SYNOPSIS: Pietro est un garçon de la ville, Bruno est le dernier enfant à vivre dans un village oublié du Val d’Aoste. Ils se lient d’amitié dans ce coin caché des Alpes qui leur tient lieu de royaume. La vie les éloigne sans pouvoir les séparer complètement. Alors que Bruno reste fidèle à sa montagne, Pietro parcourt le monde. Cette traversée leur fera connaître l’amour et la perte, leurs origines et leurs destinées, mais surtout une amitié à la vie à la mort.
Le otto Montagne est une adaptation du roman Les huit Montagnes de Paolo Cognetti, qui est paru en 2016. La bande annonce nous invite à la comparaison avec Alabama Monroe (2012) du même réalisateur et semble se poser comme une ode naturaliste, avec l’infiniment grand au format immuable qui unit les infiniment petits, ici Pietro et Bruno. Ils vont grandir et les montagnes elles, vont demeurer dans leur force inaltérable et leur furieuse beauté. C’est sur le papier une promesse de qualité entre l’énergie qui émane de cette histoire et le talent du duo de réalisateurs Charlotte Vandermeersch / Felix Van Groeningen. Notons que ce dernier est un habitué de la Croisette, et même qu’il y a « ses aises », vu que pour la présentation de son film La merditude des choses (2009), avec son équipe, ils étaient arrivés à vélo pour la présentation officielle du film, et… dans leur plus simple appareil !! Autant dire qu’il existe un ensemble d’excellentes raisons qui font de ce Le Otto Montagne une curiosité très attendue. Et pourtant, et pourtant, « Que la montagne est belle », mais comment pouvait-on s’imaginer que les 2H27 allaient écraser les atours puissants pourtant exposés plus haut.
On savait Felix Van Groeningen adepte de la provocation, mais c’est ici en quelque sorte la provocation de l’excès, tant le trop plein de tout, vient au fil des minutes souvent interminables, achever pourtant une histoire si forte, un décor naturel si puissant. Alors, on pourrait vous dire dans notre propre autodérision de marchands de phrases selon Balzac que Otto Montagne est « magistralement sublime, incroyablement naturaliste et d’une universalité bouleversante et pleinement intemporelle et… »… Oui mais non… Oui mais non, car certes, d’une folle puissance esthétique mais à force de trop vouloir en faire, l’œuvre devient étouffante et on se perd dans la montagne, qui devient un peu notre pire ennemie alors qu’on aurait tant voulu l’aimer.. Le tandem de réalisateurs surdoué se regarde filmer, et c’est beau, mais comme on partage difficilement leur plaisir, au final oui c’est beau mais… c’est loin… oui, c’est beau mais c’est long… La fable est pourtant rondement amenée mais l’excès de contemplation peut amener à une adhésion totale ou à un blocage du même ordre…
Non pas que le scénario soit complexe, ou parsemé de bizarreries inaccessibles et prétentieuses ou le geste cinématographique trop conceptuel. Il paraît juste excessif, surdimensionné et peut occasionner une lassitude aussi bien de l’onirisme furieux des montagnes, de ce qu’elles symbolisent, que des multiples allers retours amicaux un peu coincés entre Bruno et Pietro… Si le décryptage de l’évolution de leur indicible relation au travers de leurs cheminements propres est passionnant et empathique, il s’étire invariablement et ne semble pas porter un fil conducteur assez solide pour en dire quelque chose sur une forme d’invincibilité du lien, qui est pourtant le propos majeur du film.
Les ravis du genre seront rassasiés et hurleront au génie absolue et de leur prisme, c’est légitime tant la virtuosité de la mise en scène est évidente… Mais il faut être un peu boulimique de ce cinéma-là pour adhérer à l’histoire. Bien que le conflit de classe qui se joue entre les copains des collines n’échappe pas à quelques confondants stéréotypes un peu gênants. C’est un peu Le secret de Brokeback Mountain (2005) du pauvre, car en étalant autant, c’est toute la question de la sincérité de la démarche qui se perd. Si l’image est époustouflante, la bande son peut avoir tendance à nous sortir gentiment d’un demi sommeil parfois. La pop anglaise dénote et détonne, rythme, mais ne suffit pas non plus à convaincre. Dans le rôle de Pietro, Lucas Marinelli est particulièrement convaincant, il épure son jeu, notamment dans le non-dit et c’est plaisant à regarder. Impossible de le dissocier de Alessandro Borghi, Bruno dans le film, tant la complicité est réelle. Leur prestation est forcément massive au regard de la missive initiale. Au final, car oui le film s’arrête à un moment donné, la montagne est belle… mais presque trop.
Titre Original: LE OTTO MONTAGNE
Réalisé par: Charlotte Vandermeersch, Felix Van Groeningen
Casting : Alessandro Borghi, Luca Marinelli, Filippo Timi…
Genre: Drame
Sortie le: 21 Décembre 2022
Distribué par: Pyramide Distribution
MOYEN
Catégories :Critiques Cinéma, Festival de Cannes 2022, Les années 2020