SYNOPSIS: 1899, la République est au bord de l’explosion, prise en étau entre les ligues nationalistes et antisémites et la menace anarchiste. Le cadavre d’une inconnue retrouvée dans la Seine va propulser un jeune inspecteur ambitieux au cœur d’une enquête criminelle qui révélera un lourd secret d’État. Il va croiser la route de Lépine, de retour à la tête d’une Préfecture vérolée par les luttes de pouvoir, de la première femme avocate et d’une courtisane reconvertie en espionne… Ces personnages que tout oppose vont s’unir pour affronter un coup d’état. La Belle Époque n’a de belle que le nom.
Paris Police 1900 est une nouvelle fresque romanesque et ambitieuse écrite par Fabien Nury, qui débute ce lundi soir sur Canal+ ; la chaîne nous démontre ainsi une nouvelle fois sa rigueur en nous proposant un spectacle qualitatif. Extrêmement touffue, la série qui s’avère bien plus dense qu’une simple fiction policière d’époque, prend ses quartiers en 1899 tandis que le Président Félix Faure vient de décéder de façon pittoresque au cours d’un rapport sexuel. Alors que l’affaire Dreyfus est à son apogée, les différentes ligues créent une instabilité politique dans un climat où antisémites et anarchistes s’écharpent. Dans ce Paris de la Belle Époque, pas si belle que cela d’ailleurs, une femme découpée en morceaux est découverte flottant au sein d’une valise dans la Seine. Débute alors une enquête qui s’avèrera surtout être un prétexte et un point d’entrée afin d’immerger le téléspectateur dans un univers extrêmement documenté et exigeant, offrant de fait une pointilleuse reconstitution historique dénuée de nostalgie, la noirceur et la corruption régnant en maîtres.

Comme nous l’évoquions le meurtre au cœur de l’enquête sonne souvent comme un prétexte, davantage que comme la réelle mécanique de la série très axée sur le pan historico-politique de l’époque. Elle se retrouve d’ailleurs finalement souvent en arrière-plan, engloutie par tout un tas de manigances en tous genres. L’occasion pour la série d’aborder des thèmes extrêmement variés comme l’insécurité, le progrès scientifique (parfois dans des scènes assez crues nous rappelant de bons souvenirs de The Knick), l’antisémitisme, les violences policières mais aussi le développement de la police via un déploiement massif des téléphones dans les services de police ou la volonté d’instaurer une brigade policière à vélos pour redorer leur image. Autant de problématiques qui font directement écho à celles d’aujourd’hui, Fabien Nury ayant clairement eu l’envie de raconter le passé au présent. La condition des femmes, qui ne peuvent être ni policières, ni avocates, fait aussi partie intégrante du show, Paris Police 1900 choisissant pour contrebalancer cette fatalité peu avantageuse de mettre en avant des personnages féminins extrêmement forts et charismatiques, qui se relèvent toujours des pièges et manigances dont elles font les frais. Si la série débute en effet en nous montrant des bourgeoises se réunir dans leur salon afin de se piquer tout en faisant tourner les drogues et les seringues, elles dépassent bien rapidement cette situation plan-plan pour mettre le pied à l’étrier de l’espionnage et du complot. Bien que Paris Police 1900 s’inspire de véritables faits ainsi que de personnes ayant réellement existé, elle le fait librement en romançant largement l’ensemble, y compris pour la fameuse enquête de la valise.

Outre sa reconstitution historique aussi pointue qu’impressionnante, Paris Police 1900 dispose d’un casting d’une qualité incroyable qui va souvent de pair avec des personnages tout aussi forts. Du côté des femmes nous retrouvons Evelyne Brochu (Marguerite Steinheil), Valérie Dashwood (la femme du Préfet Lépine), Eugénie Derouand (Jeanne Chauvin) ou même l’incroyable et déjà bien connue Anne Benoît (en hystérique et cruelle matriarche Guérin). Quant aux hommes ils ne sont pas en reste. Marc Barbé (en Préfet Lépine) est juste phénoménal, charismatique des pieds à la voix il en impose incontestablement, Hubert Delattre est également impressionnant en Jules Guérin, tout comme Christian Hecq de la Comédie Française (Alphonse Bertillon). Notons que nous retrouvons deux têtes déjà rencontrées en 2020 dans des fictions précédemment chroniquées à savoir les excellents Patrick D’Assumcao (Yannick dans la série Cheyenne et Lola), et Noam Morgensztern (Tony Meilhon dans Laëtitia). Cette imposante galerie de personnages (non-exhaustive) rejette toutefois quelques protagonistes nous ayant donné un ressenti plus mitigé, comme l’inspecteur Antoine Jouin (Jérémie Laheurte) qui apparaît le plus clair du temps comme un bras cassé pas si vif que cela qui finit le plus clair du temps sur le carreau après une chute à vélo ou un énième passage à tabac. Le choix d’un casting issu principalement du théâtre et des films indépendants, sans vouloir racoler vers les têtes plus « connues ». Un pari réussi au regard de l’exigence des dialogues concoctés par Fabien Nury.

Le showrunner Fabien Nury a donc sans conteste accompli avec Paris Police 1900 un travail de documentation et d’écriture incroyable (même si l’intrigue de la valise paraît parfois mal imbriquée), lui qui était déjà rodé par ses expériences polyvalentes notamment dans la bande dessinée. La réalisation ne démérite pas, instaurant dès son premier épisode un cadre et une ambiance addictifs. Davantage axée sur la face sombre du Paris de la Belle Époque, que sur l’enquête de la valise en elle-même, la série devrait avoir le droit à une suite puisqu’une saison 2 est en cours d’écriture ; l’action se déroulera cette fois en 1905. En attendant découvrez déjà la première salve composée de 8 épisodes d’une cinquantaine de minutes, à cheval entre un Métronome poisseux et sanglant et une mosaïque politique très efficace.
Crédits: Canal +
Fabien Nury est un scénariste hors-pair qui n’a plus besoin de faire ses preuves, en témoignent les bandes dessinées « Il était une fois en France », « Katanga », le formidable « Tyler Cross » et bien d’autres encore. J’espère que le petit écran ne va pas trop l’accaparer.