SYNOPSIS: 1964 : trois militants d’un comité de défense des droits civiques disparaissent mystérieusement dans l’État du Mississippi. Deux agents du FBI, Ward (Willem Dafoe) et Anderson (Gene Hackman), aux méthodes et aux caractères opposées sont chargés de l’enquête. Très vite leurs investigations dérangent et des violences sur fond de racisme éclatent alors dans cette ville où le Ku Klux Klan fait régner la terreur…
Le réalisateur anglais Alan Parker s’est fait connaitre assez tôt dans sa carrière grâce à son second film Midnight Express réalisé en 1978 qui restera probablement son film le plus emblématique. Scénarisé par le jeune Oliver Stone, ce long-métrage suit un jeune touriste américain pris dans l’enfer du milieu carcéral turc avec la brutalité et l’inhumanité que l’on peut imaginer. Stone reçut l’oscar du meilleur scénario adapté lors de la cérémonie de 1979. Parker manifeste très tôt un désir de faire des films engagés et il poursuivra cette appétence tout au long de sa carrière. Ainsi en 1988, il s’empare d’un fait divers qui défraya la chronique : l’assassinat de trois jeunes membres d’un comité de défense des droits civiques en 1964 dans l’état du Mississippi. Les jeunes militants voulaient pousser les afro-américains à s’inscrire sur les listes électorales afin de faire valoir leurs droits. A l’image de Midnight Express, ce film nécessaire n’est pas une totale réussite comme on aurait pu s’y attendre. En tant que spectateur et face à un tel film, on peut se positionner de deux manières. Soit le fond prend totalement le pas sur la forme et cette terrible histoire peut donc se suffire à elle-même. Soit on essaye difficilement de prendre un peu de recul et déceler les défauts de ce long-métrage qui pénalise le rendu final. Le récit nous emmène donc en 1964 à Jessup City où il ne fait pas bon d’être noir, d’autant que le Ku Klux Klan y est fortement implanté. Ici, c’est chacun chez soi. On voit évidemment d’un mauvais œil l’arrivée du mouvement des droits civiques depuis une bonne dizaine d’années. La question ne se règle que d’une seule manière dans cette ville du Sud : on supprime quiconque revendique haut et fort la fin de la ségrégation raciale. A la suite de l’assassinat de trois membres du mouvement, le FBI envoie deux inspecteurs mener l’enquête. Le premier, Alan Ward, (Willem Dafoe) est un jeune homme calme, novice mais déterminé. Le second, Rupert Anderson (Gene Hackman), est un homme d’âge mur, sudiste et plutôt roublard.
Caster de tels acteurs permet déjà d’assurer la réussite d’un film. Trop peu souvent cité dans les acteurs de légende alors qu’il a mis fin à sa carrière en 2004, il faut ici (re)déclarer toute notre admiration à ce grand acteur qu’est Gene Hackman. Non seulement ses choix de carrière furent, à de rares exceptions près, judicieux mais c’est aussi grâce à lui que ces films sont devenus des classiques intemporels. On pourra ainsi citer French Connection, Superman et Impitoyable. Mississippi Burning ne fait pas exception. Dans ce rôle de flic un peu bourru au grand cœur, Hackman fait à nouveau jouer son physique imposant avec ce visage prêt à dégoupiller à chaque moment. On ne retrouve plus ce genre d’acteur de nos jours. De son côté, Dafoe résiste bien à la déferlante Hackman notamment quand ce dernier élève le ton et devient menaçant. Parker ne capitalise que trop peu souvent sur cet antagonisme et on aurait voulu voir un développement plus profond de leurs ressentis.
