Critiques Cinéma

THE IRISHMAN (Critique)

SYNOPSIS: Cette saga sur le crime organisé dans l’Amérique de l’après-guerre est racontée du point de vue de Frank Sheeran, un ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale devenu escroc et tueur à gages ayant travaillé aux côtés de quelques-unes des plus grandes figures du 20e siècle. Couvrant plusieurs décennies, le film relate l’un des mystères insondables de l’histoire des États-Unis : la disparition du légendaire dirigeant syndicaliste Jimmy Hoffa. Il offre également une plongée monumentale dans les arcanes de la mafia en révélant ses rouages, ses luttes internes et ses liens avec le monde politique. 

Dire qu’on attendait The Irishman avec impatience relève de l’euphémisme. Voir tout un pan de l’histoire de cinéma à l’écran pour un dernier tour de piste est bien évidemment un plaisir immense offert par la plateforme Netflix, Scorsese ayant eu du mal à financer son œuvre par des studios classiques. Il faut remonter à 1995 avec Casino pour retrouver dans la filmographie du maître une telle fresque sur la mafia. Il retrouve pour cela son mythique duo De Niro-Pesci déjà vu dans Les Affranchis avec le petit nouveau Al Pacino pour compléter ce casting. Le réalisateur choisit une figure de la pègre des années 60-70, Frank Sheeran, personnage qui accompagna des gros bonnets durant toute sa carrière dont le plus connu fut Jimmy Hoffa, patron du syndicat des routiers.

the irishman 1 cliff and co
Cette oeuvre est bien le film testament d’un homme de 77 ans qui retourne vers ce genre qu’il affectionne tant pour raconter son Amérique, son Little Italy, son histoire. On retrouve donc cet univers scorsesien avec ces personnages bavards, violents, terrifiants et vulgaires. Le metteur en scène a soigné sa reconstitution entre cette musique jazzy entêtante, les costumes élégants et ces berlines typiques de l’american way of life. Comme à son habitude, Scorsese nous immerge avec élégance et ce, dès les premières minutes dans ce monde qui n’aura de cesse à la fois de nous fasciner et de nous rebuter. A l’image d’un Sam Casino Rothstein ou d’un Henry Affranchis Hill, Sheeran n’est qu’un pion dans la hiérarchie de la pègre. On dirait Monsieur tout le monde qui a choisi cette vie par hasard plutôt qu’une autre. C’est grâce à sa rencontre fortuite avec Russel Bufalino (Joe Pesci) et grâce à sa fidélité à toute épreuve envers ses boss qu’il va gravir les échelons sans jamais parvenir au sommet. Sheeran représente en quelque sorte ce working class hero discret qui s’est fait par lui-même mais qui a choisi la mauvaise voie. Il souhaite faire son job le mieux possible en obéissant à ses patrons.


Cette mauvaise voie est sans doute celle qu’a finalement choisi les États-Unis durant cette période. Le film est jonché d’images télévisuelles de l’époque où on sent le pays s’enfoncer petit à petit vers l’abîme. On apprend ainsi que le pays fut gangréné par la mafia au plus haut niveau : de la manipulation de l’élection de Kennedy à l’épisode de la baie des cochons, chaque événement politique est relié de plus ou moins loin à la pègre. On sent cette jeune nation éprise de pouvoir et de puissance prête à tout quitte à mettre toute moralité sous le tapis. Ainsi le personnage de Jimmy Hoffa (Al Pacino) incarne tous les travers de l’Amérique : arrogant, avide de pouvoir et d’argent et méprisant. Insulte suprême, c’est grâce à l’argent du syndicat donc des travailleurs, qu’Hoffa emmagasinera une véritable fortune. Ce qui fascine chez ces personnages est l’absolue conviction d’être encore du bon côté de la barrière. Scorsese a toujours réussi à façonner des personnages clivants mais qu’on a quand même envie de suivre, de se confronter à eux, de comprendre leur logique malgré ce qu’ils représentent. Et il vaut mieux car le spectateur ne pourra se reposer sur aucun d’entre eux.


Le film navigue entre trois époques et pour ce faire, le réalisateur a eu recours au rajeunissement numérique qui, bien qu’imparfait, soyons réalistes, ne constitue pas une faiblesse comme on aurait pu le craindre. On reconnait bien les expressions du visage de De Niro et de Pesci. Lorsque ces acteurs ne sont pas numérisés, on retrouve cette complicité qu’on avait pas connu depuis 25 ans. Pour une fois, ce n’est pas Pesci qui fera office de grande gueule tout au long du film mais bien Pacino. En mode Tony Montana, l’acteur dégaine des insanités à longueur de répliques, en vilipendant ses collègues, n’hésitant pas à en venir aux mains. Ces confrontations avec Tony Pro sont en effet un régal de tensions et de dialogues où on retrouve cette fureur dans le regard et le phrasé de cet immense acteur. De Niro joue tout en sobriété dans ce rôle de seconde main, de petite frappe qui aura côtoyé les plus grands tout en effectuant le sale boulot.


C’est véritablement dans la dernière partie que Scorsese se livre comme rarement en affrontant le thème de la mort et de l’empreinte qu’il laissera. Il traite de la déchéance physique et mentale de manière assez frontale. Après avoir vu tous ses personnages dans leurs plus beaux apparats déambulés dans les plus belles fêtes et les plus beaux restaurants, on les retrouve dans un état léthargique en chaise roulante, amorphes. On éprouverait limite de la compassion pour ces vieilles personnes si on ne connaissait pas leurs histoires. S’amusant également de son image, le réalisateur angoisse probablement de disparaitre de la culture populaire tout en s’y préparant. Enfin, durant ces vingt dernières minutes, Scorsese nous livre une vraie parenthèse et permet au spectateur de rester en tête à tête avec le maître en nous laissant pénétrer son intimité de personne qui attend sereinement la mort. Le clin d’œil à la religion si chère au réalisateur ( il aurait voulu être prêtre dans sa jeunesse) ne fait planer aucun doute sur le personnage qu’incarne De Niro. Mais comme le dit si bien Sheeran/Scorsese dans une dernière réplique : « ne fermez pas complètement la porte ». Marty a encore des choses à nous dire.

Titre Original: THE IRISHMAN

Réalisé par: Martin Scorsese

Casting : Robert De Niro, Al Pacino, Joe Pesci …

Genre: Thriller, Biopic

Sortie le : 27 novembre 2019

Distribué par: Netflix France

5 STARS CHEF D'OEUVRECHEF-D’ŒUVRE

 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s