SYNOPSIS: Parti pour les croisades, le roi Richard Coeur-de-Lion est fait prisonnier par Leopold d’Autriche qui demande une rançon. Plutôt que de payer, le Prince Jean, frère du roi, s’installe sur le trône d’Angleterre. Robin de Locksley, archer de grande valeur, refuse de reconnaître l’usurpateur et organise dans la forêt la résistance pour sauver son roi.
C’est un peu comme dans la saga Highlander : il ne peut en rester qu’un. Peu importe quels sont les concurrents désireux d’entrer dans la compétition, c’est perdu d’avance : le premier reste toujours le plus fort. N’en déplaise à Kevin Costner, à Russell Crowe ou même au renard de Walt Disney, aucun d’eux n’a jamais su arriver à la cheville d’Errol Flynn. Athlétique et bondissant comme un Belmondo au meilleur de sa forme, charmeur et glamour comme peu d’acteurs hollywoodiens l’étaient à son époque, crédible dans l’action comme dans l’intensité d’un jeu majoritairement intériorisé… Que dire face à cela ? Rien. Question de légende, dira-t-on. La meilleure incarnation de Robin des Bois sur grand écran n’avait pas pour destin d’être celle qui essaierait de se faire plus maline que le mythe, mais celle qui essaierait de lui être le plus fidèle, avec toute les enjeux et la démesure lyrique que cela nécessitait. Et quand on pense que c’était à l’animal James Cagney que le rôle était initialement destiné (lequel aura laissé la place à la star de Capitaine Blood suite à un conflit avec le studio), on se dit carrément qu’on a frisé le miscast fatal. Le casting est déjà l’un des premiers points sur lesquels ce film d’exception a raison de toute critique : Claude Rains en Prince Jean délicieusement infâme, Basil Rathbone (l’inoubliable interprète de Sherlock Holmes !) en cruel homme de main, Melville Cooper en shérif de Nottingham irrésistiblement bouffon, et bien sûr la divine Olivia de Havilland – qui formait à l’époque avec Errol Flynn le couple parfait d’Hollywood – en incarnation rêvée de Lady Marian. Des acteurs qui visent la perfection et l’atteignent sans effort. Et le film aussi, c’est peu de le dire…
Conçu à la base par la Warner comme un simple moyen de redorer son image suite à l’établissement du code Hays en 1934 et à une surcharge de films de gangsters produits par le studio, ce monument insurpassable du cinéma populaire hollywoodien avait surtout pour principale gageure d’imposer le procédé Technicolor au sein d’un gros film de studio différent d’une comédie musicale. Pari techniquement difficile, mais ô combien bénéfique devant la profusion de couleurs et de détails qui confèrent encore aujourd’hui à ce film une indiscutable puissance esthétique. La valse des réalisateurs sélectionnés pour faire le film tombait en tout cas sous le sens. Connu pour avoir réalisé le premier film en Technicolor de la Warner (God’s Country and the Woman) et pour avoir dirigé Errol Flynn dans Le Prince et le Pauvre, William Keighley fut hélas viré au bout de quelques semaines, les rushes des premières scènes tournées n’ayant ni le style ni le panache voulus par le studio. C’est donc entre les mains du réalisateur de Capitaine Blood, le légendaire et inflexible Michael Curtiz, que le projet finit par atterrir. Le goût de Curtiz pour l’énergie du montage et la démesure des moyens techniques fait éclat dans des scènes qui, chacune à leur tour, ont été conçus comme des performances scéniques. Devant une histoire intemporelle qui se veut le récit universel de la justice des révoltés contre l’injustice des tyrans, le mot d’ordre est aussi simple que lucide : une pure force de frappe dans chaque scène, élaborant des cadrages tantôt larges tantôt serrés aussi bien pour les dialogues que pour les séquences d’action (il est impossible de détourner les yeux de l’écran), déployant des jeux de lumières et d’échelles de plan pour structurer les rapports de pouvoir qui prennent place dans les enjeux de l’intrigue (la grande scène du banquet du Prince Jean regorge de preuves éclatantes), le tout avec une musique puissamment lyrique et une direction artistique à tomber à la renverse (photo, décors, costumes : tout est ici irréprochable).
Si peu de blockbusters contemporains peinent encore à arriver à la cheville de ces Aventures de Robin des Bois, c’est aussi dû à un sens du spectacle qui ne s’embarrasse d’aucun bout de gras, qui va droit à l’essentiel sans s’attarder sur des considérations dramaturgiques ou théoriques qui frisent en général l’accessoire. Un film généreux au sens le plus digne du terme, fait pour divertir et susciter une euphorie permanente. Preuve en est que la réaction du public de l’époque fut si inouïe qu’aucune modification ne sera faite (chose assez rare à l’époque), et que, bien des années plus tard, chaque nouvelle ressortie du film aux États-Unis se sera soldée par un immense succès. On peut surtout juger la découverte du film dès le stade de l’enfance comme une preuve de son inoxydable réussite : même en ayant déjà pu savourer les excellentes versions de Walt Disney et de Kevin Reynolds (on préfère oublier la daube de Ridley Scott !), l’éblouissant travail de Michael Curtiz offre tout ce que l’on est en droit d’attendre en matière de respect de la légende et de spectacle démesuré lorsque l’on prononce le mot « Robin des Bois« . Parmi les innombrables moments forts que le film renferme, on défie d’ailleurs quiconque de ne pas gesticuler sur son siège comme un gamin devant le long climax final, enfilade ininterrompue d’affrontements à l’épée et au tir à l’arc au fil d’un montage survolté, attaché au respect de la plus totale lisibilité. Ce qui prend vie sur l’écran est donc un mythe, passé de l’écrit au filmé sans être dénaturé. Un mythe encadré depuis longtemps comme une pierre angulaire du cinéma hollywoodien, taillée à une époque où le terme « spectacle populaire » avait encore un sens.
Titre Original: THE ADVENTURES OF ROBIN HOOD
Réalisé par: Michael Curtiz, William Keighley
Casting : Errol Flynn, Olivia de Havilland, Basil Rathbone …
Genre: Aventure, Romance, Action
Sortie le: 14 mai 1938
Distribué par: Warner Bros. France
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Catégories :Critiques Cinéma