Le personnage de Dafoe est ainsi un peu trop sacrifié à nos yeux et on n’y voit pas trop l’axe intéressant à part sa détermination à tout rompre. On aurait voulu connaitre justement son passé pour comprendre son envie de poursuivre cette enquête coûte que coûte. Sous l’impulsion de Ward, des moyens colossaux ont été mis à la disposition du FBI pour résoudre ces meurtres. On peut interpréter cela comme la volonté du gouvernement de Johnson de poursuivre la politique abolitionniste de Kennedy et d’envoyer des messages importants à la population américaine : les crimes racistes ne pourront rester impunis dorénavant. Tout sera mis en œuvre pour retrouver les coupables. D’autant que les coupables de ces infamies sont à chercher du côté des rednecks éduqués à la haine des gens de couleur mais également du côté de la police locale. En effet, Parker ne laisse jamais le doute sur les auteurs de ses atrocités. A l’aide de fausses interviews, Parker nous montre les propos ouvertement racistes des citoyens lambdas de cette région pauvre et hostile. On en revient immédiatement au discours d’Anderson au début du film qui a dû vivre avec le racisme de son père. Contrairement à beaucoup, Rupert a su voir que c’était la pauvreté et l’ignorance de son paternel qui l’avait mené à trouver un bouc émissaire à ses problèmes.
Une des reproches fait au film et qui s’avère malheureusement encore visible aujourd’hui est l’absence de personnages afro-américains marquants. On comprend le martyre de cette population à travers de nombreuses scènes de destruction et de lynchage mais on aurait voulu voir un personnage qui représente cette communauté, le faire intervenir. On a vite l’impression de voir une succession de scènes très démonstratives (les recours aux fausses interviews) où Parker cherche à nous prendre par la main en nous surlignant les atrocités que subissent la population afro-américaine. Ce côté répétitif nuit beaucoup au film même si ce dernier est coutumier du genre. Lorsqu’on repense à des chefs-d’œuvre comme Du Silence et des Ombres ou encore The Intruder, on revoit des films plus complexes qui laissaient aux spectateurs dans un premier temps une vraie réflexion sur le contexte de ce racisme endémique puis dans un second temps une très grande place à l’émotion. Parker perd quasiment sur les deux tableaux. Ici, le spectateur est condamné à voir une enquête entre le FBI et les police raciste du comté. La police est effectivement totalement de mèche avec le Ku Klux Klan et participe aux actions violentes de l’immonde collectif. Interprété par Brad Dourif (dont la filmographie est plus qu’honorable avec Ragtime et Vol au-dessus d’un nid de coucou de Forman et Dune et Blue Velvet de Lynch), le sergent Pell avec ses assistants, est le bras armé du Klan. On est toujours terrorisé par son regard agressif à la limite de la folie. Il est en cela parfaitement secondé par Michael Rooker, Ronald Lee Ermey (le sergent instructeur de Full Metal Jacket) et Stephen Tobolowsky. Mais encore une fois, ces personnages sont trop manichéens et Parker peine à donner une contenance un tant soi peu dramatique à ces individus. Ce sont des salauds et rien ne pourra les sauver. Ce film est à nos yeux une semi-réussite. Il avait toutefois toutes les cartes en main pour devenir autre chose que ce réquisitoire un peu poussif.
DÉTAIL DES SUPPLÉMENTS:
– Une interview d’Alan Parker par Jean-Pierre Lavoignat et Christophe d’Yvoire (9 mn environ)
– Document sur les coulisses du tournage (6 mn environ)
– « En souvenir de Mississippi Burning » Une interview avec Willem Dafoe (9 mn environ)
– « À travers la tempête » Une interview avec Alan Parker (20 mn environ)
– « État de siège » Une interview avec Chris Gerolmo (15 mn environ)
– Bande-annonce originale
Titre original: MISSISSIPPI BURNING
Réalisé par : Alan Parker
Casting : Gene Hackman, Willem Dafoe, Frances McDormand …
Genre: Romance, Comédie dramatique
Sortie le: 17 mars 2020 en Blu-ray & DVD
Distribué par : Arte Editions / L’Atelier d’Images
BIEN
Catégories :Critique Blu-Ray, Critiques Cinéma, Sorties Vidéo