Critiques Cinéma

DON’T LOOK UP : DÉNI COSMIQUE (Critique)

SYNOPSIS: Deux piètres astronomes s’embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire. 

Elle est LA sortie Netflix qui fait figure d’évènement en cette fin d’année 2021, pointant son nez et sa météorite exterminatrice sur la plateforme rouge à l’occasion des fêtes de Noël, au cynisme bien emballé dans un cadeau à la décoration plus qu’attrayante. Panel de stars au casting qui ferait pâlir l’appellation 5 étoiles, Don’t Look Up est la nouvelle exploration sociale et politique du réalisateur Adam McKay, dont la filmographie aura été aussi curieusement frappée que délicieusement ironique. Le metteur en scène de certains des succès comiques les plus marquants de Will Ferrell (Anchorman, Step Brothers ou encore Very Bad Cops) opéra une vrille dans sa carrière en 2015 en se lançant à corps perdu dans une satire de l’économie américaine par une plongée dans la crise des subprimes de 2007 avec son The Big Short, grâce à laquelle McKay passa de la figure du réalisateur de comédies potaches à celui de metteur en scène au montage aiguisé et à l’ironie délicieusement acide. C’est probablement son dernier film en date qui acheva de le rendre bankable au sein des familles à trophées d’Hollywood, lorsque son excellent Vice fit le tour des remises de prix internationales grâce à son rythme génialement barré, à l’interprétation sans failles de Christian Bale et à son univers musical follement cynique. De ce point de vue, Don’t Look Up vise le même degré d’uppercut de la société américaine et de ses dysfonctionnements majeurs par une intrigue au réalisme apparent caché derrière un humour noir incisif. Et c’est avec une grande surprise lors du visionnage du nouveau film d’Adam McKay qu’on découvre la fusion des deux facettes du réalisateur américain, offrant une pure comédie médiatico-sociale à l’accent politique omniprésent derrière sa volonté appuyée de montrer sans concession l’absurdité des systèmes qui nous entourent. Son dernier film en date est un film somme, parfois fourre-tout, qui impressionne par sa radicalité.



Don’t Look Up nous fait suivre le Dr Randall Mindy et son élève doctorante Kate Dibiasky, deux astronomes du Michigan qui découvrent un jour en scrutant le ciel une énorme météorite fonçant droit vers nous. Avec l’objectif de prévenir les plus à même de sauver le monde, les deux scientifiques se rendent à la Maison Blanche où la présidente et son équipe leur rient au nez. Décidés à faire savoir la vérité à la planète, ils vont se lancer dans une aventure médiatique affreusement complexe pour pousser tout le monde à regarder en l’air. Véritable satire médiatique épinglant absolument toutes les strates de la société américaine sans faire d’exception, Don’t Look Up est un produit assurément curieux tant il essaye de faire plus à chaque scène, poussant chacune de ses possibilités au maximum de leur absurdité et de leur ironie. Taclant le milieu politique par le personnage de la Présidente Orlean trimballant toute une ribambelle de scandales improbables derrière elle et de son conseiller (et fils, accessoirement) Jason, la scène journalistique avec le duo de présentateurs vedettes Brie et Jack plus intéressé par la dernière rupture du couple star à la mode (Ariana Grande et Kid Cudi qui jouent avec leurs images de façon très amusante) que par l’imminence de la fin du monde, les monopoles des grandes entreprises par le PDG tout puissant Peter Isherwell (sorte de mix démiurgique entre Musk, Bezos et Zuckerberg), Don’t Look Up traite par son aventure façon road movie paniqué du climato-scepticisme, de l’inaction des autorités compétentes et du crash humain à prévoir très bientôt si personne ne fait rien. Loin d’être faussement moralisateur et instablement condescendant, McKay utilise ses outils pour dépeindre une uchronie cynique et glaciale qui n’est drôle que parce qu’elle est concrète et plausible. Son nouveau film semble presque répondre par un vicieux jeu de miroir au faux-documentaire Mort à 2020 sorti au début de l’année sur la même plateforme Netflix, qui revenait point par point sur tous les dysfonctionnements majeurs du monde, faisant de l’année éponyme une catastrophe universelle complète. Don’t Look Up regarde alors droit dans les yeux, avec autant de sévérité, d’absurde et de drôlerie, un système tout cassé qui attend de voir l’astéroïde pour prendre peur. L’actualité violemment piquante du film en pleine crise du Covid est d’autant plus frappante que McKay offre un point de vue concerné sur ces deux scientifiques accompagnés par le Dr Oglethorpe (les trois figures centrales les plus dramatiques, constamment en proie à l’humour corrosif que leur proposent les personnages avec qui ils sont contraints d’interagir tout au long du film) face au scepticisme, aux théories du complot farfelues qui rappelleront de bons souvenirs aux utilisateurs de Facebook, à la violence sans égale des réseaux sociaux et des fake news et à la puissance des médias sur l’opinion publique. En nous racontant la quête constamment complexifiée par les tournures des évènements d’une poignée de scientifiques décidés à faire voir la réalité des choses à la terre entière, McKay dessine une fable satirique autant qu’elle est percutante, pour se draper d’une véritable précision humaine dans son dernier tiers, aussi frappant qu’il est juste.


Don’t Look Up s’habille de ses plus beaux habits pour venir heurter Noël en se dotant d’un casting hallucinant convoquant parmi les plus grandes stars du cinéma américain en faisant fusionner les générations. Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence nous servent de repères émotionnels et dramatiques dans le cœur joyeusement foutraque du film, accompagnés dans leurs aventures par le très bon Rob Morgan. Face à eux, la Présidente Meryl Streep et son fils délicatement crétin Jonah Hill, le Pdg intéressé Mark Rylance (dira-t-on qu’il est le véritable bad guy du film… ?), le duo de journalistes tartiné de maquillage les rendant quasiment méconnaissables Cate Blanchett et Tyler Perry, le couple star dont la scène de concert fera probablement parler d’elle longtemps (un prix de la meilleure chanson originale en vue ?) Ariana Grande et Kid Cudi, ou encore le vétéran conservateur à la langue bien (trop) pendue Ron Perlman. Nourrissent également le casting Timothée Chalamet, skater vaguement hippie et toute une série de caméos plus ou moins inattendus qu’on vous laissera découvrir au visionnage.


Féroce plaquage au sol des dysfonctionnements majeurs de nos gouvernements, de nos médias et de nos modes de vie, Don’t Look Up est une satire politico-journalistique en forme de road movie fantasque à travers l’actualité sous toutes ses formes dont la violence vient du réalisme bas de front qu’il exploite avec un cynisme implacable. McKay signe un film bordélique, légèrement hors de contrôle, qui pâlit d’un certain manque de cohérence artistique dans l’ensemble pour mieux envoyer son duo de tête dans un ouragan social ironiquement impitoyable. Don’t Look Up, s’il n’est pas parfait, est de l’autre côté une œuvre somme de la filmo de son auteur, une proposition de comédie rare et ubuesque qui trouve son véritable sens (et cœur) dans sa dernière partie, probablement une des plus impactantes de l’année. Alors, ce Noël, préparez vous au crash d’Adam McKay, et n’hésitez pas à prendre quelques notes, histoire de savoir quoi faire quand l’astéroïde se pointera – s’il n’est pas déjà là…

Titre Original: DON’T LOOK UP

Réalisé par: Adam McKay

Casting : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep…

Genre: Comédie

Sortie le: 24 Décembre 2021

Distribué par: Netflix France

EXCELLENT

4 réponses »

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