Critiques Cinéma

THE BEACH BUM (Critique)

the beach bum affiche cliff and co

SYNOPSIS: Garçon à l’esprit rebelle, Moondog n’obéit à aucune règle, sinon les siennes ! Alors qu’il pensait s’être constitué un petit trésor de guerre, son butin se volatilise. Mais Moondog est de la trempe des survivants et il renaîtra une nouvelle fois de ses cendres…

Voilà plus d’un an qu’une petite bande d’irréductibles fans d’Harmony Korine attend avec espoir son sixième film, fantasme (ou grince un peu des dents) devant les photos de tournage mettant en scène un Matthew McConaughey blond platine en peignoir rose ou chemise hawaïenne, découvre le clip Moonfog de Jimmy Buffet truffé d’images barrées, pense voir le bout du tunnel lorsqu’une sortie française en salles est finalement programmée à l’été 2019. Du teasing, du teasing. Et puis, pfiout, rien. Silence radio. Annulé. Et, au fond, on ne sait même pas vraiment pourquoi. Peut-être que le skateur terrible du cinéma indé américain est cette fois-ci allé trop loin (ah, mais ce n’était pas déjà fait ?). Que The Beach Bum est trop radical et trop imprégné de l’odeur de weed. Qu’on s’était déjà fait avoir la dernière fois, avec Spring Breakers, quand il a attiré les teenagers dans les salles à base de Vanessa Hudgens et Selena Gomez pour mieux les faire fuir. Allez, sérieusement, est-ce qu’un McConaughey en string à paillettes n’avait pas sa place à côté de Spider-Man et DiCaprio cet été ? Éléments de réponse (car oui, on a finalement réussi à toucher le Koko-Graal). Comme appris en philo il y a un certain temps, il faut toujours commencer par son antithèse pour ensuite exposer sa thèse. Autrement dit, dans le cas qui nous intéresse, démonter The Beach Bum pour mieux faire ressortir toute sa valeur. Car, oui, on vous l’assure, on peut lui trouver de la valeur. Mais tout d’abord, avant de monter sur nos grands chevaux rebelles, essayons de faire preuve d’objectivité. Bien qu’admirative du cinéma d’Harmony Korine depuis ses débuts, alors qu’il prêtait sa plume à Larry Clark du haut de ses 19 ans pour Kids, bien que totalement conquise depuis la découverte de son chef-d’œuvre white trash Gummo (pour rassurer maman : pas vu à la sortie mais beaucoup plus tard), bien que groupie devant le clip réalisé pour Sonic Youth avec Macaulay Culkin, il faut l’admettre : The Beach Bum n’est pas le plus bel ovni qu’il ait fait voler dans sa carrière de scénariste/réalisateur/acteur/écrivain/poète/artiste (ouais, agaçant le mec).

Suivant le vagabondage du poète Moondog (Matthew McConaughey), dont le seul objectif est de kiffer la life sans penser au lendemain, The Beach Bum a oublié de passer par la case « scénario ». On pourrait même pousser le bouchon un peu trop loin (Maurice) en disant que le film ressemble à une grande colonie de vacances sous acide où tous les acteurs sont en roue libre (McConaughey, Zac Efron et Jonah Hill en tête) et où Korine n’a plus rien à raconter à part des histoire de fumettes sous le soleil de Miami. Les quelques premières minutes du film, durant lesquelles un Moondog défoncé trouve un chaton et entame une longue conversation avec lui, peuvent avoir raison de la raison de nombreux spectateurs. Pourtant, même si The Beach Bum est dépourvu d’intrigue et qu’il rassemble beaucoup d’ingrédients pour faire aller ce trip cinématographique directement dans le mur, il dissimule, si on persévère, une sorte de magie dans le bling-bling dont seul (ou presque) Harmony Korine est capable. Au beau milieu des couleurs criardes, des chaînes en or qui brillent, des yachts XXL, des strings XXS, des plants de beuh irréels… il y a des envolées éblouissantes de poésie. Pour n’en citer qu’une : la scène nocturne où Moondog s’échappe avec sa femme (Isla Fisher) sur Is That All There Is? de Peggy Lee. Depuis le début, c’est la marque de fabrique de Korine : il crée de la grâce dans la vulgarité. Comment oublier, pour ceux qui l’ont vu, le moment où James Franco chante du Britney Spears au bord d’une piscine dans Spring Breakers ? Vous pensez être dans un film au comble de la beaufitude, mais Korine parvient à vous cueillir avec des séquences qui imprègnent la rétine durablement. Si Harmony Korine arrive à ce résultat, c’est aussi grâce à un travail de haute volée sur le visuel, à l’aide non négligeable de Benoît Debie (son directeur de la photo depuis Spring Breakers), et à une bande-son iconoclaste qui sait toujours arriver au juste moment (de Jimmy Buffett à The Cure, en passant par Snoop Doggy Dogg et Peggy Lee). The Beach Bum est avant tout une expérience visuelle et sensorielle dans laquelle il est bon de plonger et de se laisser bercer. Plus léger que les films précédents de Korine, il opère comme une ode hallucinée (au sens propre et figuré) à l’hédonisme. Certains y verront de la paresse (dont aurait d’ailleurs pu souffrir l’équipe du film). On préfère y voir un trip libre, joyeux et audacieux dont il est bien triste de devoir se priver face à la gravité ambiante qui règne dans nos salles obscures, et au-delà. Si on allait jusqu’au bout (on aime bien encore pousser le bouchon), on dirait même que fut un temps, Moondog aurait sûrement beaucoup plu à la Beat Generation. Il suffit ensuite d’associer le personnage à Harmony Korine lui-même (le poète maudit, toussa) et on en arrive à la conclusion rapide qu’il se serait bien entendu avec Kerouac, Ginsberg et Burroughs… si seulement ces trois-là avaient fait du skate dans les années 1990 au Washington Square Park.

Pour finir, on peut se demander si, avec The Beach Bum, Harmony Korine ne se moque quand même pas de nous. Probablement un peu. On peut se demander si on conseillerait vraiment cet objet bizarre à n’importe qui. Absolument pas, seulement à quelques copains dont on est certain de l’amitié. On peut, enfin, se demander si on va citer du Kerouac pour conclure. Tout à fait, il faut bien se la raconter un peu : « Les seuls gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ». En somme, du Moondog/Korine tout craché. Alors, pourquoi rester si sérieux… alors qu’il est si doux de chiller un peu avec eux ?

 

the beach bum affiche cliff and co

Titre Original: THE BEACH BUM

Réalisé par: Harmony Korine

Casting :  Matthew McConaughey, Isla Fisher, Snoop Dogg…

Genre: Comédie

Sortie le: –

Distribué par: –

3,5 STARS TRES BIENTRÈS BIEN

1 réponse »

  1. (evilash) Kids et Gummo ont été des chocs cinématographiques, pour ma part. Donc, pour celui ci, si en plus on a la photo de Debie, je suis preneur à 110 %.

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