Critiques Cinéma

THE LAST PICTURE SHOW – LA DERNIÈRE SÉANCE (Critique)

SYNOPSIS: 1951. Sonny et Duane, deux adolescents texans, passent leur temps entre le café et le cinéma, seules distractions possibles dans leur petite ville perdue aux confins du désert. Mais lorsqu’une fille provoque une dispute entre eux, Sonny décide de s’engager pour la Corée. Avant de partir, ils se rendent au cinéma une dernière fois…

Le réalisateur Peter Bogdanovich, qui nous a quitté très récemment, était une sorte de cinéaste historien, un archiviste de la bobine. Féru de nostalgie, admiratif du cinéma hollywoodien, sauce Hitchcock, Hawks, Ford, mais aussi admirateur d‘Orson Welles. Une de ses empreintes artistiques est tournée vers une forme d’anthropologie du passé, dans un néo classicisme, en tout cas, sans goût prononcé pour la révolution, la projection, la recherche de l’avant-garde. Martin Scorsese dira d’ailleurs de Peter Bogdanovich qu’  »il est le dernier à avoir réalisé un film classique américain« . En effet, le film est sorti en 1971, dans un moment notamment revendicateur cinématographiquement outre-Atlantique, où un regard d’autocritique prédomine. Ainsi, presque à contre-courant, La dernière séance  nous narre dans une mélancolie revendiquée une certaine Amérique du début des années 50, au fin fond du Texas, dans la tout petite ville d’Anarene. Pour comprendre le contexte de la sortie de La dernière séance dans les salles, ça serait comme choisir de regarder des replays de  La chance aux chansons (1984-2000), un soir où The Voice est diffusé… Pour autant, ce culte de la nostalgie de Bogdanovich n’est pas passéiste, ce qui s’écrit notamment dans La dernière séance au travers du récit d’aspirations émancipatrices de jeunes, qui se morfondent dans un trou bien paumé, avec comme seul horizon les premiers émois sexuels, l’alcool, le ciné, le billard, la voiture, ou l’armée, et où seul le vent semble hyperactif quand il balaie la poussière de la rue principale, rappelant l’âge d’or des films avec des messieurs armés et avec des chapeaux.



La dernière séance, c’est un peu un Western sans chapeau justement, et avec des bisous fous partout à a place des balles sifflantes. Cette petite musique country sentimentaliste régulièrement en fond en rajoute… Une musique qui était d’ailleurs jouée en direct pendant le tournage, pour donner du rythme à l’intrigue. A propos de Jeff Bridges (Duan), son acteur principal, jeune premier dans le film, et qui a bien grandi depuis, Peter Bogdanovich, disait : « Je crois qu’il a eu le rôle avant même d’avoir dit bonjour. J’ai tout de suite vu que c’était un gars adorable, et ça a joué dans ma décision parce que son personnage était tout sauf un mec gentil. Je me suis dit que si je choisissais Jeff, ça ferait de son personnage un peu moins une grosse merde « . A noter que le film est tourné en décor naturel, et avec « des gens du cru » pour retracer au mieux cette ambiance du début des années 50 dans un village un peu paumé du Texas. Va naître de ces rencontres une incroyable histoire. En effet, présent au casting, sous les traits de Leroy, Loyd Catlett va devenir la doublure et le cascadeur personnel de Jeff.Bridges. Ça fait 50 ans que ça dure !!



« Y’a personne qui peut éternuer ici sans que personne lui propose un mouchoir » résume fort à propos Geneviève, la serveuse du Snack. Car précisément, La dernière séance est un film fort sur le désenchantement, presque sombre, malgré les apparents sourires de ces jeunes gens, tant le tableau dépeint est ici celui de l’impossibilité de s’extraire de la prédestination d’une condition, comme une assignation. Le sort, peu enviable des adultes autour d’eux viennent le rappeler. Il existera comme un chassé-croisé amoureux permanent, toujours sous fond de velléité de trouver une issue, une porte de sortie, une échappatoire à la promesse de médiocrité qui semble comme ancrée à Anarene. C’est notamment le cas dans l’histoire entre Sonny (Timothy Bottoms) et Ruth (Cloris Leachman), ou pour une différence d’âge importante, l’aspiration est quasi commune, y croire pour l’un, y croire encore pour l’autre. Avant le départ de Duane en Corée et même avant ce qui sera la fermeture définitive du cinéma, la toute dernière séance, et comment pouvait-il en être autrement dans l’esprit du réalisateur, sera un John Wayne, avec Red River (1948) évidemment d’Howard Hawks. La dernière gérante du cinéma, Miss Mosey, affirme dans une terrible prémonition que « plus personne ne veut venir au cinéma« … ajoutant « Entre le baseball, la télévision, c’est vrai que ce n’est plus rentable« … Il ne s’agit pas encore des plateformes, mais tout est déjà en place…  Jeff Bridges est splendide, dans ce premier rôle majeur pour lui. Son duo avec Timothy Bottoms est magnétique, ils incarnent avec passion les espoirs qui se fracassent. Ils sont purs et beaux à voir jouer. Cybill Sheperd est une Jacy incandescente. Elle porte en elle une forme de désespoir latent, entre l’envie d’aimer follement et de trouver celui qui va la porter, l’emporter. A noter deux Oscars reçus en 1972, pour les meilleurs seconds rôles pour Ben Johnson et Cloris Leachman, qui tous deux livrent également des interprétations très sensibles et émouvantes.



Au final, La dernière séance porte en elle une profonde tristesse, et jette un regard acerbe et dur sur les espoirs déchus, sur la perte des illusions. Il se regarde avec plaisir néanmoins, tant l’amour du cinéma de Bodgdanovich vous promet de vrais jolis moments de cinéma. C’était La dernière séance, et le rideau sur l’écran est tombé…

Titre Original: THE LAST PICTURE SHOW

Réalisé par: Peter Bogdanovich

Casting: Timothy Bottoms, Jeff Bridges, Cybill Shepherd…

Genre: Drame

Sortie le: 14 avril 1972

Distribué par: –

EXCELLENT

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