SYNOPSIS: Pour retrouver les braqueurs responsables de 26 attaques de banques, Johnny Utah, jeune inspecteur du FBI inexpérimenté et naïf, s’infiltre dans le milieu des surfeurs de Los Angeles.
S’il fallait démontrer qu’il n’y a pas de fatalité à ce qu’un film puisse transcender son scénario, échapper au formatage qu’il semble lui imposer et à l’image qu’il vend pour attirer un large public, Point Break serait assurément un des premiers films que nous citerions. Sorti au début des années 90, il reprend les codes de son époque, est dans son ADN, formellement comme en terme d’écriture, un film de cette décennie et pourrait ainsi être terriblement daté, coincé dans ces années où le cœur de la pop culture battait au rythme de « MTV » et de la popularité croissante des sports extrêmes, condamné à n’être qu’une capsule temporelle. On ne pourra blâmer celui qui, tombant sur la jaquette du film et s’arrêtant à son résumé, passera son chemin en n’y voyant là qu’un de ces thrillers dopés à l’adrénaline et à la testostérone, l’un des films matriciels des Fast and Furious et autres XXX, qui n’ont rien d’autre à offrir que ce qui est exposé en vitrine. Si Point Break a aussi bien traversé les décennies, il le doit à la façon dont Kathryn Bigelow a emballé le tout, a donné une vie et une âme à des personnages qui sont tous, au point de départ des archétypes et ainsi transcendé tous les clichés qui auraient pu le clouer au sol. Point Break est à vrai dire à l’image de Bodhi, son personnage emblématique. Si l’on s’arrête à l’image qu’il renvoie au premier abord, on le jugera superficiel, destiné à une cible dont on pourra se sentir très éloigné. Point Break a ainsi bien plus à offrir que le programme qu’il expose en vitrine si l’on s’arrête à son pitch et à ses premières minutes. Derrière les magnifiques images de surf et de chute libre, les belles gueules de son casting, les courses poursuites dont une en particulier, à pieds, qui demeure la référence à nos yeux avec celle de French Connection 2, se trouve un film habité, totalement intègre et inspirant.
Habité il l’est indiscutablement grâce à Kathryn Bigelow qui, par l’intermédiaire de James Cameron devenu producteur exécutif de ce projet d’abord dévolu à Ridley Scott puis mis en sommeil après son départ, a été choisi pour le mettre en scène et reprendre les commandes de ce qui n’aurait pu être qu’un bolide rutilant. Point Break revêt certes les habits du film commercial en phase avec son époque mais n’en fait nullement l’apologie, bien au contraire, quand il est porté par l’énergie et la philosophie d’un personnage qui est un outsider, vit selon ses propres règles, défie l’ordre établi et rejette en bloc la société américaine de l’époque, encore marquée par les années Reagan. Il ne fait pas de doutes que Bigelow qui a grandit et fait ses études en Californie, vient d’un milieu d’artistes, a une grande empathie pour Bodhi (Patrick Swayze) qui est ainsi à la fois l’antagoniste et le héros de ce récit dans lequel souffle un vent d’insoumission et de liberté qui va profondément transformer celui qui devrait normalement incarner la figure du héros (et qui au départ du projet devait même donner son titre au film), Johnny Utah (Keanu Reeves). Ainsi, au delà du thriller spectaculaire et intense, ponctué de décharges de pure adrénaline durant des séquences de surf et de saut en chute qui ne trouvent pas encore d’équivalent à ce jour au cinéma, Point Break renverse la morale habituelle et se présente comme le récit de l’éveil de la conscience de Johnny Utah au contact d’un homme que la société désigne comme un hors la loi parce qu’il ne suit que la sienne. Kathryn Bigelow s’appuie sur un casting qu’elle a choisi, parfois imposé, et elle a mis dans le mille pour chacun de ses choix de Patrick Swayze à Keanu Reeves en passant par Gary Busey (Pappas), Lori Petty (Tyler) et John C. McGinley (Ben Harp). Chacun d’entre eux joue parfaitement sa partition de départ avec une énergie, une force de conviction qui irriguent toutes les scènes et leurs échanges. Ainsi, Point Break est aussi convaincant et habité lorsqu’il navigue vers la romance naissante (Tyler et Johnny), la bromance (Bodhi et Johnny), le buddy cop movie (le duo Johnny / Pappas et leurs rapports avec leur supérieur, le caricatural mais génial Ben Harp). A la dynamique propre de ce récit qui avance à vive allure à coups de décharges d’adrénaline s’ajoute ainsi la dynamique des relations entre ses personnages.
