Critiques Cinéma

Catch 22 (Critique)

4,5 STARS TOP NIVEAU

SYNOPSIS: Yossarian est bombardier pendant la Seconde Guerre mondiale. Il essaie désespérément de se faire passer pour un fou pour rester au sol. Pendant ce temps, la mort poursuit son travail sur les terrains de bataille.

Du genre du film de guerre, on retient plus volontiers ses films les plus spectaculaires ou ceux s’approchant au plus près de la vérité historique, jusque dans des reconstitutions mémorables qui ont traversées les décennies. Pourtant, de même que la comédie a démontré sa capacité à se saisir des questions sociales et les traiter avec une aussi grande acuité que les drames les plus bouleversants, la comédie/satire a produit trois des plus grands films du genre dont deux sortis la même année, en 1970, dans le contexte politique et social particulièrement sensible de la guerre du Vietnam. Mash et Catch 22 ont pour point commun d’être mis en scène par des réalisateurs révélés à travers des films qui ont su durablement capturer le zeitgeist de leur époque (Short Cuts pour Robert Altman, Le Lauréat pour Mike Nichols). De fait, derrière la satire et les gags, Catch 22 est à la seconde guerre mondiale ce que Mash était à la guerre de Corée: un film de guerre qui en saisit avec une acuité encore plus grande l’absurdité, les injustices et dresse un portrait au vitriol de l’armée américaine et de ses généraux, prenant pour cadre la vie d’une base militaire installée en Italie , à travers les états d’âme et déboires d’un bombardier qui se heurte de façon kafkaïenne à l’impossibilité de quitter cette guerre, le capitaine Yossarian (Alan Arkin).

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Après le Lauréat, la cote de Mike Nichols était au plus haut et il avait alors pratiquement carte blanche pour le choix du sujet de son prochain film. Cela rend d’autant plus remarquable le fait qu’il se soit lancé dans le défi annoncé impossible d’adapter le roman de Joseph Heller, paru en 1961 et devenu culte depuis chez les opposants à la guerre du Vietnam. Que ce soit de par sa structure narrative ou son ton, l’adaptation d’une telle œuvre était de ces paris face auxquels nombre de réalisateurs renoncent ou font des compromis qui aboutissent à des films dans lesquels ils perdent en chemin une immense partie de ce qui constitue l’ADN de leur cinéma. Il y avait dans le  choix de Nichols un clair parti pris politique, une volonté de se faire le relais du sentiment qui monte alors dans la société américaine, le patriotisme ne constituant plus ce mur étanche qui ne laissait passer aucune remise en question de la légitimité des interventions de l’armée. Le citoyen Nichols n’a heureusement pas éclipsé l’immense cinéaste qui a fait de ce récit une sorte de cauchemar éveillé à la narration circulaire, multipliant les allers-retours temporels, certes au point de nous perdre parfois. Le spectateur n’est en effet jamais tenu par la main et simplement invité à lâcher prise pour percevoir toute la profondeur dramatique du récit aussi absurde que tragique de ce bombardier, pris au piège de la bureaucratie militaire.

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Derrière la satire, la multiplication de ce qui s’apparente parfois à des saynètes, Catch 22 brasse des thématiques très lourdes et  rarement traitées par des films sur la seconde guerre mondiale, conflit ou l’ennemi qu’il soit japonais ou allemand est si clairement identifié, ses intentions si peu discutées, que le point de vue sur l’armée américaine ne laissait guère de place aux nuances. Il est question de suicide, de cynisme, d’avidité, de lâcheté, de compromission avec l’ennemi, de crimes de guerre impunis, de désertion. Les différents et très nombreux personnages de cette base militaire forment un microcosme dans lequel sont représentés les différents aspects de cette guerre contre un ennemi que l’on ne voit jamais et qui promet, pour ces soldats, de ne jamais se terminer quand le colonel Cathcart (Martin Balsam) augmente sans cesse le nombre de missions que chaque pilote doit accomplir avant de pouvoir quitter la base. Qu’il s’agisse du cynisme de ce colonel, de la couardise du Major Major (Bob Newhart) mise à jour dans une scène extrêmement drôle et formidablement servie par l’idée de mise en scène de Nichols , de l’avidité sans limites de Milo (Jon Voight) qui ne voit dans cette guerre qu’une succession d’opportunités commerciales pour faire grandir la corporation qu’il a créé, du comportement du médecin face à la famille d’un soldat tué en mission, les curseurs sont poussés à fond, jusqu’à l’absurde (on pense notamment à l’incroyable scène du bombardement de la base), sans toutefois tomber dans la farce, le ton du film étant parfaitement équilibré par ses scènes dramatiques.

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Si Catch 22 est un exercice réussi de haute voltige entre l’humour le plus absurde, le drame et le réquisitoire le plus pertinent qui soit contre l’armée américaine, c’est aussi un sommet de mise en scène. Sans être ostentatoire, les acteurs et le propos du film étant toujours au centre des scènes, le travail de Nichols  et de son directeur de la photographie David Watkin (Les Diables, Les Chariots de Feu, Out of Africa…) sur l’utilisation du scope, ses plans séquences d’une extrême complexité intégrant au second plan l’activité aérienne incessante de la base, sont un pur régal qui s’apprécie mieux lors des visions successives du film. Nichols a fait le choix clair de ne pas surligner l’émotion en n’utilisant aucune musique au support de ses scènes, en ne cherchant pas à créer l’empathie avec ses personnages, quitte à ce que le récit puisse être aride, très loin du ton de Mash dont Catch 22 ne parviendra pas à sortir de l’ombre écrasante au moment de sa sortie. Ayant construit son début de carrière sur des films reposant sur l’étude de caractère de ses personnages (Qui a peur de Virginia Woolf ? Le Lauréat), sur des rapports de force/séduction clairs entre eux donnant le ton de ses scènes, le choix d’adapter Catch 22 pouvait déjà paraître aventureux, il a donc poussé « l’expérience » jusqu’au bout (trop loin peut être comme il le concédera plus tard) en terme de mise en scène, profitant aussi du confortable budget dont il disposait alors. De ce point de vue, Catch 22 est le témoin d’un temps révolu à Hollywood, tant il paraît inimaginable de voir de tels moyens alloués à un film qui drague aussi peu son audience et fait entièrement confiance à sa capacité à comprendre son propos.

Titre Original: CATCH 22

Réalisé par: Mike Nichols

Casting : Alan Arkin, Martin Balsam, Art Garfunkel,

Anthony Perkins, Martin Sheen, Orson Welles…

Genre: Guerre, Comédie, Drame

Sortie le: 18 novembre 1970

Distribué par : _

4,5 STARS TOP NIVEAU

TOP NIVEAU

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