Critiques Cinéma

R.M.N (Critique)

SYNOPSIS: Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal, multiethnique, de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s’inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Il tente de s’impliquer davantage dans l’éducation du garçon qui est resté trop longtemps à la charge de sa mère, Ana, et veut l’aider à surpasser ses angoisses irrationnelles. Quand l’usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent aussi les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté. 

Cristian Mungiu, réalisateur de R.M.N a reçu la Palme d’or à cannes en 2007 pour 4 mois, 3 semaines 2 jours. En 2012, il remportait toujours sur la croisette, le prix du scénario avec Au-delà des collines, et celui de la mise en scène pour Baccalauréat en 2016. R.M.N est son sixième long-métrage en vingt ans de carrière, qui porte en elle un génie glaçant pour filmer des fables sociales désespérées. Pas étonnant dès lors, que le Festival de Cannes affectionne particulièrement l’œuvre profondément humaniste du cinéaste, et son caractère défricheur anthropologiste d’une Roumanie, qu’il dissèque dans son rapport à l’altérité, son regard sur les années Ceausescu, l’avortement et donc ici la xénophobie banalisée. Contraste saisissant entre l’apparente quiétude d’un village, où comme dans tant d’autres, le temps semble s’être figé et ce qui agite véritablement celui-ci, en termes de fractures, de violence, d’identité contrariée. Comme s’il fallait s’inventer des histoires pour combler le vide. Et il faut reconnaître que sur la première partie du film, hormis la scène d’introduction du coup de boule de Matthias, se faisant traiter de « Sale gitan« , qui est une première métaphore sur les violences identitaires, il ne se passe pas grand-chose dans ce village, donc il ne se passe pas grand-chose pour nous non plus… A un moment, Rudi, l’enfant disparaît, à sa place on se dit qu’on aurait fait pareil… Certaines scènes nous animent un peu. Les échanges à vif après l’amour entre Matthias et Csilla sont très modernes et drôles, et laissent entrevoir une indéniable qualité d’écriture. C’est bien l’apparition de Csilla qui va réveiller le film et nous avec, dans son ouverture, son regard novateur sur le monde dans ce petit microcosme fermé et replié.


Puis apparaissent les premières tensions identitaires, les premières fractures qui se réveillent à propos des ouvriers Sri Lankais, recrutés pas Csilla :  »On a rien contre eux mais qu’ils restent chez eux  ». Des phrases souvent prononcées en groupe. La bêtise est en général plus massive quand elle est collective, une forme d’apanage des foules. Et dans le film, commence à poindre le véritable fondement ce cette haine… La peur…. La peur de l’envahissement, du remplacement et donc la peur de disparaître… Cristian Mungiu dissèque avec haine et passion le racisme ordinaire, particulièrement au sein de la société roumaine… Il y va au scalpel, pas à la hache, et forcement, c’est prenant, angoissant, mais surtout très beau cinématographiquement. Avec en point d’orgue, un plan séquence de 17 minutes (ce qui est très long au regard de la singularité du geste filmique en question) complètement fou, qui est une incarnation absolue des haines et du grand vertige migratoire international. La façon dont cette scène incroyable se déroule démontre avec virtuosité que la haine de l’autre n’est pas autre chose que haine de soi, de ce besoin de la sortir de son corps. Et l’autre : l’étranger, le Sri Lankai, est le parfait client pour ce faire. Le juif, l’arabe, l’ukrainien, le banlieusard, celui qui n’est pas d’ici, d’ailleurs, de hier ou de demain…. Ce moment du film porte ce pouvoir désespérant de l’universalité. La bêtise devient animale, ce qui fera l’objet d’une scène finale très métaphorique, mais dont nous ne dirons évidemment pas un mot.


L’interprétation est engagée et forcément engageante et convaincante, même si on devine que pour le cinéaste, c’est l’histoire et la force du message qui vont primer et guider. Marin Grigore joue un Matthias forcément un peu brutasse, mais en apportant la sensibilité ambiguë, qui donne un relief très intéressant à son personnage. Judith State, dans le rôle de Csilla, en modernisatrice humaniste est parfaite de simplicité dans un jeu sans épure, qui la rende empathique, car son personnage le demande, mais aussi car elle le porte en elle. Au final, c’est comme si R.M.N était un peu coupé en deux, avec au préalable une arborescence d’informations sur une galerie de personnages, pas inintéressante mais un peu longuette, jusqu’à l’émergence du propos central du film, qui donne lieu à des moments de haine terriblement ordinaires que le cinéma doit continuer à montrer pour mieux les dénoncer, ce que fait admirablement R.M.N.

Titre Original: R.M.N

Réalisé par: Cristian Mungiu

Casting : Marin Grigore, Judith State, Macrina Bârlădeanu…

Genre: Drame

Sortie le: Prochainement

Distribué par: Le Pacte

TRÈS BIEN

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