SYNOPSIS: Dans un village de pêcheurs irlandais. Les mensonges d’une femme pour protéger son fils ont un impact dévastateur sur la communauté, sa famille et elle-même.
Le duo de réalisatrices, Saela Davis et Anna Rose Holmer ont déjà travaillé ensemble, mais c’est ici leur premier long métrage en commun. Tout en ironie, Anna Rose Holmer nous dit : « Le temps moyen est de 8 ans pour une femme entre deux films, donc on est juste en dessous. » Le dernier remonte à 7 ans avec The Fits sorti sur grand écran en 2017. Le processus d’écriture aura duré presque 10 ans confie le scénariste Shane Crowley, qui affirme que le regard des réalisatrices a apporté la profondeur à l’histoire. La dimension sacrificielle d’une mère, dans ce puissant mélodrame familial, va faire l’objet d’un décryptage à cœur ouvert. Ce dévouement sans compter, cette dévotion ultime, cette inconditionnalité du lien fait penser à la pépite Dans les yeux de ma mère (1995), du chanteur belge Arno, qui vient de nous quitter, et que l’on aime pour toute la vie… Ce qui émerge particulièrement d’emblée dans God’s Creatures est cette volonté de porter les personnages féminins au premier plan, précisément dans ce village de pêcheurs sans nom qui sent l’huitre, où l’identité féminine est essentiellement celle de la ménagère. L’audace du parti-pris est donc réjouissante.
Avec tout d’abord le personnage de la mère, très complexe, et qui mieux que la troublante Emily Watson pour s’y coller, nous y reviendrons. Elle est ici éprise d’amour maternel, le meilleur et le pire… qui refusera de voir, et dont on va quand même assister à une évolution émotionnelle lente mais certaine. Le film avance au gré de ce qu’elle ressent, de ses contradictions, ses mutilations affectives et de ce que l’on devine de sa sensibilité, de son instinct de mère certes, mais aussi dans une vertigineuse dualité, en tant que femme. Une vraie fêlure pour elle, que l’actrice incarne avec une infinie profondeur dans un récit déjà très profond. Le fils, Brian est autant charismatique qu’il semble sombre, et avec un tas de petits et grands squelettes dans le placard, entraperçus par ellipses qu’il est bon de ne pas dévoiler ici. Autrement dit, il y a baleine sous gravier !! Pour autant, il n’est pas jugé, le spectateur demeure entièrement maître de sa pensée. A nouveau une audace certaine dans un tel postulat. Le personnage d’Erin explore avec passion et force une génération qui impose son propre point de vue, mais au-delà, celui de toutes les femmes libres de pensée face notamment à une société patriarcale, incarné par ce village de pêcheurs, dur, bourru parfois brutal, qui va devoir s’adapter, qu’il le veuille ou non. Cette démonstration tout au long du récit prend également une place omniprésente pour le coup très plaisante.
Au travers ce possible terrible secret, c’est une lutte entre deux mondes, entre conservatisme et progressisme. Mais à nouveau avec une absence de verbiage superflu. Intelligence de mise en scène et d’écriture. Nous sommes en Irlande, dans l’univers de la pêche, et sans jamais en faire trop, la caméra le sait et nous le montre dans une splendeur toujours subtile. La musique de Danny Bensi et de Saunder Jurriaans accompagne l’histoire toujours de façon opportune. Cet ensemble distingue une mise en scène très travaillée et léchée, tout en conservant une authenticité au propos. On relèvera quelques longueurs, essentiellement contemplatives, c’est une touche esthétique certes, mais dont l’utilité peut être questionnée. Elles alourdissent tout de même un peu le récit et prennent le risque de perdre le spectateur. Emily Watson crève ici l’écran tant son personnage va progressivement opérer une mue au fil de la narration. L’actrice joue donc sur la palette des émotions pour ce rôle complexe, en la rendant finalement drôlement humaine. Les plans caméras sur elle, sont puissants, à moins que ça soit Miss Watson qui rende la caméra si habile, allez savoir.
Le reste de la jeune et talentueuse distribution est largement à la hauteur avec notamment un Paul Mescal (Brian) presque enivrant de duperies et une Aisling Franciosi (Sarah) qui alterne douceur et haine dans une même variation. Impressionnant ! Au final, God’s creatures contemple son propre objet parfois un peu trop sur la longueur, mais le décryptage à la dentelle de ces personnages dans des émotions déployées à nu, offre un vrai bon moment de cinéma.
Titre Original: GOD’S CREATURES
Réalisé par: Anna Rose Holmer, Saela Davis
Casting: Emily Watson, Paul Mescal, Aisling Franciosi…
Genre: Drame
Sortie le: Prochainement
Distribué par: –
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Festival de Cannes 2022, Les années 2020