Kathryn Bigelow a bataillé pour imposer Keanu Reeves dont le CV n’incitait pas à penser qu’il puisse tenir le rôle de cette jeune recrue du FBI, ancienne gloire du football américain universitaire, véritable boy scout sûr de lui qui va se déniaiser au contact de Bodhi. La mue opère à l’écran grâce au travail accompli par Bigelow dont on sait qu’elle a beaucoup coaché Reeves pour qu’il ait mentalement, comme physiquement les aptitudes à tenir ce rôle, notamment face au monstre de charisme et de physique qu’est Patrick Swayze. Le héros romantique de Dirty Dancing et Ghost (impossible à l’époque de ne pas le voir à travers ce prisme) crève l’écran à chacune de ses apparitions tant il est intense et habité par ce rôle qui est probablement celui dans lequel il aura pu le plus se reconnaître et celui qui exploite le mieux ce mélange de force et de grâce qui émane de lui. Il y a réellement quelque chose de très stimulant et fascinant à le voir ainsi s’animer, jouer avec une telle intensité chacune de ses scènes. Bigelow érotise les corps de ses interprètes, ne cache pas derrière la caméra sa fascination pour ses acteurs (Lori Petty incluse qui est sublime) mais par la grâce de sa mise en scène et de sa direction d’acteurs, elle ne tombe pas dans l’écueil de l’esthétique publicitaire et pour reprendre les mots de Victor Hugo dans Post Scriptum de ma Vie, elle parvient à capter la beauté de l’âme qui se répand comme une lumière mystérieuse sur la beauté du corps.
Là ou d’autres cinéastes se seraient essentiellement reposés sur le cadre posé par ce qui est au départ un scénario de série B pour faire de belles images creuses et de l’action spectaculaire mais sans enjeux, Kathryn Bigelow a fait la démarche inverse avec une intégrité remarquable qu’il s’agisse donc du traitement de ses personnages et leurs rapports entre eux mais aussi de son sujet. Qu’il s’agisse de braquer des banques, de surfer les vagues les plus dangereuses ou de sauter en chute libre, la thématique centrale de Point Break est le de dépassement de soi , la possibilité de dépasser les limites que la société nous a fixés ou celles que l’on se fixe. Tout le film est irrigué par cette thématique, cette fureur de vivre qui anime les personnages et se traduit dans la mise en scène. Lorsqu’avec ses comparses, Bodhi braque des banques revêtu de masques d’anciens présidents (Reagan, Carter, Johnson, Nixon), il le fait avec la même rapidité, la même froide détermination et la même règle de conduite que les bandits de grand chemin attaquant des diligences. 90 secondes pour repartir avec le butin et marquer les esprits, le mode opératoire est rodé. Ces séquences de braquage sont extrêmement dynamiques et immersives, cherchant avant toute chose à nous faire ressentir la décharge d’adrénaline de leurs auteurs, comme lors de la mémorable course poursuite qui ponctue l’une d’entre elles. Peu importe le butin pourvu qu’ils aient l’ivresse Cette idée de surfeurs braqueurs portant des masques d’anciens présidents était certes déjà présente dans les premières versions du scénario mais elle trouve ainsi ici un écho dans tout le film, à travers la remise en cause de l’ordre établi, des hiérarchies, cet esprit frondeur et cette lueur constante dans le regard des personnages. Point Break n’a évidemment ni la vocation, ni la dimension d’un film politique mais il prouve que l’on peut proposer un film spectaculaire, divertissant et accessible à un large public tout en racontant une histoire inspirante qui nous amène à réfléchir sur nous-même. Trente ans après sa sortie, son message est toujours d’actualité et il est entré dans la culture populaire. Bodhi et quelques une de ses scènes sont encore citées et parfois parodiées, ce qui trouble certes un peu son image mais témoigne de l’énorme impact qu’il a eu sur ses spectateurs. Quant à Kathryn Bigelow, il s’agissait là de son premier grand coup de force (Near Dark que l’auteur de ces lignes considère comme son meilleur film n’ayant eu alors qu’un faible écho) qui allait lui ouvrir la voie d’une carrière passionnante.
Titre Original: POINT BREAK
Réalisé par: Kathryn Bigelow
Casting: Patrick Swayze, Keanu Reeves, Gary Busey, Lori Petty, John C.McGinley …
Genre: Thriller
Sortie le: 28 août 1991
Distribué par: Twentieth Century Fox
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Catégories :Critiques Cinéma
J’ai adoré ce film !! Ado, avec ma sœur, on l’a regardé des centaines de fois !
goût sûr 🙂