SYNOPSIS: Fin des années 50, début des années 60, la guerre d’Algérie se prolonge. Salah, Kaddour et d’autres jeunes Algériens sans ressources rejoignent l’armée française, en tant que harkis. Á leur tête, le lieutenant Pascal. L’issue du conflit laisse prévoir l’indépendance prochaine de l’Algérie. Le sort des harkis paraît très incertain. Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité.
Le réalisateur Philippe Faucon, est né au Maroc en 1958, et a toujours eu à cœur le sujet de l’immigration, comme en atteste son film La trahison (2005) avec des jeunes gens également dans une impasse, et dans un déchirement face à l’absurdité guerrière. En 2007, il signe Dans la vie, une certaine idée de la rencontre entre deux femmes, l’une arabe et l’autre juive. Le projet du film est né à la lecture du livre Harkis, mes frères de combat de Robert Luca, paru en 1999. Sans qu’il s’agisse d’une adaptation, mais simplement en contant une histoire à visée empathique, pour apporter un éclairage plus vivant sur cette partie de l’histoire de notre pays. Mais l’origine de Les Harkis est bien plus profonde et comme tant d’autres avant lui, les repères de Philippe Faucon vont se forger à la petite enfance. Il se dit obsédé par la guerre d’Algérie, car né pendant cette période et ayant vu ses parents qui l’ont vécu véritablement en direct et qui ont été profondément marqués.
Ce film est celui sur une parole tue, avec des protagonistes qui s’expriment finalement peu, mais qui correspond aussi au travail de Philippe Faucon, qui contourne le verbiage au profit de l’instinctif. Pialat disait « qu’un comédien n’est pas un cheval de course », véritable source d’inspiration pour le réalisateur. C’est une musique très humaine, une spontanéité, presque comme l’arrière-plan d’un dialogue qui serait en fait le dialogue. C’est finalement une succession de vignettes très efficaces, sans fioritures, qui explique sans doute la durée assez courte (1H23) du film. Au tournage, comme au montage, s’effectue un vrai travail d’épure et de concision. L’idée de ne pas surcharger en effet la dimension émotionnelle par un texte trop fabriqué. C’est un véritable parti prit d’auteur, et qui correspond à une forme de profil de l’époque du Harki, considéré souvent comme « un bloc de silence ». Dans cette idée, les acteurs disent encore ce jour avec émotion « s’être fait bouffer de l’intérieur par l’histoire », plus que d’avoir répétés, pour vivre, et non pour jouer.
L’histoire est douloureuse d’autant qu’elle est peu glorieuse. Salah, Kaddour et les autres, enfants de nulle part, otages de toutes les violences. Cette hantise légitime qu’on les laisse tomber, ils le martèlent inlassablement tant l’horreur pourrait les guetter à chaque coin de rue, eux et leur familles. Nous sommes ici face à un cinéma militant, âpre, sur un sujet qui suscite encore beaucoup de sensibilités, mais qui a le mérite de pas donner de leçons et d’exposer des faits, en s’attachant à ce que vont vivre ses protagonistes dans leur identité meurtrie. C’est une histoire d’hommes face à leur contradiction, et même dans une forme de schizophrénie, car au service de la mère patrie, sans arrêt dans le film, c’est bien eux qui vont au-devant des populations. Forts d’une position intenable qu’ils ont plus ou moins choisis, car la vérité est complexité, ils risquent en tout cas de le payer au prix fort.
L’interprétation est au plus près de la vérité, et c’est bien un collectif qui a fait bloc dans cette aspiration. Ainsi, et c’est aussi la force du film, difficile de distinguer un individu… Jamais de héros dans les guerres… Mais qu’il s’agisse de Théo Cholbi, Omar Boulakirba, Amine Zorgane, Mohamed El Amine Mouffok, ils sont épatants de justesse et ils portent tant et tout… Les chiffres font toujours l’objet de vifs débats mais le film évoque entre 35 000 et 70 000 harkis assassinés en l’absence de la protection française pourtant promise… Les Harkis explique finalement comment nous avons pu en arriver là, c’est du cinéma utile, il est rare, il se regarde.
Titre Original: LES HARKIS
Réalisé par: Philippe Faucon
Casting: Théo Cholbi, Omar Boulakirba, Amine Zorgane…
Genre: Historique, Drame
Sortie le : 12 octobre 2022
Distribué par: Pyramide Distribution
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Festival de Cannes 2022, Les années 2020