Critiques Cinéma

ROBUSTE (Critique)

SYNOPSIS: Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer. 

Premier long métrage pour sa réalisatrice, Constance Meyer, Robuste n’est pour autant pas la première expérience de collaboration entre elle et son égérie Depardiesque… Attendu que sur les trois courts métrages que Constance Meyer avait réalisés, Gérard Depardieu en était. La notion de rencontre est d’ailleurs le sujet phare de la réalisatrice, qui affectionne tout particulièrement les confrontations d’univers non prédestinés à se côtoyer. Les thématiques de la solitude, et de la mélancolie sont également disséqués dans ses courts métrages. Rien d’étonnant donc que Robuste voit le jour, que l’on pourrait caractériser par une rencontre aussi forte et improbable entre le désespoir et la vie. Incarnés par une double robustesse entre un classicisme toujours aussi solide et une confirmation éclatante. Avec d’une part, un ogre cinématographique qui compte quasi 250 films à son actif ; Et d’autre part une toute jeune actrice, avec déjà une filmographie costaude, mais qui se pose bien sûr en espoir de plus en plus émancipée. Robuste nous montre comme un long cri de désespoir de Georges (Depardieu donc), qui est au bas mot horriblement désabusé de tout. Tout comme celui qui l’interprète avec une analogie évidente, Georges en sait tellement sur le cinéma qu’il se lasse vite et s’ennuie facilement. Il est parfois comme ivre de lui-même… Saoulé à tout point de vue, il préfère tout au long du film fuir les médiocrités ordinaires et les complexités sensorielles. Trop de mots sur les papiers, trop de phrases dans les bouches, trop de sentiments, trop de tout… Plus qu’une aigreur ou qu’une lassitude exacerbée, parfois une phobie de ce que qu’il sait déjà et que l’on tente vainement pourtant de lui expliquer. Alors, un mode de guérison est de remplir ce poly dénuement qui ronge Georges / Depardieu. Un vide béant, sidéral et sidérant qu’il compense à la même hauteur en mangeant sans arrêt, en buvant jusqu’à en mourir. Dans le film, il y a une scène sur trois presque où l’on mange… Entretenir compulsivement sa robustesse physique pour masquer d’autres fragilités… Mais la rencontre avec Aïssa va venir non pas mettre un terme à cette spirale car la ficelle narrative perdrait en crédibilité mais va venir apporter luminosité et humanité à Georges.


Pour autant, les clichés que l’on pouvait pressentir arriver de très loin sur les opposés qui s’attirent et le gnan gnan scénaristique vu un milliard de fois qui va avec, n’est aucunement montré ici. Constance Meyer ne choisit jamais la facilité et nous surprend régulièrement dans ce qu’elle montre des croisements de destins entre Georges et Aïssa. Elle est tellement captivée par ce qui se joue dans une rencontre, que la maîtrise de son sujet se sent avec force dans la mise en scène de la narration qu’elle veut poser à l’écran. L’évitement des clichés dans Robuste est une forme de virtuosité majeure et fortement appréciable du film. Car indubitablement, Aïssa humanise Georges, tant ce dernier s’intéresse avec une poignante authenticité et une tendresse totale à ce qu’elle vit. Dans la scène très forte du restaurant, il s’indigne dans une colère bestiale et romanesque du fait qu’elle pourrait être mal aimée… Déborah Lukumuena lui tient alors tête, maniant dans son jeu des nuances de force qui sont largement à la hauteur du génie à qui elle se doit de rétorquer…



C’est un peu tout ça Robuste… Des corps massifs qui se croisent et se décroisent, avec ce plaisir infini et cette maestria filmique déployée par Constance Meyer, qui selon son propre aveu réalise devant nous un véritable fantasme de cinéma en filmant les corps de ses deux muses. Elle aime profondément ses deux acteurs, et nous fait partager cette passion. C’est aussi bien sûr un film sur le corps… Filmé dans de multiples plans, avec notamment quelques remarquables panoramiques chorégraphiques dans les combats de luttes d’Aïssa  qui magnifient le personnage dans une force qui fabrique au final une beauté d’un corps, un esthétisme raffiné et réaffirmé, qui casse les codes des beautés éphémères et désincarnées de papier glacé. On le voit également dans cette relation sexuelle avec son collègue et ce qui se joue entre eux sur le désir et une forme de lutte charnelle. A nouveau, la question artificielle du beau et du laid est finement montré. Sur le corps de Depardieu, dans ses laborieux et patauds déplacements, s’engage comme une double mise en abîme assez fascinante avec l’aspect autobiographique du personnage qu’il joue à l’écran. Il y a ce remplissage de tout, qui constitue cette première dramatique abime. Puis évidemment, la seconde, avec Depardieu qui joue Depardieu


Il y a cet accident de moto au début du Film de Georges. Depuis les années 2000, Depardieu a subi au moins sept accidents à moto ou à scooter. Et l’on sait au regard des anecdotes de ses multiples partenaires de jeu, que Depardieu peut juste avant une scène gérer ses investissements dans le Pétrole ou le vignoble au téléphone et tout à coup, on tourne… Et la première prise sera pourtant parfaite. Sans le caricaturer, on sait au regard de sa biographie que tant qu’il y aura un coup à boire, il peut accepter même le pire… Il est ici montré en indécrottable jouisseur, en boulimique chronique, comme une apologie paroxystique de l’épicurisme dont son corps épuisé est le primo témoin… Qu’il s’agisse de Déborah Lukumuena ou de Gérard Depardieu, ils sont au final très beaux et captent l’écran pour un duo d’une harmonieuse authenticité et intensité qui fonctionne parfaitement. Robuste devient le nom d’un cinéma intemporel, intergénérationnel qui rassemble des corps, mais pas uniquement. Quelques mots d’amour de Michel Berger, qui est un peu LA chanson du film rassemble le papillon et l’étoile là  « Ou des millions de gens se connaissent si mal ». Cet aspect fédérateur apporte une chaleur, un réconfort, qui font de Robuste une œuvre aboutie, un vrai projet de cinéma, une vision de la vie.

Titre Original: ROBUSTE

Réalisé par: Constance Meyer

Casting : Gérard Depardieu, Déborah Lukumuena, Lucas Mortier …

Genre: Comédie dramatique

Sortie le: 02 mars 2022

Distribué par: Diaphana Distribution

EXCELLENT

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s