SYNOPSIS: Après un vol dans un laboratoire, les passagers d’un train Genève-Stockholm sont exposés à un virus mortel. Le colonel Mackenzie décide de mettre le train en quarantaine et de le dévier de sa course. Mais le train doit passer un vieux pont : le pont de Cassandra. La question est simple : cet ancien passage va-t-il supporter le poids de ce train ?
Sorti en 1977, l’année de Star Wars, Le Pont de Cassandra est un des derniers avatars à la fois d’un genre populaire et d’une manière de produire des films que la sortie du blockbuster de George Lucas va enterrer : le film catastrophe et les grandes coproductions internationales. Dans la foulée d’Airport les studios hollywoodiens vieillissants semblaient avoir trouver la manne avec ces films construits autour de catastrophes naturelles ou industrielles à l’affiche desquelles se bousculaient des galeries de stars (sur le retour) dont la concentration donnait aux films un cachet « prestigieux ». Pourtant le genre finit par s’essouffler, ses dernières réussites comme La Tour Infernale ou L’Aventure du Poséidon dataient déjà de plusieurs années. Les producteurs européens tentèrent comme ce fut le cas pour le western d’en récupérer la formule pour en tirer les dernières gouttes de revenus. Dans le cas qui nous occupe ici on retrouve deux grands producteurs du continent, alliés de circonstances pour produire un film qui est un peu le bouquet garni du genre : l’italien Carlo Ponti et le britannique Sir Lew Grade. Ponti, dans les années 50 et 60 fut derrière parmi les plus grands classiques du cinéma transalpin et mondial : La strada de Federico Fellini , Mariage à l’italienne de Vittorio De Sica, Blow-Up de Michelangelo Antonioni mais aussi Docteur Jivago ou Le Mépris de Jean-Luc Godard. Mais comme le cinéma italien lui-même la qualité de ses productions dans les années 70 décline et malgré quelques classiques de Scola, il se diversifie dans le cinéma d’exploitation comme les films de Bud Spencer et Terrence Hill et s’embarque donc sur ce train auquel il apporte comme vedette invitée sa plantureuse épouse Sophia Loren. Sir Lew Grade lui a fait sa réputation à la télévision où il produisit la célèbre série Le Saint (1962–69) et The Prisoner (1967–68) la non moins fameuse série de Patrick McGoohan mais aussi les séries à base de marionnettes de Gerry Anderson comme les Thunderbirds. Au cinéma il produira surtout des séries B mais sera un des financiers à l’origine du très beau Dark Crystal de Jim Henson. Les deux hommes rassemblent six millions de dollars, somme utilisée pour recruter quelques anciennes stars en perdition prêtes à s’embarquer sur cette arche de Noé financière et commandent à deux scénaristes dont Tom Mankiewicz (scénariste de Superman et des premiers Bond de Roger Moore) un argument improbable qui mélange épidémie de peste, terrorisme et catastrophe ferroviaire dans un train express pour Stockholm à travers la Pologne. C’est au réalisateur grec George Pan Cosmatos qui avait déjà réalisé un film pour Ponti (Représailles) de faire ses preuves en assumant la lourde logistique de ce type de film dans l’espoir d’en faire la porte d’entrée pour, qui sait, aller vers le cinéma Hollywoodien.
