Critiques Cinéma

JEUNE FEMME (Critique)

SYNOPSIS: Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches, voici Paula, de retour à Paris après une longue absence. Au fil des rencontres, la jeune femme est bien décidée à prendre un nouveau départ. Avec panache

Jeune femme a reçu la Caméra d’or au Festival de Cannes en 2017, et c’est tout sauf un hasard vue toute la densité filmique déployée ici. C’est dire si Léonor Serraille, la réalisatrice est attendue sur la croisette cette année, avec son film Petit frère en compétition officielle. D’autant qu’elle a écrit ce premier long métrage Jeune femme  quand elle était encore étudiante à la FEMIS (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son). Le récit est inspiré de sa propre arrivée comme étudiante dans la capitale, mais aussi, dans ce fil de la folie par Une femme sous influence  (1974) de John Cassavetes. L’on parle ici d’un impossible ancrage de Paula, qui est bouleversant et prend au cœur. Avec une caméra qui se donne tout entière à nous, c’est éreintant et puissamment émouvant. Cette émotion est violente, brute et appuie sur les plaies. Un peu comme celle que Paula traîne sur son front. Une dureté tendre et amoureuse, qui marque aussi la naissance d’une grande réalisatrice, qui nous dit forcément beaucoup d’elle dans cette œuvre tellement vivante. On suit Paula, mais jamais sur un fil droit. Elle est blessée, meurtrie, traîne son manteau carotte et brique, elle mène 1000 vies à la fois, c’est un portrait de jeune femme dans l’angoisse et le vertige de son époque. « Les bipolaires des yeux comme toi, on s’en rappelle« . A l’image de cette réplique, au-delà d’une redoutable qualité d’écriture, le film est pop, sensuel et déroutant, exactement comme l’est son héroïne.


On est, sans relâche aucune, dans la tête et le corps de Paula, dans ses névroses, ses obsessions, sa folie, d’autant que la caméra, pour notre plus grand plaisir ne la quitte pour ainsi dire presque jamais. On est avec elle, et très vite, elle s’impose avec nous, et même en nous. Cette intimité cinématographique est charnelle et renversante, pour une mise en scène qui est tellement talentueuse qu’elle créée presque la narration. En quête d’absolu et d’éternel, un peu comme Sue perdue dans Manhattan (1998), Paula erre intérieurement, comme au cœur de grands ensemble désincarnés, sans espoir. Cette folie urbaine amoureuse est brulante d’angoisse. Oui Paula nous fait violence, nous entraîne avec elle dans un abîme que l’on pressent vertigineux. Tout comme le gros plan introductif, avec les yeux de Paula, mi angoissés, mi hallucinés. Elle est déjà très impressionnante et offre une tonalité très animale et sauvage. Pas de temps mort, pas d’installation, cette scène est immédiatement très forte. Tout le reste suivra, et ne se raconte guère, mais se vit, tant Jeune femme est une anthropologie actuelle, prenante et insatiable.


La caméra de Léonor Seraille filme mais surtout suit Paula, et nous transmets une densité majeure d’émotions, tant elle multiplie les plans avec sa muse, en fixe, en gros plan, en contre champ… C’est une farandole filmique pour une réalisatrice inventive, instinctive, qui sait ce qu’elle veut. On le devine, on le sent, on aime ça et on en redemande. La photographie, les décors, la musique, sont explosifs, se calent sur Paula et permettent cette multiplicité de moments de grâce, pour un cinéma résolument dans son temps. C’est frais, dense, jamais complaisant ou naïf. C’est glamour et intense, ça fait un bien fou et réchauffe nos cœurs. Laetitia Dosch est incroyable de liberté, elle virevolte et tourbillonne. Elle envahit tout l’espace. Son interprétation est totale. Elle est une inoubliable et irremplaçable Paula. Ce rôle va compter et on ne demande qu’à la revoir sans arrêt. On veut une overdose de Laetitia Dosch.


Les seconds rôles (même le chat, qui a déjà fait de la pub !!) sont dans la même énergie, dans l’art du portrait, avec des figures très contemporaines, reflets d’une époque. Qu’il s’agisse de Souleymane Seye Ndiaye, Nathalie Richard, Léonie Simaga, avec un peps tellement charmant, ou Erika Sainte. Jeune femme comme sa réalisatrice l’écrit si bien, montre « L’amour comme une soif à épancher, un puits à remplir, un tout ou un rien, et qu’entre ce tout et ce rien flotte au même niveau l’espoir et un penchant pour le vide, la chute, l’implosion. »Paula pousse et fracasse les portes, autant que le cinéma un peu social, beaucoup sociétal et très multicolore de Léonor Serraille, qui s’il grandit encore va indubitablement côtoyer les sommets vu déjà où sa Jeune femme parvint à nous amener.

 

Titre original: JEUNE FEMME

Réalisé par: Leonor Seraille

Casting: Laetitia Dosch, Souleymane Seye Ndiaye, Nathalie Richard …

Genre:  Drame, Comédie

Sortie le: 1er Novembre 2017

Distribué par : Shellac

4,5 STARS TOP NIVEAU

TOP NIVEAU

 

 

 

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