Critiques Cinéma

L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE (Critique)

SYNOPSIS: Des voyous de la vieille école délaissent leurs méthodes traditionnelles de truands, devenues démodées, afin de se recycler dans les affaires et la politique. Ils se lancent donc dans de plus rentables kidnappings de stars du show-biz, diplomates et autres leaders suprêmes. Nos malfrats, grands amateurs de spaghettis, parcourent le monde en utilisant les contradictions de l’époque. Ils emportent le magot à chacune de leurs candides entreprises, élevant la maladresse au rang des beaux-arts, et deviennent les spécialistes de « la clarté dans la confusion ».

L’Aventure c’est l’aventure, diffusé en film d’ouverture du Festival de Cannes 1972, totalisera 3 815 477 entrées en France, devenant le plus gros succès de Claude Lelouch, derrière… Un homme et une femme (1966). Une critique très frileuse, avec une accusation d’être un film réactionnaire, s’est pourtant radoucie au fil des années, le catégorisant même dans le rang très prisé des films «  culte » … Tout comme son auteur, L’aventure c’est l’aventure ne laisse pas indifférent, forme déjà de victoire. Il aura fallu quelques décennies pour que l’on prenne ce film pour ce qu’il est, à savoir une vaste blague, une bouffonnerie moquant gentiment le roi. Quelques moments somme toute pas franchement réactionnaires :

« Si j’aime les hommes, c’est pas tellement parce que c’est des hommes, mais parce que c’est pas des femmes »… « Je tire sur des types de droite en étant payé par l’extrême droite et ça mouille l’extrême gauche » « La politique c’est du show business » (déjà en 1972 !!)

Du cabotinage intense et extrême. Du grand n’importe quoi dans la succession de vignettes, avec du foutraque total marketé Lelouch. Mais tout se joue ailleurs, comme à chaque fois avec le réalisateur. C’est une ambiance générale qui redonne une cohérence à l’ensemble dans ce que Lelouch veut nous dire de ses personnages. Car pour lui, ils comptent tellement plus que l’histoire, tant il a en sa possession cette fois-ci du matériau en or massif avec Lino Ventura, Aldo Maccione, Jacques Brel, Charles Gérard et Charles Denner. Alors encore plus que d’habitude, les héros seront préférés à la narration avec une grosse ambiance de colonies de vacances sur le tournage, et fidèle à ses préceptes, Lelouch va laisser ses acteurs se livrer à toutes les improvisations qu’ils souhaitent. Selon ses propres termes dans son autobiographie Itinéraire d’un enfant très gâté (2000), il va les laisser s’amuser » et  »se raconter des conneries. » On a beaucoup gloussé sur cette direction d’acteurs singulière, il n’empêche qu’elle aura permit (subjectivement assumé) une des plus belles scènes du cinéma Français entre Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina sur le bonjour empathique et la stratégie de faire croire que l’on n’est jamais étonné dans Itinéraire d’un enfant gâté  (1988).

Dans la mise en scène de L’aventure c’est l’aventure, et dans son récit en général, évidemment, c’est toute cette histoire rocambolesque qui est truffée d’invraisemblances, particulièrement la fin, qui a le mérite de pousser au bout du bout le délire dans une apothéose assez jouissive !! C’est quasi conceptuel, et en tout cas totalement Lelouchien… En même temps, après coup, si on vous dit qu’ils enlèvent Johnny Hallyday (jouant son propre rôle), qu’ils organisent une révolution bananière et qu’ils kidnappent même le pape… Il existe quelque chose d’aussi alléchant que déroutant. C’est évidemment pleinement assumé et sous le signe de la provocation, car l’idée du film lui serait venue à la base pour se venger d’un diner mondain, où après-coup, Lelouch aurait dit vouloir « faire un film sur la confusion, pour montrer à quel point les intellos mélangent tout et qu’ils sont séduits par n’importe quel discours si l’orateur a du charisme ». « J’y ai toujours, même dans vos films, disons les moins abordables, trouvé des moments uniques et magnifiques  » nous disait en Octobre 2018 Fred Teper, rédacteur en chef du présent site, et qui résume parfaitement notre rapport au réalisateur. Tout le monde, même ses grincheux détracteurs, a du Lelouch dans un coin de sa tête. Il y a donc une forme de génie et une certitude de patrimoine.



Et puis, si Lelouch peut agacer prodigieusement dans son sens inné de la désorganisation la plus totale, que l’on aime ou pas, restera dans L’aventure, c’est l’aventure, cette scène mythique et même mystique d’une forme de drague résolument désuète, toute en testostérone parodique. Oui c’est une scène majeure du cinéma que ce numéro d’Aldo Maccione, où il démontre en caleçons à fleurs, par la preuve, la démarche très « claaaaase » qui est la sienne, afin d’attirer les regards féminins. Scène évidemment imprévue initialement au script, et qui n’a faillie pas voir le jour, car Lino bougonnait au départ, mais s’est finalement laissé convaincre… Cerise sur le gâteau avec Yves Boisset en avocat de la défense, qui ose essayer de faire passer le « Quintette » pour des humanistes politiques dans une plaidoirie autant douteuse que savoureuse. Il nous les vendrait presque comme des poètes structuralistes.


Les colères de Ventura, le flegme délicat de Brel, avec une complémentarité qui esquisse les délicieux prémisses de L’Emmerdeur (1973) qui sortira donc un an plus tard. Aldo Maccione tout en lourdeur fine et les deux Charles, Gérard et Denner en légèreté pesante…. Il se seront tous tellement éclatés sur le plateau, qu’ils communiquent cette folie douce. A noter que pendant le tournage, Jacques Brel fera la connaissance de Maddly Bamy, qui deviendra sa dernière compagne. L’Aventure c’est l’aventure est un pur OVNI qui porte les germes caractéristiques du profil de son auteur. A la nuance près qu’ici, les bizarreries coutumières ont laissé place à une plongée profonde en absurdie la plus totale, tant le geste cinématographique se voulait provocateur, et comment finir autrement qu’en revendiquant : « Vive La Suisse libre !!! »

Titre Original: L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE

Réalisé par: Claude Lelouch

Casting: Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Denner

Genre: Comédie, Aventure

Sortie le: 04 mai 1972

Distribué par: Paname Distribution

TRÈS BIEN

 

 

 

 

 

 

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