Critiques Cinéma

CHANTONS SOUS LA PLUIE (Critique)

SYNOPSIS: Les films muets laissent place aux films parlants – et le danseur devenu chanteur (Gene Kelly) est lui aussi pris dans cette transition compliquée, tout comme son ami (Donald O’Connor), sa petite amie (Debbie Reynolds) et sa désagréable co-star (Jean Hagen).

Sélectionné dans la sélection Cannes Classics 2022, le Festival évoque ainsi avec Chantons sous la pluie ce film patrimoine par excellence : « A l’occasion des 70 ans de Singin’ In The Rain, cette œuvre iconique sera présentée en version restaurée 4K. Hommage à la comédie musicale, ode au 7ème art et lettre d’amour à la création humaine, ce monument du cinéma américain sur la transition du cinéma muet au cinéma parlant sera projeté à la Croisette. » Gene Kelly fait étalage de talents multiples et se montre sous le jour d’un véritable artiste multi-facettes car non seulement il y tient le rôle-titre, il coréalise le film et il a chorégraphié l’ensemble des tableaux. Au nombre de 11, ce qui peut paraître presque comme repoussoir tant le genre de la comédie musicale est un univers en propre, mais clairement, l’œuvre est tellement prolifique cinématographiquement, que c’est un bonheur permanent, initié ou non. Le film figure même clairement dans la short list  »des meilleurs films de tous les temps ». Chantons sous la pluie est le deuxième film réalisé par le duo Gene Kelly et Stanley Donen après Un jour à New York (1949). C’est aussi un film d’Avant-garde, car 70 après, les codes aussi bien passionnés que délétères de la relation amoureuse, ou les petites bassesses et perfidies du quotidien d’une humanité changeante, sont passés au révélateur avec une vérité qu’on ne saurait démentir à ce jour. Rien que le lion rugissant de la Métro Goldwin Mayer vous file les poils tant il ouvre la boîte cathodique aux souvenirs innocents d’une enfance heureuse. L’enchantement ne quittera pas l’image pendant 1H43… Premières images, ces cirés, ces parapluies, ces sourires, ces démarches du trio Gene Kelly, Debbie Reynolds, Donald O’connor et la pluie qu’on devine de studio, on est juste devant le monument des comédies musicales.



Dès le début, l’iconique duo Don et Lina, avec le moindre mouvement de sourcil, provoque une hystérie collective délirante et hurlante. A cet égard, les yeux pris au hasard dans les foules aimantes qui acclament sont presque inquiétants tant ils sont habités. Mais c’est ici le triomphe de l’éphémère, les grandeurs et décadences de la volatilité, que Balzac ne nierait pas dans des illusions qui se meurent bien plus vite qu’elles n’existent. Les étoiles ne brillent pas toujours là où on pense. Très vite, dans l’intimité, hors des lumières aveuglantes d’un Hollywood volage et écrasant, Don à Lina : « Il n’y a jamais rien d’autre entre nous que de l’air ». Puis un pneu crevé, une foule assaillante, pour la fuir, dans une beauté furieuse et un esthétisme effréné, Don bondit d’un bus à une voiture au gré du hasard, qui comme il fait bien les choses, tombe sur une étoile, elle, anonyme. Kathy, loin de toute dévotion habituelle lui offre à l’inverse une forme de polis mépris, une série de douces moqueries, une fraîche authenticité qui va chambouler tout entier le dorénavant tout petit Don, face à la Grande Dame Kathy. Tout commence toujours par un pneu crevé…


