Critiques Cinéma

RESTONS GROUPES (Critique)

SYNOPSIS: Un groupe de touristes francais part en voyage organise pour visiter « l’Ouest américain en Cinemascope », comme dit le catalogue de l’agence Dream Tour. Un voyage de rêve de la Californie à Las Vegas en passant par les parcs nationaux et les sites grandioses immortalisés par le western. Mais voila que le tour-operateur fait faillite et abandonne ses touristes au pays de l’oncle Sam avec pour guide un jeune garcon, certes débrouillard, mais pas vraiment préparé à affronter ce genre de catastrophe. 

C’est a priori une histoire invraisemblable, le genre d’aventure que l’on croirait sortie d’un roman de gare à deux balles. Et pourtant, c’est une histoire vraie. Imaginez que vous partez en vacances via une agence de voyage, destination l’Amérique et tous frais payés, et que pendant le trajet, manque de bol, le tour operator a soudain déposé le bilan, vous laissant ainsi en carafe dans un pays étranger avec un guide déboussolé qui tente de noyer le poisson (ça ne va pas durer) et des hôtels qui vous ferment leurs portes les uns après les autres. C’est l’argument central de Restons groupés, chouette comédie tournée en 1998 par un Jean-Paul Salomé n’ayant à l’époque que de sympathiques Braqueuses sur son CV de réalisateur. C’est aussi le genre de pitch qui ressemble presque à un petit papier sorti d’un distributeur, où le programme de la séance serait détaillé en long, en large et en travers, voire même dans l’ordre chronologique. Rien de péjoratif là-dedans, surtout si l’on s’en tient à l’ambition très modeste du film (divertir son audience pour lui vider la tête) et si l’on accepte de suivre les péripéties d’une bande de touristes franchouillards catapultés chez l’Oncle Sam sans le moindre repère. Quand bien même le réalisateur a souvent prouvé qu’il manquait de personnalité dans sa maîtrise du registre populaire, le pari est ici tenu haut la main, esquivant les sautes de rythme du scénario et le spectre de la caricature en épousant le schéma interne de ses protagonistes : avancer coûte que coûte en dépit des galères et des impondérables.


A première vue, Restons groupés renoue avec une tradition imparable de la comédie : le film de groupe en vacances. En France, on a souvent vu ce que ça donnait, le meilleur (Les Bronzés, Les Randonneurs, Nos jours heureux) comme le pire (MILF, Camping, All Inclusive). Le film de Salomé est à situer dans la bonne moyenne question rigolade et dépaysement : pas d’une drôlerie à se taper le cul par terre, pas d’une originalité qui mériterait d’installer son réalisateur au Panthéon du genre, mais fort d’une vraie maîtrise de la narration en crescendo, de l’effet de groupe, des interactions en son sein et des rapports (de force mais pas que) qui apparaissent au fil des péripéties. Bien conscient que tout son film doit reposer là-dessus, Salomé peaufine et croque ici chaque caractère, avec une jeune journaliste aux dents longues jouée par Emma de Caunes en guise de « taupe » au sein de la troupe de vacanciers. En vrac : deux chtimis qui ont gagné leur voyage dans une pochette-surprise (Bruno Solo et Estelle Larrivaz), deux retraités communistes qui peinent à virer leur cuti (Michel Robin et Antoinette Moya), la lesbienne névrosée et maniaco-dépressive qui joue les trouble-fêtes (Judith Henry), le black sportif qui sert de tranquillisant à cette dernière (Hubert Koundé), le couple de beaufs parigots à plein régime dans la connerie sous vide (Bernard Le Coq et Claire Nadeau), l’asocial de service qui se trimballe une énigmatique boîte à biscuits pour une raison qui ne sera dévoilée qu’à la fin (Bruno Lochet), et bien sûr le guide bôgoss qui se plie en quatre pour satisfaire ce petit monde à mesure que les contraintes s’accumulent (Samuel Le Bihan).


Il faut voir ce film comme un bus qui menace souvent de tomber en rade par manque de délire dans le réservoir, mais où les passagers sont toujours là pour donner un grand coup de boost dans le carbu. On en prend le pouls dès lors que l’enfilade de contraintes façon domino et le recours systématique au système D aident à relancer les dés d’une intrigue qui aurait pu montrer de gros signes d’essoufflement dès le premier quart d’heure. Fort d’une troupe d’acteurs où chacun donne sans cesse l’impression de vouloir amplifier la force comique d’une scène au lieu de la voler pour son propre compte, Salomé n’avait pas grand-chose d’autre à faire que de cadrer le mieux possible ses acteurs et de les mettre en valeur par des partis pris adéquats (du plan large au plan-séquence). Le bonhomme opte ainsi pour une mise en scène précise et sans fioritures, se joue des stéréotypes que chacun semble incarner (soit c’est assumé avec tendresse, soit c’est contré avec énergie) et va même jusqu’à tordre certaines ficelles du road-movie en milieu hostile (voir l’apparition faussement menaçante des Hell’s Angels lors d’une panne en plein désert). A ce stade-là, la satire supposée des franchouillards en vacances – surtout due à la présence d’un Bernard Le Coq royal dans la beauferie et le cynisme – a tôt fait de laisser la place à un vrai film d’aventures, assumé tel quel, avec le double effet Kiss Cool qui va avec : rire des galères vécues en trouvant le moyen d’en tirer profit, ce qui est le propre d’une aventure réussie dont on aime à se repasser les photos et les vidéos une fois rentré chez soi. Cadrez tout ça dans des décors de rêve (on passe des boulevards de Las Vegas à une excursion à Zabriskie Point en passant par les lieux de tournage emblématiques de John Ford), et vous obtenez la comédie idéale pour remplir une heure et demie de décontraction dépaysante.

Titre Original: RESTONS GROUPES

Réalisé par: Jean-Paul Salomé

Casting : Emma de Caunes, Samuel Le Bihan, Bruno Solo…

Genre: Comédie

Sortie le: 02 septembre 1998

Distribué par: Bac Films

TRÈS BIEN

 

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