Critiques Cinéma

LA FIEVRE DE PETROV (Critique)

SYNOPSIS: Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…

Y a-t-il eu cette année de cinéma plus fou, plus allumé et plus exaltant que cette Fièvre russe ? Après avoir fait la révolution punk avec son Leto, le metteur en scène Kirill Serebrennikov récidive en signant l’adaptation du roman d’Alexeï Salnikov avec laquelle il a dynamité cette édition 2021 du Festival de Cannes avant de s’assoir, en cette fin d’année, dans nos salles françaises. Une proposition radicalement singulière qui retourne sa propre forme pour composer un exercice de style de haute voltige. La Fièvre de Petrov nous fait suivre les déambulations du Petrov éponyme, malade d’une vilaine grippe qu’il éponge à l’alcool alors qu’il erre en ville. Une série de cauchemars, de souvenirs embués et de visions fantasmatiques vont ponctuer les aventures de ce Petrov-épave en donnant naissance à un film-somme à l’aura surnaturelle. Serebrennikov signe une œuvre à la folie créatrice absurdement démesurée, transpirant de propositions de mise en scène à chaque plan pour développer sa suite inarrêtable de saynètes tantôt mélancoliques, tantôt drôles et tantôt sanguinolentes à souhait. Le metteur en scène russe nous fait suivre toute une galerie de personnages, en passant de Petrov et son ami Igor voleur de corbillard à sa femme libraire aux tendances psychotiques surprenantes et leur fils malade. Au milieu de ce champ de bataille artistique, une femme triste déguisée en princesse des neiges qui lui tend la main pour l’entraîner dans une ronde. Le metteur en scène russe compose un choc total, transcendant de visions cauchemardesques couplées à de purs instants de poésie, embrassant à pleine bouche le surréalisme le plus rauque, le plus brute et le plus rugueux possible pour venir disséquer le 7ème art tout entier de son scalpel complètement rouillé. La Fièvre de Petrov est un bad trip expérimental et ésotérique qui envoie valser toutes les conventions cinématographiques pour construire un crash-test filmique qui fonce tout droit vers le mur. Pendant 2h25 ouvrant une faille spatio-temporelle, on attend le crash. Patiemment.


Il n’y a aucun doute que Kirill Serebrennikov est le cinéaste le plus curieusement timbré du moment, conférant à son film tout cette aura punk-rock quasiment révolutionnaire qui embaume son récit-labyrinthe aussi confus et improbable que transcendantal et complètement dingue. Cette Fièvre nous emporte dans ses quintes de toux inopinées et imprévisibles, attendant dans l’ombre le moment où elle va frapper. Esquissant un film monstrueux aux airs d’opéra nihiliste, son réalisateur montre sa maîtrise totale du cinéma et de ses outils, voguant à travers les genres et les propositions de mise en scène. Les ratios d’image se baladent, la couleur laisse parfois la place à un noir et blanc sec, et la musique passe du tout au tout comme elle l’entend.

La Fièvre de Petrov dépasse clairement l’écran, imprimant ses cauchemars et ses hallucinations au-delà de son errance hallucinatoire. Le nouveau film de Kirill Serebrennikov est unique en son genre, et quand on voit l’expérience exténuante que c’est, on ne peut qu’en être rassuré. Plongeant Semyon Serzin, Tchoulpan Khamatova et Youri Kolokolnikov dans cet improbable pot-pourri d’influences et de genres qui s’entremêlent dans un chaos global, Le Fièvre de Petrov est un de ces grands films qui réinventent leurs cinémas et leurs époques. Une œuvre fièrement punk et complètement fumée qui repousse les limites de la narration classique pour épouser les aspects les plus sordides, les plus terrifiants et les plus stupides de son art.

En établissant un ballet aux innombrables propositions esthétiques à en faire tomber dans les pommes n’importe quel chef opérateur, ce nouveau coup assené par Serebrennikov ne fait que confirmer qu’il fait partie des plus grands enfants terribles de cette génération de cinéastes. En faisant se croiser le classique morbide et le post-modernisme cynique dans un feu d’artifice ravagé, le metteur en scène russe nous offre un condensé de vrai cinéma, rare, audacieux et percutant, à l’allure de semi-remorque dont les freins auraient lâchés. La Fièvre de Petrov est aussi beau qu’il est monstrueux, aussi poétique qu’il est sans-pitié et aussi admirable qu’il est dérangé. Bref, La Fièvre de Petrov est un monument de cette année qui, dans le cas où il n’arrive pas à convaincre, reste en tête très longtemps. Tout en finissant sur un plan-séquence final renversant à la conclusion aussi brillante que sidérante. Alors nous ne pouvons que terminer en vous conseillant l’expérience tout en vous rappelant de prendre votre paquet d’Aspirine avant de partir de chez vous. Attention, ça secoue

Titre Original: PETROV’S FLU

Réalisé par: Kirill Serebrennikov

Casting : Semyon Serzin, Chulpan Khamatova, Yuriy Borisov…

Genre: Drame, Fantastique

Sortie le: 01er décembre 2021

Distribué par: Bac Films

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