Sophia Loren incarne donc une écrivaine qui, bien qu’elle se soit payé son mari dans son ouvrage, un neurochirurgien renommé incarné par Richard Harris, le poursuit de ses avances dans un train. La légendaire Ava Gardner, joue l’épouse d’un fabricant d’armes, qui monte à bord du train avec son gigolo interprété par Martin Sheen et son basset. Une dernière légende d’Hollywood Burt Lancaster complète l’affiche dans un rôle de militaire américain. Pour faire le nombre, le film assemble un casting hétéroclite : Ann Turkel (épouse de Harris dans la vraie vie) en chanteuse folk hippie, Lee Strasberg (prestigieux professeur de l’Actor’s Studio et Hyman Roth dans le Parrain 2) en vendeur de montres, Lionel Stander (le majordome de la série l’Amour du Risque) endosse celui du conducteur du train, figure classique du film catastrophe une autorité répétant à l’envie qu’il ne faut pas s’affoler même quand la situation est désespérée (que parodiera Leslie Nielsen dans Airplane!), O.J. Simpson avant les meurtres, en agent secret déguisé en prêtre (!!) et John Philip Law en assistant de Lancaster. Alors que ce petit monde s’apprête à monter dans l’Express, des terroristes suédois (même dans les années 70 cette idée était saugrenue) attaquent un laboratoire en Suisse et se retrouvent arrosés d’une substance jaunâtre qui n’est rien de moins qu’un souche agressive de la peste bubonique. Un terroriste meurt couvert de pustules sous les yeux de Burt Lancaster mais son complice monte dans l’express pour Paris, boit dans la gamelle du chien d’Ava Gardner, touche des enfants et finit par cracher dans l’eau de cuisson du riz ! Lancaster, qui le chef du renseignement de l’armée américaine à Genève, sait que si ces passagers sont autorisés à descendre du train, ils infecteront la moitié de l’Europe. De plus, il ne veut pas que le monde sache que les États-Unis expérimentent sur des germes pathogènes. Au lieu d’obliger les autorités suisses à arrêter le train et à mettre tout le monde en quarantaine, il parvient de façon inexpliquée à faire sceller le train et à l’envoyer en Pologne. (Questions: pourquoi ne veut-il pas le dire aux autorités suisses? Pourquoi est-ce moins embarrassant de le dire aux autorités polonaises? Et comment un colonel du renseignement de l’armée parvient-il à ré-acheminer un train sans faire appel aux services des chemins de fer nationaux?) La Pologne est donc prête à les accueillir dans un centre de quarantaine de l’autre coté d’un pont que même les Polonais n’ont plus utilisés depuis 1948, alors qu’à bord du train, ce plan ne convient pas à un patient, un survivant d’un camp de concentration, et Harris qui commence en effet à penser qu’il serait dans leur intérêt d’arrêter le train. Pour ce faire, cependant, il doit coordonner une rébellion armée des passagers contre les gardes de sécurité armés qui ont été placés à bord du train par Lancaster.
Ce casting hétéroclite d’ex-vedettes semble jouer directement pour la caméra et uniquement pour eux-mêmes, sans trahir la moindre trace d’adhésion au scénario rocambolesque. Ainsi Burt Lancaster incarne son rôle comme si il était pris d’une violente rage de dents, sa mâchoire si serrée qu’elle en parait enflée. Ingrid Thulin et Lee Strasberg sont corrects dans des rôles peu écrits là où la grande Ava Gardner se met au diapason de l’écriture. Sophia Loren est totalement miscast en écrivaine excentrique qui poursuit son mari divorcé. Néanmoins la photographie signée Ennio Guarnieri est excellente, la musique de Jerry Goldsmith angoissante, l’action rapide avec des hélicoptères, des fusillades, des explosions, des chansons, des sacrifices héroïques et les ingrédients hétéroclites qui en composent l’intrigue en font un spectacle gonzo où l’on ne s’ennuie pas. La mise en scène de George Pan Cosmatos est énergique, les décors et maquettes sont mis en valeur avec délectation, et il y a quelques dialogues amusants (sans doute la patte de Tom Manciewicz). On pourrait voir dans Le Pont de Cassandra une curieuse allégorie de l’expérience européenne après la Seconde Guerre mondiale et de la présence américaine continue en Europe. L’action collective des passagers (sensés venir des quatre coins du continent mais incarnés par des acteurs américains), est donc symboliquement celle de la communauté européenne pour revendiquer leur droit à l’autonomie, un droit qui leur a été nié par la présence américaine. C’est certes tiré par les cheveux mais le film ne sera pas le succès commercial espéré justement car il ne parvint pas à s’assurer une distribution sur le territoire américain. Sir Lew Grade collaborera une nouvelle fois avec Pan Cosmatos pour le très sympathique film Men on a Mission, Bons baisers d’Athènes qui servira avec sans doute Le Pont de Cassandra comme carte de visite au réalisateur pour décrocher la réalisation du film qui immortalisera son nom : Rambo II et Cobra qui, quelque part a un peu de l’énergie gonzo de son film catastrophe
Titre Original: CASSANDRA CROSSING
Réalisé par: George Pan Cosmatos
Casting : Burt Lancaster, Sophia Loren, Richard Harris …
Genre: Thriller, Policier
Sortie le : 16 octobre 1974
Sortie en Combo DVD/Blu-Ray : 29 octobre 2019
Distribué par: Eléphant Films
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