Dans les films qui furent des marqueurs importants dans l’Histoire du cinéma, La Horde Sauvage de Sam Peckinpah a une place à part, tant sa conception, son tournage, sa sortie et toutes ses composantes constituent le fil d’un récit foisonnant, impressionnant et difficilement crédible tant certains faits paraissent inconcevables. La Horde Sauvage, c’est rien moins qu’un projet effarant où la violence est poussée à son paroxysme et où la force graphique de celle-ci imprime durablement la rétine de ses spectateurs, notamment dans une scène finale dantesque et littéralement bouleversante, gunfight homérique où le sang coule à flots et où cette séquence apocalyptique sonne le glas de ces derniers cow-boys qui en mourant, emportent dans leur dernier souffle l’Ouest déclinant du western, genre vedette du cinéma américain pendant de longues années et dont l’éclipse est désormais programmée. En utilisant à outrance le ralenti, la force visuelle des impacts de balle sanguinolents et en multipliant les plans de coupes, Peckinpah a imposé une grammaire qui fera date et qui sera copiée et réutilisée depuis sans discontinuer.
L’ouvrage de W.K. Stratton, intitulé La Horde Sauvage Le Dernier Western (Éditions G3J Editeur) raconte avec une multitude de détails la conception de ce film somme agrémenté de nombreux témoignages, prolongé par des digressions sur les carrières des uns et des autres, recontextualisant au passage des faits historiques, dévoilant les turpitudes des uns, les rêves fracassés des autres dans un récit étourdissant où les ombres d’un réalisateur visionnaire et d’un casting hétéroclite mais fascinant se télescopent et nous laissent bouche bée.
Avant d’être considéré comme un classique, La Horde Sauvage a connu les foudres de la censure et de la Warner Bros – Seven Arts, le rejet des ligues de vertu, l’opprobre des bien pensants gênés aux entournures par ce film frontal, imbibé d’alcool et de sang, tourné dans un Mexique poussiéreux dénué des commodités les plus basiques. Les détails distillés par le récit de Stratton sont foisonnants, donnent du corps à son histoire et maintiennent en haleine, surprenant constamment par leur caractère imprévisible. Les étapes de la préparation du tournage, l’écriture du scénario, les acteurs envisagés (Lee Marvin, Burt Lancaster, James Stewart…) qui passent leur tour, les tonnes de pellicules (7620 mètres rien que la première semaine) et de munitions nécessaires à la bonne marche du film (presque 100000 cartouches commandées quand après le deuxième jour de tournage tout le stock avait été utilisé), l’auteur dans un travail précieux digne du Nouveau journalisme propose une œuvre impressionnante. Du nombre phénoménal de costumes nécessaires pour palier aux tâches produites par les poches de sang, des multiples caméras exigées par le réalisateur pour parer à tous les angles, des fourmis rouges acheminées sur le tournage pour une scène symbolique, d’un comédien en couple avec une adolescente de 13 ans à un autre qui se déplace avec son harem, des 244 figurants, 80 animaux, 43 dresseurs, 372 repas, 239 armes à feu nécessaires pour le quatrième jour de tournage (page 222), tout sur ce tournage prend des allures phénoménales. William Holden, Ernest Borgnine, Warren Oates, Edmond O’Brien, Ben Johnson ou encore Robert Ryan entre autres ont menés à bien cette aventure drivé par un Sam Peckinpah qui a porté ce film dans son cœur et son âme pour produire un chef-d’œuvre dont toute la densité est restituée dans ce livre assez puissant.
En traquant en détails tous les points qui ont conduit à ce film dantesque (L’influence du Mexique sur l’ambiance générale du film est particulièrement mise en perspective), W.K. Stratton propose un livre rare (qui plus est préfacé par Michel Ciment) qui raconte comme une idée finit par donner vie à une œuvre marquante à travers le temps, malgré tous les obstacles – économiques et créatifs notamment – rencontrés pour qu’un tel projet devienne enfin réalité.
La Horde Sauvage Le Dernier Western de W.K Stratton est publié chez G3J Éditeur. Sortie le 1er juillet
Catégories :Critique Livres
Au rythme des ralentis
Dans un crépuscule qui s’avance
Le vieil ouest s’éteint
Dans une gerbe de sang
Des hommes usés jusqu’à la corde
Tout juste bonne à les pendre
Marchent vers le couchant
Les armes à la main
Anarchistes et matamores
Nihilistes jusqu’à la mort
Qu’ils épousent debout
Au chant de l’effort
La tristesse d’un temps agonise
La nostalgie n’est pas de mise
Juste les tambours de la fin
Broyés par un monde qui s’avance
Et qu’ils ne reconnaissent pas
Nous mourrons avec eux
Funérailles des illusions
Vieillesse qui se naufrage
Dans l’écume du dernier combat
Des enfants cruels rient de ce monde
Jouent à mêler scorpions et fourmis
Et brûlent les survivants
Dans la nacre de leur sourire
Un enfant soldat
Fait sa première communion
De feu et de sang
Sans acte de contrition
Le vieux Sam était fou
Il était poète
L’alcool et les drogues
Ont tué en lui l’indien
Je ne garde de lui
Que cette image
Un vieil homme pleurant
Dans un décor
A la fin d’un tournage
Qui le hante encore
Et cet amour de la vie
Des femmes et du whisky
Et ces temps d’ascèse
Quand il filme sa poésie
Qui a pris tes bottes
Ta selle et ton cheval?
Toi qui galopes
Dans les plaines éternelles
Du sable du Mexique
Brûlant comme les larmes
Des rires assoiffés