Cher Tom Cruise,
Je m’en souviens très bien de notre première vraie rencontre. Ça aurait pu être pour Outsiders, Risky Business, Legend ou même Top Gun, mais non, notre histoire commune débuta par l’entremise de l’un de mes réalisateurs préférés, Martin Scorsese, et par la découverte en 1987 dans une salle parisienne de La Couleur de l’argent où vous faisiez face au légendaire Paul Newman. Le rôle de Vincent ne sera pas celui qui viendra spontanément à l’esprit quelques années plus tard en se replongeant dans votre filmographie, mais c’est pourtant là, que, jeune spectateur, je fis la découverte d’un comédien qui n’était pas encore une star mais qui portait en lui toutes les germes pour le devenir. Si le charisme est l’un des éléments qui caractérise une star de cinéma, vous en éclaboussiez déjà l’écran avec un tel naturel que vous étiez l’évidence incarnée. À l’heure où le plus grand Festival de cinéma du monde va vous recevoir pour un hommage à votre dimension, les mots me viennent naturellement pour vous confier l’admiration que je vous porte et qui n’a jamais faibli depuis. Vous êtes né réellement au cinéma dans cette décennie bénie, où moi-même je devenais un spectateur assidu, prompt à nourrir des passions pour des idoles dont, pour la plupart, le statut n’a jamais vacillé avec le temps. J’ai découvert un peu plus tard Outsiders et Risky Business (dans lequel il était quasi impossible de ne pas se projeter) et je vous y ai adoré, je vous ai vu vous envoler vers les étoiles dans Top Gun avec un sourire de connivence mais c’est bien dans La couleur de l’argent que vous m’avez fait décoller. Si l’ado que j’étais fut subjugué par votre art de confectionner des cocktails dans le film éponyme, c’est avec Rain Man en 1988 puis avec Né un 4 juillet en 1989 que vous m’avez mis KO debout par la puissance de votre talent, la densité que vous étiez capable de donner à vos personnages et par la beauté étincelante que vous arboriez.
Depuis c’est bien simple, à de très rares exceptions près, vous avez fait partie intégrante de ma vie de cinéphile, car vous aviez la main et en plus vous passiez d’un genre à l’autre avec une fluidité confondante, ralliant les suffrages de tout le monde, des adolescentes enamourées aux hommes virils, des ménagères aux doux rêveurs, des femmes d’âge mur aux grands-pères bienveillants… Si tout n’était pas parfait (oui Jours de tonnerre je parle de toi, même si je t’aime bien va), Des hommes d’honneur à La firme, d’Entretien avec un vampire à Mission Impossible, de Jerry Maguire à Eyes Wide Shut, en passant par Magnolia, vos années 90 épouseront une trajectoire rectiligne, quasi parfaite dont presque chaque ligne conserve encore aujourd’hui une force incroyable. Peu de comédiens auront réussi à aligner de telles pépites sans jamais être renvoyé dans les cordes par le public et/ou la critique. Et si les années 2000 furent un peu moins exceptionnelles, elles regorgent elles aussi de moments forts (Vanilla Sky), très forts (Minority Report, Le dernier samouraï...), très très forts (Collateral, La guerre des mondes…) et se concluent par un happening étonnant et cultissime dans Tonnerre sous les tropiques.
Le plus fascinant dans votre parcours c’est d’avoir fait des choix osés et souvent payants et d’avoir sur alterner les films d’auteurs prestigieux et les blockbusters faramineux sans jamais prendre le public pour une poire, en le respectant toujours et sans jamais avoir fait des choix que l’on sentait motivés par l’argent, même si il y a dû en avoir. Vous avez une haute idée de votre métier, cher Tom Cruise, et chacune de nos rencontres par écran de cinéma interposé m’aura marqué fortement parce que c’était toujours la promesse d’un grand spectacle, d’un divertissement au sens le plus noble du terme ou d’une œuvre qui permet de s’élever. Si votre vie privée et certains de vos choix de vie ont pu défrayer la chronique, je ne veux garder que l’artiste que j’adore voir évoluer avec des étoiles dans les yeux. Un homme qui a le sens du business mais surtout de l’art qu’il sert, qui est exigeant et qui voit parfois très (trop) haut pour donner du sens au terme grand spectacle. Un homme capable aussi bien de produire Narc que de se trémousser dans Rock Forever ou de ressusciter à de multiples reprises dans Edge for Tomorrow, un homme capable d’incarner la bestialité et la violence de Jack Reacher et de retrouver près de 35 ans plus tard son personnage culte de Maverick, dans la suite de Top Gun.
Mais aussi un acteur qui se sera approprié une franchise comme peu de comédiens sont parvenus à le faire. Avec Ethan Hunt, la Mission Impossible se sera réitérée à ce jour à huit reprises, pour des milliards de dollars accumulés, mais surtout pour des masses de plaisir et d’adrénaline envoyés en rafales à un public extatique. On pense ce que l’on veut de la franchise Mission Impossible (perso j’adore), mais elle dénote d’une confiance en soi inébranlable et d’une envie sans commune mesure d’emballer les spectateurs.
Quand on se penche sur votre carrière cher Tom Cruise, on se dit que les planètes étaient bien alignées pour que vous parveniez à sortir votre épingle du jeu alors que c’était loin d’être gagné de prime abord. Mais, quand on croit en soit, que l’on fait ce métier avec un certain sens de l’honneur et du respect et qu’à près de 60 ans, on court toujours aussi vite sans jamais ralentir la cadence, ça laisse réellement pantois d’admiration. Vous arrivez aujourd’hui à une sorte de consécration avec l’accueil que va vous réserver le Festival de Cannes mais en tant qu’acteur, il vous reste encore des tas de choses à accomplir. Je serais là pour chacune des étapes que vous devrez franchir et je continuerai de vous regarder encore avec l’air ravi de du gamin de 15 ans qui vous découvrait jouant au billard et essayer d’en remontrer à ce vieux briscard de Paul Newman. Vous avez si peu changé depuis cette bonne vieille année 1987 que vous regarder est comme une cure de jouvence et vous admirer est une de ces passions irrésistibles qui m’accompagnent encore et toujours.
Votre dévoué Fred Teper
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