas et Oscar Martinez sont absolument jubilatoires dans leur triumvirat cinématographique aussi grotesque qu’imposant), c’est dans sa justesse de variation de ton que l’on y trouve la longueur d’onde précise sur laquelle le film veut nous faire nous arrêter. A tour de rôle comique, moqueur, tragique et pathétique dans un long-métrage sur le cinéma qui regorge de cinéma, Compétition Officielle est dans son envie constante de creuser les figures mythiques qu’il présente une véritable bouffée d’oxygène qui décroche des sourires et de bons rires sincères venant saupoudrer les moments de malaises flottants sur l’écran.
Dans le film, Penélope Cruz n’est plus la gigantesque star du cinéma dont on connaît par cœur tous les traits du visage. C’est désormais elle qui scrute l’écran, l’air appliquée, sérieuse, indomptable et impitoyable. Ce sont ses méthodes qui dictent le rythme de l’ensemble du récit. Lorsqu’elle lit le scénario à ses comédiens, le film ralentit. Lorsqu’elle les entraîne à faire corps avec leur peur pour nourrir leurs personnages, le montage se concentre à l’excès sur la scène grotesque concoctée avec brio par la réalisatrice. Dans Compétition Officielle, ce sont les comédiens qui sont les metteurs en scène bâtissant cette fable satirique aussi grinçante que poilante où les gags empilent les idées de cinéma toutes plus farfelues les unes que les autres.
Le décor qui s’invite dans leurs répétitions, une séance sur la modestie appliquée de force sur les deux comédiens, une scène d’embrassade génialement interminable suivie par une quantité de micro bien plus grande que nécessaire et une révélation déchirante portée encore une fois par l’égo. Les séquences marquantes et désopilantes se succèdent et enfoncent le clou d’un film qui ne veut ni se moquer du cinéma ni de ses personnages, mais bien de mécanismes de pensées, de principes professionnels et d’hypocrisie glaciale qui parcourent le 7ème Art tout en livrant une pièce de théâtre filmée de haut vol qui ne manque pas de crier « Karma ! » dans ses derniers instants.
Penélope Cruz, Antonio Banderas et Oscar Martinez combinent alors les toutes puissances de leurs talents respectifs pour concevoir une farce à tiroirs qui effiloche le plateau de cinéma et toutes les strates de sa production pour en tirer le plus absurde, le plus excessif, le plus raillant et le plus grotesque (donc quasiment la réalité, quoi). Compétition Officielle n’est peut-être pas le genre à figurer dans une susdite Compétition Officielle, mais à l’heure où l’on sort des défilés interminables de stars en tous genres sur le tapis rouge cannois, de discours oscillant entre bons sentiments et phrases toutes faites et strass et paillettes à outrances, il est tout naturel de voir la proposition de Cohn et Duprat comme un miroir un chouïa déformant qui tâche gentiment les smokings en composant un behind the scenes drôlissime et débordant de cinéma. Et comme on dit, « de l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas ». Alors, détester ces personnages reviendra sûrement à quitter la salle en aimant encore plus le cinéma, et c’est là tout le génie de Lola Cuevas.
Titre Original: COMPETENCIA OFICIAL
Réalisé par: Mariano Cohn, Gastón Duprat
Casting : Penélope Cruz, Antonio Banderas, Oscar Martinez …
Genre: Comédie
Sortie le: 1er juin 2022
Distribué par: Wild Bunch Distribution
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020