Critiques Cinéma

HOT SHOTS (Critique)

SYNOPSIS: Les aventures du pilote Sean Harley, alias Topper Harley, poursuivi par une faute commise par son père vingt ans auparavant. Parodie des films ayant pour héros les pilotes de l’US Air Force et qui connurent leur apogée avec le fameux « Top Gun ».      

Si les genres cinématographiques ont pour la plupart une grande capacité à se régénérer sous l’impulsion de nouveaux talents qui se placent dans les pas de leurs plus illustres prédécesseurs tout en apportant leur identité mais aussi leur sensibilité propre à leur époque, il semble en être autrement du genre du film parodique. Le creux qu’il traverse depuis de nombreuses années paraît encore aujourd’hui ne pas devoir se terminer, alors même que le contexte social, politique et cinématographique paraît pourtant pouvoir fournir une matière quasi inépuisable aux auteurs les plus inspirés. De fait, les grands noms qui ont écrit les plus belles pages du genre ne résonnent pas seulement comme des références et d’inépuisables sources d’inspiration mais comme des gardiens d’un temple qui a certes beaucoup de disciples mais bien peu de maîtres. Parmi eux, le nom des ZAZ (Jerry Zucker, David Zucker et Jim Abrahams) qui ont repris le flambeau de Bud Abbot et Lou Costello, Mel Brooks ou encore Jerry Lewis, revient toujours systématiquement dans les discussions de générations de cinéphiles qui ont découvert puis fait découvrir leurs films dont tant de scènes et répliques restent en mémoire. La parodie est un art bien plus difficile qu’il n’y parait quand on se penche sur la finesse d’écriture et de mise en scène des films du trio qui détourne les codes du genre, jouent avec le spectateur et sa connaissance des films parodiés, sans surligner leurs effets avec un sens du timing comique imparable, une inventivité et une fantaisie constantes. Si les ZAZ ne se sont plus partagés la réalisation après Ruthless People (1986), principalement pour des raisons financières, l’esprit de Airplane, Police Squad (la série qui allait donner naissance quelques années plus tard à Naked Gun), Top Secret ne s’est pas perdu en chemin et Hot Shots, 3ème réalisation solo de Jim Abrahams, reproduit avec brio la recette mise au point par le trio. Airplane était à la fois le détournement du film Zero Hour (Hal Bartlett, 1957) et la réponse à la vague de films de catastrophe aérienne de la décennie écoulée (notamment les 4 films Airport 70,75,77,79 avec Georges Kennedy). Hot Shots détourne l’un des films les plus emblématiques de la décennie passée: Top Gun (Tony Scott, 1986) et répond plus généralement à toute l’imagerie hollywoodienne d’une armée américaine composée de gendres idéaux dont le courage n’est qu’une des innombrables qualités.

A l’écriture, Jim Abrahams retrouve Pat Proft avec lequel il avait collaboré dans Police Squad et qui œuvra ensuite sur le scénario des deux Naked Gun réalisés par David Zucker. Hot Shots enchaine les gags visuels, les situations et répliques absurdes avec la constance d’un métronome, sans le moindre temps mort et sans jamais donner l’impression de passer en force. C’est là vraiment ce qui frappe devant Hot Shots, comme devant les plus grandes réussites des ZAZ, cette capacité à intégrer les gags dans une scène d’une façon parfaitement naturelle ce qui crée un décalage constant et savoureux et renouvelle sans cesse l’intérêt pour le film. Les situations les plus absurdes sont amenées le plus naturellement du monde et les dialogues les plus décalés portes avec le plus grand sérieux par des acteurs, tous excellemment castés et dirigés. La parodie quand elle se fait à coup de clin d’œil, de sourires en coin et de coups de coude lasse rapidement et c’est là probablement l’erreur de beaucoup de ceux qui s’y essaient. Pour paraphraser Mel Brooks être stupide et politiquement incorrect ne fonctionne pas. On peut être politiquement incorrect si on est intelligent et aussi loin que Hot Shots pousse le curseur de son humour absurde et régressif, il le fait toujours à nos yeux avec une grande intelligence.

