Critiques Cinéma

BIRDS OF PREY ET LA FANTABULEUSE HISTOIRE DE HARLEY QUINN (Critique)

SYNOPSIS: Vous connaissez l’histoire du flic, de l’oiseau chanteur, de la cinglée et de la princesse mafieuse ?
BIRDS OF PREY (ET LA FANTABULEUSE HISTOIRE D’HARLEY QUINN) est une histoire déjantée racontée par Harley en personne – d’une manière dont elle seule a le secret. Lorsque Roman Sionis, l’ennemi le plus abominable – et le plus narcissique – de Gotham, et son fidèle acolyte Zsasz décident de s’en prendre à une certaine Cass, la ville est passée au peigne fin pour retrouver la trace de la jeune fille. Les parcours de Harley, de la Chasseuse, de Black Canary et de Renee Montoya se télescopent et ce quatuor improbable n’a d’autre choix que de faire équipe pour éliminer Roman…

Le DCEU (Univers Cinématographique DC) est dans une impasse. Et ça, on le sait depuis qu’on a été malgré nous les témoins des crashs Justice League et Suicide Squad, alors pourtant censés lancer l’univers en réponse au succès monstre de l’écurie Marvel. Entre changement de réalisateur, conflits avec le studio et autre charcutage au montage, ces deux malheureux épisodes que la Warner tente désespéramment d’effacer de la mémoire des spectateurs nous restent pourtant terriblement bien en tête, comme symbolisant la fin, le naufrage de l’univers que les dirigeants des studios voulaient mettre en place. Cependant, un nouveau souffle semble pointer le bout de son nez. Une lueur d’espoir brille dans l’obscurité. Cette lueur a un maquillage blanc, des cheveux verts, un sourire rouge sang et des récompenses et nominations de toute part. Le Joker de Todd Phillips a offert une porte de sortie, une possibilité. Adieu l’univers, trop instable et complexe à mettre en place avec les éléments à notre disposition actuellement. DC s’apprête à accueillir des stand-alones, des films en one-shot, parfois dans des univers séparés, mais pas seulement… Il aurait été stupide de la part de la Warner de purement et simplement effacer les précédents films, car certains personnages et intrigues ont intéressé le public. Certaines figures, maltraitées dans le passé, ont réussi à trouver elles-aussi une porte de sortie, et ceci au détriment de l’univers et du Joker de Jared Leto, jeté aux oubliettes aussi vite que son Suicide Squad. Car Suicide Squad marquait alors la première apparition filmique du personnage désormais culte crée par Paul Dini et Bruce Timm dans la série animée Batman de 1992 : le Docteur Harleen Quinzel, renommée symboliquement Harley Quinn après avoir succombé à la folie et aux charmes toxiques de son « puddin' » Monsieur J, le Joker. Dans le film de David Ayer, Harley arpentait les scènes dans des tenues suggestives particulièrement légères, en étant la « chose » du Joker. Cette écriture sacrément problématique d’un personnage féminin a pourtant donné au studio et à Margot Robbie la possibilité de creuser la suite de l’histoire, à savoir : que se passera-t-il quand Harley sortira des griffes du Joker ? Et bien cette histoire existe, et elle sort sur les écrans. Harley n’est plus la proie, elle est l’oiseau de proie, un rapace en quête d’émancipation. Cela nous donne un titre fantasque et extravagant pour un film qui l’est tout autant : Birds Of Prey (et la Fantabuleuse Histoire d’une Harley Quinn), en VO and the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn.

Le film commence après la fin de Suicide Squad. Harley et le Joker rompent, non sans violence de part et d’autre. Ce qu’Harley n’avait pas prévu, c’est que ce couple avec le Clown Prince du Crime lui donnait une immunité parmi les gangsters de Gotham, immunité qui disparaît alors. Elle se retrouve la cible d’un certain Roman Sionis, alias Black Mask, tout comme d’autres personnages qui vont se retrouver face au gangster : Cassandra Cain, une jeune pickpocket, Dinah Lance, une combattante à la voix mortelle, Helena Bertinelli, une tueuse au passé torturé, et Renée Montoya, une flic brillante mais pas respectée de ses pairs (masculins, évidemment). Pour survivre, une seule solution : faire équipe.

