Critique Blu-Ray

AVANTI ! (Critique)

SYNOPSIS: Riche homme d’affaires américain, Wendell Ambruster III débarque sur l’île d’Ischia, en Italie, pour y récupérer la dépouille de son père. Il découvre que celui-ci avait une maîtresse, qu’il retrouvait chaque été depuis dix ans, et dont la fille Pamela loge dans le même hôtel que lui. Wendell souhaite à tout prix éviter le scandale que provoquerait une telle révélation.

Après avoir tourné La vie privée de Sherlock Holmes (1970), Billy Wilder retrouve pour la cinquième fois son acteur fétiche Jack Lemmon (Certains l’aiment chaud, La Garçonnière) et revient tourner en Europe. Avanti se déroule en Italie, et plus spécifiquement sur l’île d’Ischia, près de Naples (bien que le tournage eut lieu dans différents endroits, en plus de l’île). Il a aussi la particularité de durer presque 2h20, fait inhabituel chez Wilder, et qui se ressent ici (on pense qu’il aurait mérité d’être un peu raccourci). Adapté d’une pièce de Samuel A. Taylor produite à Broadway en 1968 par Wilder et son co-scénariste habituel I.A.L. Diamond, on retrouve leur style, leur verve avec des dialogues au cordeau et leur amour du travestissement (la première scène muette en est le parfait exemple). On reconnaît l’humour sarcastique présent dans Un, deux, trois notamment avec la petite voiture que conduit un Italien ou les références à Mussolini, ou via le personnage principal, qui rappelle celui de James Cagney. On est également scié d’entendre déjà un questionnement sur une possible guerre au Moyen-Orient. Mais de façon plus générale, le style est proche du cinéma-champagne de Lubitsch avec ses quiproquos et ses claquements de porte (le film se passe presque entièrement dans un hôtel, en l’espace de trois jours seulement).

Cependant, le long-métrage, qui joue sur les différences et le clash entre les cultures américaine et italienne, est toujours sur le fil concernant les clichés sur l’Italie (qui penche parfois vers La Valse de l’empereur et ses stéréotypes). Il est aussi parfois problématique dans son portrait du personnage féminin obsédé par son poids et sur la question du harcèlement envers les femmes. Il a par conséquent mal vieilli sur certains aspects. D’autre part, on a eu beaucoup de mal avec le personnage principal joué par Jack Lemmon : irascible et autoritaire pendant les trois quarts du film, ce qui participe à la critique du système capitaliste américain voulu par le cinéaste on en convient (l’autre personnage américain du film est tout aussi détestable), son revirement nous apparaît surtout comme trop soudain. Pourtant Jack Lemmon est parfait, son sens du rythme étant toujours aussi incroyable. Mais on trouve les personnages secondaires plus attachants, notamment Pamela Figott (interprété par Juliet Mills) et Carlo Carlucci (Clive Revill). Les trois acteurs sont incroyables et furent d’ailleurs tous nommés aux Golden Globes, Lemmon remportant celui du Meilleur Acteur. Juliet Mills est adorable en jeune femme fragile, qui rappelle beaucoup le personnage interprété par Shirley MacLaine dans La Garçonnière. Elle amène beaucoup de douceur et de mélancolie au film, toujours tout en justesse. Wilder l’avait repéré dans une série et lui offrit le rôle au téléphone, sans même lui faire passer d’audition. On comprend absolument pourquoi. Mais celui qui vole la vedette à tout le monde est Clive Revill qui interprète Carlucci, le directeur de l’hôtel de luxe dans lequel les deux personnages principaux séjournent. L’acteur néo-zélandais campe un personnage plus que compétent et très sympathique, et son timing comique ainsi que son jeu tout en nuance sont une pure joie à regarder.

Tout le pitch du film repose sur : les deux personnages principaux seront-ils gagnés par l’atmosphère italienne et feront-ils comme leurs parents ? Et c’est là que ça marche le mieux pour nous, car le cinéaste arrive à capter l’été indien, l’idée de prendre son temps, de profiter de la vie : par le biais de la nourriture, de la musique, de la mer, du soleil. Le long-métrage est ainsi absolument solaire grâce une très belle photographie, pleine de couleurs mais sans saturation, et certaines scènes sont vraiment magnifiques. Même dans un Wilder moins réussi, il y a toujours de belles idées (le titre qui revient dans les dialogues, les cercueils et bien d’autres choses). Le ton doux-amer voulu par Wilder amène une émotion inattendue. Il voulait cela car il adorait le film Brève rencontre (1945) de David Lean. La grande présence de fleurs, qu’elles soient dans des vases dans l’hôtel ou à l’extérieur amène également ce charme coloré. Les deux personnages principaux sont d’ailleurs associés à certains types de fleurs : Jack Lemmon aux roses (piquantes), et Juliet Mills aux jonquilles (symbole d’attente et de désir dans le langage des fleurs). De plus, le traitement du corps et plus précisément de la nudité (importante dans le film) n’est pas vulgaire et même assez original car le corps féminin et le corps masculin, l’un avec des rondeurs, l’autre avec un peu d’âge, sont à peu près présent à égalité à l’écran (fait rare pour un film américain), et le corps féminin n’est pas trop objectifié, ce qu’on apprécie.

En réalité, Wilder fut lui-même déçu du résultat : pour lui les effets comiques étaient sans doute trop appuyés, et surtout il ne considérait pas le film comme une comédie car il voulait qu’Avanti se rapproche plus de La Garçonnière. On le rejoint sur cette idée et on reste un peu sur notre faim, rêvant au film merveilleux que cet Avanti aurait pu être. Wilder se consolera en retrouvant Lemmon pour son film suivant, Spéciale Première en 1974, et pour son dernier film Buddy, Buddy en 1981. Il reviendra également tourner en Europe pour son avant-dernier film, le chef-d’œuvre méconnu Fedora (1978). Avanti n’est donc pas un film parfait dans l’extraordinaire filmographie du grand Billy, mais il reste un agréable divertissement, avec du charme, mélangeant humour et romance, le tout porté par d’excellents acteurs. Et puis, tout comme dans Chambre avec vue (1985) de James Ivory et Call me by your name (2017) de Luca Guadagnino, l’été italien permet la découverte de soi, de l’insouciance et du désir. On a donc envie de partir en Italie et d’aller visiter l’île d’Ischia et de « vivre la belle vie » ! A voir !

DÉTAIL DES SUPPLÉMENTS :

Avanti Pippo ! (15 mn) : interview du comédien Pippo Franco.
Conversation entre les journalistes Mathieu Macheret et Frédéric Mercier (28 mn) : ce supplément sera disponible sur le Blu-ray uniquement. AVANTI ! dure 144 mn, et il n’était pas possible d’intégrer les deux suppléments au DVD.
Film annonce

Titre Original: AVANTI

Réalisé par: Billy Wilder

Casting : Jack Lemmon, Juliet Mills, Clive Revill…

Genre: Comédie

Sortie le: 27 septembre 1973

Sortie en DVD et Blu-ray le 17 mars 2020

Distribué par: Rimini Editions

TRÈS BIEN

 

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