Si Hot Shots parodie ouvertement Top Gun et son interprète, il développe son propre récit porté par un casting aussi excellemment choisi que dirigé, jusqu’au moindre petit rôle (Dead Meet, Wash Out, Kent, le commandant Block…) au sommet duquel on retrouve deux acteurs employés à priori à contre emploi, qui n’avaient en tout cas, jusque là, pas encore montré de prédispositions pour la comédie: Charlie Sheen (Topper), Valeria Golino (Ramada) mais aussi Lloyd Bridges (Amiral Benson) déjà familier de l’univers des ZAZ pour avoir embarqué avec eux dans Airplane et sa suite. Topper Harley est le pendant de Maverick (Tom Cruise), un pilote aussi casse cou que brillant, au tempérament indomptable, briseur de codes au sein de la prestigieuse unité qu’il intègre mais aussi de cœurs, en l’occurrence celui de Ramada, la psychiatre de la base. Pour Charlie Sheen, encore associé à ses rôles dans Wall Street et Platoon, qui venait par ailleurs de tourner avec Clint Eastwood dans La Relève, accepter un tel rôle était assurément un risque de durablement brouiller son image. C’est dire l’aura qu’avait alors Jim Abrahams et à quel point les films des ZAZ avaient déjà marqué le public. Son interprétation fut critiquée et nous ne parvenons toujours pas à en comprendre les raisons, tant le mélange de sérieux et de détachement dont il ne se dépare pratiquement jamais nous semble totalement coller à l’esprit ZAZ et ne pas être uniquement le reflet d’une personnalité alors plus préoccupée par ses addictions que par ses rôles. De même qu’alors associé aux frères Zucker, Jim Abrahams avait révélé le potentiel comique de Leslie Nielsen, il aura révélé celui de Charlie Sheen . Chacune de ses scènes avec Valeria Golino fait mouche, au delà de la mythique scène de cuisine/barbecue/sexe parodiant 9 Semaines et demi (Adrian Lyne, 1986). C’est aussi l’occasion, que l’on pourra certes juger fourre-tout de parodier d’autres films au cours de petites saynètes (Rocky, Superman, Autant en Emporte le Vent) mais elles sont suffisamment drôles, cohérentes avec l’esprit de la scène qui les introduit pour fonctionner parfaitement.

L’autre grand personnage comique du film, qui revient en fil rouge est formidablement porté par un Lloyd Bridges  lunaire qui joue avec le plus grand sérieux le rôle d’un amiral systématiquement à côté de la plaque, ayant à peu près autant de métal dans le corps que Steve Austin suite aux différentes blessures de guerre qu’il passe son temps à raconter. Jim Abrahams parvient à nous attacher à chacun des membres de cet équipage de bras cassés dont on rit avec bienveillance. On passe de l’un à l’autre sans temps mort, sans avoir l’impression de voir là une série de gags collés les uns aux autres pour faire un film patchwork. Hot Shots 2 ira encore plus loin dans l’absurde, sera peut être plus abouti formellement mais pour le coup n’aura pas cette même cohérence d’ensemble qui fait que lorsqu’on revoit Hot Shots on n’est pas tenté de faire avance rapide pour revenir à telle ou telle scène.  30 ans après sa sortie, avec par ailleurs tout le recul pris sur le genre face à la qualité très aléatoire de ses itérations avant sa quasi disparition actuelle dans le cinéma américain, Hot Shots n’a pas pris une ride et demeure un classique incontournable pour tous les amateurs d’humour absurde et régressif.

Titre Original: HOT SHOTS

Réalisé par: Jim Abrahams

Casting: Charlie Sheen, Lloyd Bridges, Valeria Golino , John Cryer …

Genre: Comédie

Sortie le:  30 octobre 1991

Distribué par: Twentieth Century Fox

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