SYNOPSIS: C’est le temps des souvenirs pour une bande d’amis qui se retrouvent après de nombreuses années de séparation. Tous approchent de la quarantaine et souhaitent, au cours d’une soirée, retrouver le goût de l’insouciance de leur jeunesse. Mais au fil des heures, les souvenirs plus ou moins heureux s’égrènent, apportant peu à peu une tension dramatique à cette réunion amicale..
Sur ses 21 films, Damiano Damiani (si c’est pas chantant…) s’est plutôt illustré dans des genres tout autre que Les femmes des autres, avec notamment El chuncho (1967), Confession d’un commissaire de police au procureur de la République (1971) et Un génie, deux associés, une cloche (1975). Dans Les femmes des autres c’est plutôt la perpétuation de ce qui est vulgarisé sous la dénomination « film de copains », que l’on connaît d’avantage par des classiques comme Mes chers amis (1975) de Monicelli ou bien sûr Nous nous sommes tant aimés (1974) d’Etorre Scola. Le titre original de Les femmes des autres est La Rimpatria qui signifie « virée entre copains », ce qui va caractériser un film où l’action se déroule en effet sur simplement une nuit. Photographie de la Misogynie ordinaire d’une époque, toute aussi violente, même si différente, que ce que Jean Yanne met dans la figure de Marlène Jobert dans Nous ne vieillirons pas ensemble (1972). Mais ici à l’italienne et sous couvert d’un amour immature et immodéré des femmes, un ancrage délétère et malsain du patriarcat, donnant une toute puissance à des hommes, qui en prétextant une certaine façon d’aimer, font des femmes des proies jetables à souhait. Ils n’aiment pas, ils remplissent un vide. C’est bêtement abyssal et consternant dans l’agitation malaisante et malfaisante de ces homo erectus. Leur lobotomisation critique par le réalisateur est de fait assez passionnante à regarder. Cesarino, incapable de choisir, à la question, « Au sommet d’une tour, tu dois en jeter une. Laquelle ? » Réponse : « C’est moi qui sauterait ». Tout le film est là. Il n’y en a jamais une seule, et elles sont interchangeables… Mais ils se disent prêts à tout pour elles… Paroxysme de l’immaturité. Même si Cesarino peut se montrer autant attendrissant, que ses 4 compères d’un soir, puissamment détestables.
La polygamie érigée en modèle. Ils sont amoureux de l’amour, et en quête d’une jeunesse à jamais perdue dans cette nuit qu’ils pensent comme celle de tous les possibles. Ils ne sont qu’animalité et deviennent pour le spectateur d’aujourd’hui animosité, ou si ce n’est pas le cas, c’est embêtant !! L’intérêt majeur du film réside dans ce qui se trame entre notamment d’une part les quatre potes parvenus, profiteurs et embourgeoisés, symboles d’une réussite clinquante, emblématique d’une génération d’après-guerre qui a su s’enrichir dans un boom économique florissant, et Cesarino, directeur d’un petit cinéma, enclin à des difficultés financières récurrentes, mais qui dans leur amitié passée, était déjà « le meilleur d’entre nous », comme dirait Chirac à Juppé. La dichotomie est totale entre le niveau de brutalité libérale des 4 et la brillance intellectuelle et affective de Cesarino. On devine, notamment lors de l’épique scène de l’appel téléphonique qu’il continue à les dominer intellectuellement, même à les écraser, tant en face la bêtise est crasse. Il continue à exercer sur eux cette fascination, car ils savent qu’ils n’accéderont jamais à un paradigme respectueux et bienveillant comme tente de le développer leur ami. La seule façon de tenter de l’égaler sera tour à tour pour eux de lui proposer de l’aide financière. C’est finalement leur seule arme. Renversement de valeurs, ou l’argent devient l’arme du pauvre…
La poésie douce-amère de Cesarino dans le décalage presque littéraire d’un monde moins attentif à la pureté, ferait presque penser à celle d’Etienne Dorsay, inoubliable Jean Rochefort, à la fois dans un groupe, mais isolé quand même, dans LES films de potes à la française Un éléphant, ça trompe énormément (1976) et Nous irons tous au paradis (1977). Le message politique développé dans cette allégorie de l’alliance des contraires à travers ce groupe de pseudo-potes, qui ne partage finalement pas grand-chose d’autres qu’un soi-disant glorieux passé, est assez captivant, du fait notamment d’une forme de résonance aujourd’hui, tant il ne fait pas bon être un rêveur, mais plutôt un start-uper. D’un point de vue purement filmique, la caméra alterne de très intéressants plans serrés sur les 5 petits hommes des cavernes, en prenant le soin de souvent y mettre au centre Cesarino, subtilité d’une mise en scène qui nourrit la narration.
Difficile d’extraire une performance individuelle, tant la prouesse est collective, façon chorale, un vrai film de potes. Ils incarnent à eux seuls un mix parfait de l’archétype du mâle et mal primaire, primate décérébré, fonctionnant sur une binarité sexe et argent facile. Alberto, Sandro, Nino, Livio, et Cesarino sont à ce point insupportables que respectivement Francisco Rabal, Riccardo Garrone, Mino Guerrini, Paul Guers et Walter Chiari se sont approchés d’une vérité intéressante dans leur interprétation. Ce dernier, qui a le beau rôle le porte en effet très bien. Au final, on sort assez éreinté de Les femmes des autres , tant les protagonistes nous écrasent de leur pathétique verbiage. Mais comme il s’agit précisément d’en faire des anti-héros absolus, au travers d’amitiés contrariés, ne serait-ce que pour cette anthropologie d’une époque pas très formidable sur la place des femmes, le film vaut plus que le coup d’œil.
Titre Original: LA RIMPATRIATA
Réalisé par: Damiano Damiani
Casting: Walter Chiari, Francisco Rabal, Letícia Román…
Genre: Comédie, Romance
Sortie le: 1963
Reprise le : 18 mai 2022
Distribué par: Les Acacias
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma