SYNOPSIS: Suite à une blague sexiste devenue virale, Cédric, jeune papa, est suspendu par son employeur. Pour se racheter, il va avec l’aide de son frère Jean-Michel, s’interroger sur les fondements de sa misogynie à travers l’écriture d’un livre. De son côté, sa femme Nadine en proie à une dépression décide d’écourter son congé maternité. L’arrivée dans leur vie d’une baby-sitter au charme espiègle et envouteur, va chambouler leur existence.
Après La Femme de mon Frère, Monia Chokri poursuit avec son deuxième film son exploration de la femme dans des récits intimistes. Babysitter, une adaptation de la pièce de théâtre de Catherine Léger, semblait être une œuvre parfaite pour la jeune réalisatrice et actrice québécoise. Cette pièce écrite par son autrice pendant sa dépression post-partum traite en effet de la place de la femme dans le couple hétérosexuel et les souffrances qu’elle engendre. On était curieux de voir comment un tel texte mêlant comédie et fantastique allait pouvoir être adapté… Passée son introduction bruyante et agressive pour les sens, Babysitter déploie lentement mais sûrement le fil de ses personnages et leurs obsessions. Pour Cédric, jeune papa, il s’agit de restaurer son honneur et regagner son travail après avoir commis une agression sexuelle en direct à la télévision sur une présentatrice qui n’avait rien demandé. Pour sa femme Nadine, c’est l’envie de reprendre le travail après son accouchement – à moins que ce ne soit juste l’envie d’avoir la paix, quitte à la trouver dans un love hotel pas loin de son domicile perdu dans une banlieue riche. On pourrait croire que le frère de Patrick serait la voix de la raison, mais non : l’aide qu’il apporte à son frère dans sa longue marche vers le pardon, devient très rapidement une affaire d’hommes en proie à une crise d’égo. Vous vous doutez bien que dans un tel contexte, l’arrivée d’Amy, la babysitter providentielle du titre, était attendue. Et effectivement, les miracles qu’elle accomplit sont presque trop fantastiques pour être réels. Amy correspond aux fantasmes des hommes hétéros avec son physique, sa voix et sa personnalité, mais c’est pour mieux les subvertir lors de ses scènes avec Nadine. La complicité qui se crée entre les deux femmes perdues dans un domicile petit à petit envahi par une majorité masculine est fascinante à regarder. Le récit bascule grâce à elles très habilement de la comédie au fantastique – au point d’en avoir quelques frissons inattendus. C’est dans ces ruptures de ton, rares mais efficaces, que Babysitter déploie au mieux ses effets visuels et sonores avec une certaine parcimonie, comme pour semer le doute sur notre perception de la réalité. Un sentiment renforcé par les costumes (la fameuse cape offerte par Amy) et les décors, avec cette maison colorée mais qui sonne faux.
A l’instar de Nadine, on est perdus quant à la véritable nature d’Amy, mais pourquoi s’en soucier puisque quelqu’un prend véritablement soin d’elle et de son enfant ? En confrontant la lâcheté de Cédric à la solitude de Nadine, Monia Chokri filme surtout les sentiments contradictoires d’une maman perdue, privée de repères et surtout d’empathie. Des sentiments basiques dont sa privation va évidemment la mener vers un chemin dangereux sous l’influence d’Amy. On se gardera bien de vous spoiler, mais ce dernier acte emmène le récit dans une dimension peut-être réductrice, moins convaincante, mais qui part d’une envie pour son héroïne de tirer une sonnette d’alarme qu’elle n’a que trop tardé à activer.
Pour illustrer ce conte moral sur cette masculinité faussement alliée aux femmes, incarnation des » pro-féministes » comme les militantes féministes les appellent, Chokri a un excellent casting qu’elle dirige à la perfection. Elle-même, avant tout, forme un excellent duo avec la pétillante Nadia Tereszkiewicz qui culmine dans un dernier face-à-face prévisible mais intense. Dans la peau ingrate du mari non moins ingrat, Patrick Hivon joue à merveille cet homme idiot et intéressé. Il évite la caricature d’un homme juste bête en lui donnant une profondeur qui rend encore plus difficile à avaler ses couleuvres et son cheminement faussement féministe, surtout destiné à l’auto-congratulation. Si ce n’est pour quelques longueurs dans le dernier tiers qui souffre aussi d’une conclusion plus hasardeuse, Babysitter est un essai intéressant et ludique de Monia Chokri sur les limites du féminisme par les hommes et un portrait troublant de la dépression post-partum. Le film se veut cependant optimiste sur la fin : des révolutions féministes dans les foyers, il peut s’en produire n’importe quand : pas besoin d’une Amy pour cela, à moins que…
Titre Original: BABYSITTER
Réalisé par: Monia Chokri
Casting: Patrick Hivon, Monia Chokri, Nadia Tereszkiewicz …
Genre: Comédie
Sortie le: 27 avril 2022
Distribué par: Bac Films
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma