Critiques

HIPPOCRATE (Critique Saison 1) Des sursauts d’humanité et de lumière…

SYNOPSIS: Un hôpital public en périphérie d’une grande ville. Suite à des mesures sanitaires, les médecins titulaires du service de médecine interne se retrouvent confinés chez eux pour 48h. Trois internes inexpérimentés et un médecin légiste, qui ne se connaissent pas encore, vont devoir faire bloc pour gérer seuls le service et les malades. Mais la quarantaine se prolonge…

Thomas Lilti a un parcours parmi les plus singuliers qu’ait pu nous offrir le cinéma français. A la fois médecin généraliste et réalisateur/scénariste sur ses jours de temps libre, il met en scène en 2007 son premier long-métrage Les Yeux Bandés, avant d’apparaître sous les yeux du grand public avec son Hippocrate en 2014. Le film se déroule presque intégralement dans les couloirs d’un hôpital, et suit le parcours de Benjamin (incarné par Vincent Lacoste), jeune interne intégrant le service de son père. Il signera dans les années d’après d’autres longs-métrages dépeignant le milieu médical, avec toujours autant de justesse (aussi technique que narrative) avec Médecin de Campagne et Première Année. Lorsque Lilti sortait de l’échec commercial des Yeux Bandés, il songea d’abord à faire d’Hippocrate une série, avant de se résoudre à en faire un film. C’est désormais chose faite, puisque fin 2018, Thomas Lilti produit avec Canal+ une adaptation sérielle de son long-métrage, histoire de prolonger encore plus cette plongée dans ce milieu si particulier et si singulier qu’est la médecine.

Hippocrate la série raconte l’histoire de Alyson et Hugo, deux étudiants intégrant le service de médecine interne d’un Hôpital en périphérie le lendemain d’une découverte inquiétante : l’intégralité des médecins titulaires du service sont suspectés d’être rentrés en contact avec un agent pathogène non identifié et potentiellement dangereux. Mis sous quarantaine pendant une durée indéterminée, ils laissent alors la branche de l’Hôpital aux deux nouveaux internes, à Chloé, interne sénior et à Arben, médecin légiste rattaché au service lorsque le manque de moyens humains sur place se fera cruellement ressentir. Ensemble dans cette situation inédite, et malgré leurs façons opposées de travailler, ils doivent faire face à une avalanche de situations imprévisibles.

Avec cette première saison, Thomas Litli réussit un exploit : rendre logique l’existence d’une adaptation sérielle de son long-métrage tout en faisant de cette dite série un objet filmique d’une qualité rare. Il filme, caméra à l’épaule au plus près possible de ses personnages, un quotidien parsemé de stress, de pression et de rythme. En jonglant avec les tons et les ambiances, il construit un réalisme passionnant et entièrement immersif qui plonge pour de bon le spectateur dans cette boule incessante d’évènements. Mais c’est principalement parce qu’il place ses protagonistes en première ligne que l’ensemble fonctionne autant. Avec sa façon quasiment documentaire de les filmer et de les écrire, Lilti parvient aisément à créer une identification chez le spectateur, raison première qui le pousse à continuer de suivre le cours des épisodes. Dans des périodes comme celle que nous traversons avec la crise du Covid, il n’a jamais été aussi indispensable de se rendre compte du devoir qui incombe au personnel médical, aux sacrifices qu’ils sont amenés à faire et aux surcharges d’émotions qui les envahissent quand la vie personnelle impacte la vie professionnelle. Sans absolument jamais rentrer dans le pathos comme le font souvent les séries médicales, Hippocrate redouble de richesses thématiques et de trouvailles pour composer son service tout entier, battant au rythme des électrocardiogrammes. Elle arrive également à nous embarquer dans son contexte et dans ses analyses médicales extrêmement poussée sans lâcher le spectateur pour lequel les termes « TS » ou « Méningocoque » sont totalement étrangers. C’est d’ailleurs la marque de Thomas Lilti qui, dans ses œuvres, parvient constamment à créer des sursauts d’humanité et de lumière dans un univers lexical très précis qui ferait décrocher en règle générale n’importe quelle personne. Mais dans cet Hôpital où règnent les relations humaines (internes-patients autant que internes-internes) et d’où ressort cette onde de Bien qui nous rassure et nous entoure, ce sont ces personnages qui en sont le cœur battant à un rythme démentiel, menaçant parfois la tachycardie mais retrouvant constamment ce que Thomas Lilti cherche à amener : de l’humanité. A travers cette peinture du pire dont l’homme peut être victime, Hippocrate en sort le meilleur dont il est capable.

La série est également soutenue par un fabuleux casting aux couleurs explosives, à commencer par le quatuor principal composé d’Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud, Louise Bourgouin et Karim Leklou, chacun menant son arc scénaristique tout au long de ces épisodes avec justesse et passion. En opposant leurs personnalités, ils réussissent à construire un univers professionnel incroyable de précision auquel on s’attache, autant pour son rythme que pour leurs personnalités. Celles-ci se dévoilent au fur et à mesure que la série avance, tentant petit à petit de créer ce groupe solide et uni que l’on rêve de voir, effaçant idéalement les défauts évidents de chacun.

La volonté d’Hippocrate passe notamment par son réalisme et sa manière aiguisée de manier une caméra immersive au possible et un casting redoutable de crédibilité dans un univers régit par l’urgence sous sa forme la plus brute. Sorte de prévision du futur qui attendait le monde à partir de 2020 en filmant un service hospitalier sous le feu constant des nouvelles arrivées et manquant encore et toujours plus de moyens humains et techniques, la série se place comme l’une des représentations médicales les plus vivantes et les plus passionnantes à suivre. Concentré de chaos surmonté de moments de légèreté brillantes et lumineux qui provoquent à n’en pas douter des émotions intenses, cette saison 1 d’Hippocrate aura été le support idéal pour parler de l’Homme, avec un grand H, sous tous ses aspects. Car l’Hôpital n’est-il finalement pas le lieu le plus humain qui soit ?

Crédits: Canal +

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