A l’heure où le cinéma de blockbuster américain affronte les conséquences post-MeToo, Birds of Prey est terriblement important. Il offre à des personnages maltraités, délaissés et torturés une résurrection, un nouveau départ. Et Harley, telle un Phoenix, renaît de ses cendres pour dresser son propre film, littéralement. Elle en est le moteur, la narratrice, modifiant la narration quand elle le souhaite, et brisant le 4ème mur au maillet façon Deadpool. Contrairement à Wonder Woman et Captain Marvel (pour citer un exemple respectif de chaque studio), Birds Of Prey montre des personnages féminins complets, imparfaits, ni noir, ni blanc. Le propos du film fonctionne car il ne force rien. Il fait dérouler son histoire d’émancipation féminine face à une domination masculine que nos protagonistes font exploser (littéralement), sans tirer sur la corde, évitant ainsi au spectateur l’amère sensation de voir les studios leur crier au visage leur progressisme et leur bien-pensance, annihilant ainsi la moindre once d’honnêteté. Même si, on l’admet, Birds of Prey n’est pas parfait, il a le mérite de proposer en plus d’un propos important un spectacle jouissif, satisfaisant et particulièrement acidulé. Les couleurs et la photo magnifiques soulignés par la mise en scène pétaradante et pleine d’énergie de Cathy Yan font plaisir aux yeux, et marquent le film d’une vraie personnalité et d’une âme singulière (ce qu’on reprochait à Suicide Squad, film monté avec les pieds suintant d’une bouillie verdâtre pas appétissante pour un sou). Et les séquences d’action envoient tout valser grâce à des chorégraphies fulgurantes et jubilatoires, où l’on prend définitivement un pied monstre, accentué par la violence qu’apporte le Rated R (interdit au moins de 17 ans aux US), qui sert une libération quasi cathartique. On regrettera la bataille finale, qui semble bien molle comparée aux scènes d’action précédentes, composant un contraste un peu incompréhensible.

L’humour est bien dosé, disséminé avec parcimonie et précision, donnant une ambiance parfois proche de ce que James Gunn a offert avec ses Gardiens de la Galaxie, car servi par un casting investi et qui semble s’amuser à nous amuser. En tête de liste, Margot Robbie revêt à nouveau le maquillage blanc d’Harley Quinn dans un scénario qui lui permet enfin de développer correctement son personnage fantasque et frappadingue, qui trouve ici une dimension plus touchante, plus intime. Margot Robbie dévoile enfin dans ce rôle sa palette de jeu, se révélant très à l’aise dans cette occurrence particulièrement colorée. La voir en roller dans ses tenues extravagantes qui évitent heureusement la sexualisation à outrance en cassant des jambes et des têtes est particulièrement jubilatoire, et on a déjà hâte de la revoir dans une prochaine aventure (à priori la suite/reboot un peu obscure pour l’instant de Suicide Squad, qui arrive dans les mains de -on en parlait- James Gunn). A ses côtés, elle est soutenue par Mary Elisabeth Winstead incarnant une Huntress badass à souhait et source malgré elle de rires incontrôlés dû à son impassibilité qui se mue à quelques instants en un sourire fugace. On notera également Jurnee Smollett-Bell, la Black Canary du film, tout aussi badass et explosive, Rosie Perez en Renée Montoya désabusée par la domination masculine écrasante au sein du Gotham City Police Department, et Ella Jay Basco en Cassandra Cain, incarnant l’innocence et le désir inconscient d’Harley de se trouver une famille. En face d’elle se trouve le duo Chris Messina/Ewan McGregor en Victor Zsasz (un tueur à gages psychopathe qui se scarifie à chaque meurtre) et Black Mask, incarnant des antagonistes très réussi car très colorés (paradoxal pour un méchant qui s’appelle Black Mask) et portés par des interprètes qui mettent une énergie communicative au service d’un script qui leur offre une place symbolique de choix. Birds Of Prey aurait pu être une grosse plantade. Le genre qu’on a déjà subit de la part de DC, et qui nous laissent un goût amer sur la langue et de désagréables souvenirs. Mais Cathy Yan nous offre un film satisfaisant et honnête, qui donne à des anti-héroïnes de luxe la place qu’elles méritent d’occuper depuis bien longtemps. Le spectacle est convaincant, jubilatoire, explosif et cathartique, soutenu par une photo colorée à souhait et une bande-originale entraînante. En somme, un très bon blockbuster qui assume sa direction artistique et nous envoie dans la tronche un univers pop à la saveur acidulée, nous donnant cruellement et irrémédiablement envie d’y retourner.

Titre Original: BIRDS OF PREY (AND THE FANTABULOUS EMANCIPATION OF ONE HARLEY QUINN)

Réalisé par: Cathy Yan

Casting : Margot Robbie, Mary Elizabeth Winstead, Jurnee Smollett-Bell …

Genre: Action, Aventure

Sortie le: 05 février 2020

Distribué par: Warner Bros. France

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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