Nait alors cette charmante intrigue, cette succession d’images, d’une mise en scène à l’inventivité absolue, un art du second plan déchaîné, qui mériterait que chaque vignette soit revisitée des heures durant. C’est prodigieusement audacieux et ingénieux, d’un esthétisme renversant de chaque instant. Chaque seconde devient une ivresse de cinéma, d’art, de poésie. Qu’il s’agisse de la rythmique endiablée des moments de chanson et de chorégraphie qui nous en disent tant sur chacun des protagonistes, ou des scènes plus classiques d’interaction, tout est ici orfèvrerie. Inspiration et génie, qui se nichent également dans une écriture poétiquement littéraire et dans une intelligence des mots, qui élève et grandit et que l’on doit à Betty Comden et Adolph Green, co-scénaristes. L’onirisme est partout dans ce total chef d’œuvre tant le génie se planque même dans le sens du détail, que Gene Kelly avait par ailleurs d’obsessionnel sur un tournage. C’est une farandole qui se réinvente en permanence, c’est de l’art, c’est une chanson, une magie… C’est aussi le cinéma dans toute sa splendeur, y compris pour un film qui filme le cinéma. Apologie et anthropologie d’une mine en abîme. » Quand on a en a vu un, on les a tous vu » à propos des films moque Kathy à Don pour le réduire. Alors que finalement, l’on pourrait affirmer que quand on n’a pas vu Chantons sous la pluie, alors on n’a rien vu… La sincérité maline et brute de Kathy, le charisme ineffable de Don font de Debbie Reynolds et Gene Kelly un des plus beaux couples de l’histoire du cinéma, comme en atteste leur interprétation de You were Meant for me, pour la grâce d’une double déclaration d’amour, au cinéma et à leur idylle naissante, qui demeure encore aujourd’hui ce que chacun peut rêver de vivre en matière de complicité amoureuse.


Et puis, il y a I’m singing in the rain… Au-delà du symbolisme infini du formidable message d’espoir ainsi délivré, c’est sans aucun doute une des plus grandes scènes d’un cinéma qui s’incline devant le prodige Gene Kelly, bondissant dans les flaques d’eau, et avec tout ce qui va venir autour de lui. Là, on se tait, on pose son crayon, on regarde, on écoute et juste, on vit… Jean Hagen est une Lina autant bouleversante qu’hilarante dans son incompréhension permanente, et la spontanéité de celle qui ne vit que dans l’immédiateté. Si bien sûr, sa forme de niaiserie est prétexte au fou-rire permanent, son décalage avec la réalité est déchirant de pathétique. Donald O’connor est la parfaite incarnation de l’honnêteté et la loyauté désintéressée. Il est lui aussi complètement envoutant de convictions et d’engagement. Si Gene Kelly prend toute la lumière, lui, rend l’ombre totalement scintillante. Debbie Reynolds est passionnante. Elle a 20 ans au moment du tournage, c’est son premier grand rôle, et pourtant, elle touche au sublime dans l’incarnation d’un idéal féminin qu’elle semble porter en elle avec comme une évidence qui est épatante. Elle s’inscrit pour toujours dans la légende avec une interprétation d’une telle vérité. Gene Kelly est complètement habité. Il a la conviction autant identique dans les scènes où il ne danse pas que le talent fantastique et étourdissant quand il claquette, voltige et virevolte. L’artiste est total le héros est fabuleux, légendaire. Chantons sous la pluie, au-delà d’entrer au cœur dans un véritable tournant du cinéma, c’est de l’élégance, de la grâce et de la classe par tonnes… C’est un film hypnotique qui change le cœur et le cours de l’histoire de son art, c’est LE chef-d’œuvre par excellence. Les couleurs pétantes, la joie intense des interprètes, une énergie qui parle, chante et danse et font de Chantons sous la pluie une ode non béate au bonheur, à l’espoir et à la beauté des rêves, et finalement si c’était juste ça le cinéma…

 

 

Titre Original: SINGIN’IN THE RAIN

Réalisé par: Stanley Donen & Gene Kelly

Casting : Gene Kelly, Debbie Reynolds, Donald O’Connor…

Genre: Comédie musicale, Comédie

Sortie le: 11 septembre 1953

Ressortie le : 1er juin 2022

Distribué par: Warner Bros. France

CHEF-D’ŒUVRE

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