Critiques Cinéma

LES OLYMPIADES (Critique)

SYNOPSIS: Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille qui est attiré par Nora qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux.

D’après trois nouvelles graphiques de l’auteur américain Adrian Tomine : Amber Sweet, Killing and dying et Hawaiian getaway.

La nouvelle pièce de la filmographie de Jacques Audiard sonne comme une anomalie. Après avoir frappé par la violence intrinsèque de l’humanité dans Un Prophète ou De Battre mon Cœur s’est arrêté pour repousser ses ambitions dans son exploration westernienne de ses Frères Sisters de l’autre côté de l’Atlantique, son nouveau long-métrage prend un contre-pied artistique parfait. A la place de la violence et de la cruauté omniprésente et autodestructrice, la douceur de l’indécision amoureuse. A la place de la couleur des flammes dévorantes, un noir et blanc épuré. A la place d’une intrigue sensationnelle et percutante, l’apparat d’une douce anti-comédie romantique sur l’amour au 21ème Siècle. Tant de différences qui rendent ces Olympiades si singulières. Jacques Audiard, à 69 ans, n’a jamais autant eu 30 ans. Emilie est franco-chinoise et s’installe dans un joli appartement dans le 13e arrondissement parisien. Elle rencontre Camille, professeur remplaçant en attente de son agrégation. De l’autre côté du quartier d’Olympiades, Nora retourne sur les bancs de l’université. Après des mésaventures gémellaires avec une cam-girl nommée Amber Sweet, elle rencontre Camille. Emilie, Nora, Camille et Amber ne se connaissaient pas et n’ont rien en commun. Et pourtant leurs histoires respectives les attirent les uns vers les autres.


Audiard s’entoure de deux autrices-réalisatrices de talent pour écrire son film, adaptation de romans graphiques d’Adrian Tomine, en les personnes de Léa Mysius (Ava) et Céline Sciamma (Portrait de la Jeune Fille en Feu, Petite Maman). Par cet assemblage hétéroclite de scénaristes, Les Olympiades brille par son ouverture et sa précision sur les enjeux du monde qui nous entoure dans nos rapports à l’amour. Les trois scénaristes déploient alors une fresque épaisse mais d’une sobriété rafraîchissante pour mettre en lumière les difficultés de dire  » je t’aime  » à l’époque des réseaux sociaux, du porno et des sites de rencontre. Les images sont trafiquées jusque dans la vie de tous les jours, et les relations finissent fatalement par s’écrouler sur elles-mêmes. En plaçant la communication – ou plus précisément le manque de communication – au centre de l’intrigue, Audiard parvient avec beaucoup de justesse à éviter le piège facile du pointage de doigt évident et gênant en embrassant corps, émotions et âme les points de vue de ces trentenaires en pleine errance sentimentale pendant cette heure quarante-cinq de doutes, de peines et de ruptures douloureuses. Le spectre de l’amour hante cette génération qui le voit comme une chimère inaccessible ou incompatible avec leurs attentes. Chacun des protagonistes le voit différemment, incapables tous autant qu’ils sont de se rendre compte qu’ils ne pensent pas la même chose que la personne en face d’eux. Les Olympiades est un récit erratique et flottant qui capte cet âge d’indécision qui frappe sans prévenir.


Mysius, Sciamma et Audiard signent alors un scénario remarquable de justesse et de vacillement, faisant battre les cœurs aussi forts que les corps se heurtent et se mêlent. A confondre les désirs et les passions dans un jeu aveugle et rude, les protagonistes ne peuvent qu’ouvrir la voie à un futur meilleur lorsqu’ils prendront conscience de leurs besoins et de leurs envies. Entre balbutiements amoureux, relations charnelles fantasmatiques et rapports humains puissants, Les Olympiades donne à son final tout le potentiel émotionnel d’une comédie romantique sans tomber dans son artificialité. Avec compassion, accompagnement et bienveillance, Audiard dépeint les relations modernes avec un œil épuré de tout sensationnalisme pour livrer un film sensible et viscéral. Par le choix d’un noir et blanc pur et d’une mise en scène à la sobriété plus que surprenante, le metteur en scène se défait de son cinéma compulsif et radical pour le réinventer flamboyant, simple et passionné.


La passion déborde également de ce joli casting de choix qui accompagne ces personnages en perdition amoureuse, à commencer par Lucie Zhang – avec qui on rentre dans le film – Makita Samba, Noémie Merlant et Jehnnie Beth dans ce quatuor de premier plan. En racontant le monde par le biais d’une pleine ouverture sexuelle, émotionnelle et thématique, Audiard donne à son casting tout le luxe d’habiller cette génération incertaine de son voile de spontanéité et de réalisme dans une énergie débordante. Les Olympiades est une réussite car il permet à Audiard une renaissance artistique bienvenue et audacieuse par ce long-métrage sobre et sans prétention qui se débarrasse des artifices pour faire transparaître l’honnêteté. Porté par un trio de scénaristes et par un quatuor de comédien.nes de talent, ces Olympiades saisissent avec précision, légèreté et assurance les maladresses d’une époque sans complaisance ni jugement. Et du film finit par se dégager une vive couleur qui vient délicatement habiller le noir et blanc d’une seconde couche de peinture bien plus humaine et vibrante.

Titre Original: LES OLYMPIADES

Réalisé par: Jacques Audiard

Casting : Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant ….

Genre: Comédie, Romance, Drame

Date de sortie: 03 Novembre 2021

Distribué par: Memento Distribution

TRÈS BIEN

Laisser un commentaire