SYNOPSIS : Un jeune homme est accusé d’avoir violé une jeune femme. Qui est ce jeune homme et qui est cette jeune femme ? Est-il coupable ou est-il innocent ? Est-elle victime ou uniquement dans un désir de vengeance, comme l’affirme l’accusé ? Les deux jeunes protagonistes et leurs proches vont voir leur vie, leurs convictions et leurs certitudes voler en éclat mais… N’y a-t-il qu’une seule vérité ?
Il y a dans le nouveau long-métrage d’Yvan Attal une question fondamentalement actuelle posée par cet emballement judiciaire et médiatique dépeint. En cette ère post MeToo qui voit de plus en plus de victimes prendre la parole et transmettre le besoin vital d’être écoutées et crues, Les Choses Humaines se dote d’un concept bien particulier qui, en apparence du moins, pourrait faire craindre le pire dans ce qu’on peut faire de pire sur le sujet. Rassurez-vous, on n’y est pas. Les Choses Humaines nous fait suivre Alexandre, jeune fils d’un journaliste politique star et d’une essayiste féministe populaire. De passage sur Paris, il rend visite à sa mère et fait la connaissance d’Adam, son nouveau compagnon, et de sa fille Mila, âgée de 16 ans. Les deux jeunes partent ensemble en soirée, quand le lendemain Alexandre est réveillé par la police. Mila a porté plainte contre lui pour viol, mais lui clame son innocence. La machine médiatique s’en mêle et emporte ces deux familles dans une tempête judiciaire redoutablement violente. Lorsque le film s’ouvre, il se focalise sur Alexandre. Gosse bien né d’une importante famille parisienne, habitué aux grands appartements et inscrit à la brillante université de Stanford aux Etats-Unis, il est d’abord présenté comme notre protagoniste. Lorsque survient le drame (qui ne nous est jamais montré à l’écran), Les Choses Humaines explose. Notre protagoniste est mis face à la plainte de Mila, pratiquement absente de la première partie du film, nous laissant face au seul point de vue d’Alexandre, assurant son innocence lors de sa confrontation avec la police. Ce premier acte installe un propos très binaire dans cette histoire, avant de contrebalancer l’ensemble de ce qu’on pensait acquis dans le deuxième. Lorsqu’il se raccroche à Mila, à son traumatisme et à sa situation, Les Choses Humaines prend véritablement tout son sens, pour entamer en troisième partie le cœur du film : le procès.
Yvan Attal s’attaque dans cette adaptation du roman du même nom de Karine Tuil (paru en 2019 et récompensé dans beaucoup de catégories littéraires) à la façon dont la société perçoit et juge une telle affaire, faisant le tour de l’ensemble des biais collectifs qui poussent à émettre un jugement subjectif et souvent trompeur. Et si cette histoire en apparence limpide était en réalité bien plus complexe que ce qu’elle laisse paraître ? Et si elle posait beaucoup de questionnements essentiels sur certains modes de vie et comportements ? Avec son procès en 3 tours, Attal pose – comme dans le roman de Tuil – la question du consentement, de la place des origines sociales dans les rapports humains, de la communication, de l’appropriation du corps d’autrui, du tribunal de Twitter et tout simplement de la justice. Toutes ces choses humaines, loin d’avoir des réponses binaires, se posent comme le cœur d’un film qui décrit façon vue d’ensemble cette affaire sans poser un jugement unique. A tour de rôle, le procès explore les points de vue et les thématiques, proposant de scruter sous ses aspects les plus pernicieux et parfois même dérangeants les dessous d’un système extrêmement faillible qui entraîne tous ses protagonistes en même temps dans une mécanique terriblement destructrice. Balayant toutes ces perspectives en passant par l’intégralité des référentiels dans une telle affaire, Les Choses Humaines se montre solide dans sa proposition, achevant d’être un film judiciaire au propos global sur la justice de nos jours et sur la façon dont #MeToo tend à changer nos façons de voir les choses, bien qu’il n’échappe pas à une certaine concavité dans l’enchaînement quasiment mécanique de ces diatribes et grands monologues offerts par les avocats et les procureurs du tribunal.
Yvan Attal offre à son propre fils Ben le rôle extrêmement sensible d’Alexandre, le plaçant en tête de proue d’un propos radical et très ambivalent, alors que sa femme, Charlotte Gainsbourg prend le rôle de Claire, la mère. Suivent Pierre Arditi, Matthieu Kassovitz, Audrey Dana et Benjamin Lavernhe dans des rôles foncièrement centraux entourant les deux protagonistes de l’histoire. Et c’est la révélation Suzanne Jouannet qui campe avec puissance le personnage de Mila, saisissant la portée de son traumatisme et sa volonté de justice avec une remarquable justesse.
En scrutant cet emballement médiatico-judiciaire via les points de vue des deux jeunes mis en confrontation dans ce procès à l’ampleur démesurée (lui est gosse de riche, elle vient d’une famille juive modeste), Yvan Attal adapte le livre de Karine Tuil en racontant les non-dits, les passages sous silence et les incompréhensions d’une génération qui cherche de plus en plus à parler. Sans véritablement poser de jugement sur l’affaire ni sur ses protagonistes pour laisser les questions vitales au spectateur, Les Choses Humaines est un objet complexe, sensible et bouillonnant qui se saisit de ses thématiques pour déballer cet enchevêtrement humain en apparence inopérable.
Titre Original: LES CHOSES HUMAINES
Réalisé par: Yvan Attal
Casting : Suzanne Jouannet, Ben Attal, Charlotte Gainsbourg …
Genre: Drame, Judiciaire
Sortie le: 1 er décembre 2021
Distribué par: Gaumont Distribution
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma