SYNOPSIS: 1962. Le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d’Amérique. Samba, le fils d’un riche commerçant, vit corps et âme l’idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C’est là, en pays bambara, que surgit Lara, une jeune fille mariée de force, dont la beauté et la détermination bouleversent Samba. Samba et Lara savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s’éclaircira…

Si Robert Guédiguian est indissociable de Marseille et de la poésie narrative qu’il y déploie, le cinéaste prolifique se définit avant tout comme un citoyen du monde, disant bien que « Toutes les histoires que je raconte à Marseille, je pourrai les transposer ailleurs ». Il a déjà promené sa caméra en Arménie pour Le Voyage en Arménie (2006), au Liban avec Une histoire de fou (2015) et enfin en Mitterandie avec Le promeneur du champ de Mars (2005), qui permet d’envoyer tout notre amour à Michel Bouquet, qui vient de nous laisser orphelins. Twist à Bamako, d’emblée, c’est une pureté de la photographie, un soin tenace apporté à l’image, au jeu des couleurs. Elles sont brillantes voir assez pétantes avec une farandole de tenues traditionnelles et des étoffes comme s’il pleuvait de l’or. D’autant plus dans un contraste saillant avec la volonté de filmer les couleurs ocres, la poussière, la terre, le sable d’un Mali sauvage et travailleur, même si le climat politique a exporté le tournage au Sénégal. Malick Sidibé à la photographie fait ici œuvre d’orfèvrerie. C’est aussi la folie de la danse, la passion du twist, pour celles et ceux qui veulent en faire une célébration, et pas uniquement la gestuelle d’écraser un mégot en rythme !! « Si c’est ça le socialisme, remballe ta camelote… Mais je t’invite à la fête ce soir » dit le sage au fougueux idéaliste, Samba, qui incarne à lui seul la confrontation Jaurésienne entre idéal et réel.

A l’horizon des temps heureux, on twiste, on aspire, espère et respire le goût des jours meilleurs. Les icônes sont Claude François, Johnny, « Twist again », dans ce vent libérateur et sensuel qui colore les cœurs et fait tournoyer les corps. La musique du héros local Boubacar Traoré, diamant du blues africain, contribue avec force et discrétion à cette poésie permanente. Dans Twist à Bamako, l’énergie est follement communicative, la vie est une fureur. La politique selon Samba, c’est un romantisme, une aspiration pure. Sa liberté n’est pas soluble dans le dogme d’une révolution idéologique. Oui, le rock, le twist, l’art et la création font peur, alors qu’ils sont justement la manifestation absolue de ce qui changera le monde. C’est sciemment naïf, on ne la fait pas à Guédiguian. Les révolutionnaires socialistes veulent la « liquidation totale des faiblesses« … Alors que dans les fêlures, se logent précisément la complexité et la beauté du monde. La « lutte pour le nouveau Mali » se prive de liberté, donc elle se tue invariablement dans l’œuf. La résonance dans cette lutte est totale avec cette espérance que la jeunesse peut porter avec une telle force, et il en faut pour mettre à mal l’ancrage du conservatisme. Le socialisme hier dans Twist à Bamako, l’écologie aujourd’hui pour avoir la chance de mener d’autres combats demain.

On sent la volonté chevillée au corps de l’auteur très démonstratif dans son geste cinématographique, que l’on pourrait trouver presque trop appliqué. Mais l’art narratif de Guédiguian et une mise en scène tellement stylisée, ne nuisent jamais à la sincérité de la démarche, tant on sent le plaisir prit à filmer ce pays, cette histoire, ces jeunes gens bouleversants d’utopie dans la perte vertigineuse des illusions. Parlons-en de ces jeunes gens… Stéphane Bak est un Samba comme le voulait son réalisateur, aux discours lyriques le jour, et en amoureux et danseur fou le soir. L’acteur incarne pleinement cette aspiration, son empathie est totale, il est poignant de vérité et de poésie. Alicia Da Luz Gomes dans le rôle de Lara est une pure révélation, un jeu couleur diamant pour une merveille d’actrice. Elle est renversante de justesse, et sa lutte émancipatrice est portée chevillée au corps. Une interprétation majeure.

Esthétisme et sensualité forment ici une véritable alchimie cinéphile, au service d’une histoire, qui dans la candeur de ses amoureux touche au cœur. Guédiguian ne se résigne jamais et ce fabuleux conteur d’utilité publique nous offre un passionnant cadeau, avec ce Twist à Bamako, qui connaît le goût de l’universalité.

Détail des suppléments:

•Retour à Bamako, un documentaire de Eric Vassard (45 min)

•Lien vers la version numérique de L’Avant-scène Cinéma consacrée à Twist à Bamako

Titre Original: TWIST A BAMAKO

Réalisé par: Robert Guédiguian