SYNOPSIS: Le film se passe dans une ile lointaine et mystérieuse de Nouvelle Angleterre à la fin du XIXe siècle, et met en scène une « histoire hypnotique et hallucinatoire » de deux gardiens de phare.
Parmi les réalisateurs qui se sont révélés dans le genre du cinéma d’horreur, lequel reste un formidable terrain d’expression et de liberté quoi que l’on puisse dire par ailleurs de son évolution qui suit celle, générale, d’un cinéma « fast food » sans âme et sans saveurs, Robert Eggers est sans doute celui dont le geste cinématographique a été le plus radical. Prolongement de son travail au théâtre, comme metteur en scène et directeur artistique, fruit de quatre années d’un travail de recherche quasi obsessionnel afin d’offrir au spectateur une plongée réaliste et oppressante dans les mythes et croyances de la nouvelle Angleterre du 17eme siècle, The Witch était un film si abouti et fascinant qu’il était assez vertigineux de se dire qu’il s’agissait là d’un premier film et d’essayer de se projeter sur la suite de la carrière d’un réalisateur aussi profondément habité par ses influences, son sujet et son approche hyper formaliste de la mise en scène. Le tour de force de The Witch, était de parvenir à la fois à s’appuyer sur une mythologie existante, sur ses influences (The Shining, Cris et Chuchotements ou encore La Sorcellerie à Travers les Ages de Benjamin Christensen), de reprendre un langage cinématographique connu mais aussi un langage propre à l’époque dans laquelle s’inscrit son récit, pour créer sa propre mythologie et son propre langage. La forme et le fond se répondaient ainsi parfaitement. Si la démarche d’Eggers pour The Lighthouse est la même (reprendre la langue de l’époque, les codes formels des films dont il s’inspire), son ambition sans doute encore plus grande, le résultat est cette fois-ci beaucoup plus contrasté.
Naviguant quelque part entre les premiers films de Carl Theodor Dryer et Curtis Harrington (le méconnu Night Tide sur la rencontre entre un marin et une sirène), The Lighthouse épouse une forme et une mythologie connues, avec un sens du détail à nouveau quasi obsessionnel, allant jusqu’à tourner en 35mm, en format 4/3 et à utiliser un filtre spécial pour reproduire le noir et blanc très contrasté des premiers films orthochromatiques. Ce travail sur la forme est à nouveau au service de l’immersion dans le récit, avec un souci, qu’il faut saluer, de réalisme quant à l’époque et au lieu (un phare de la Nouvelle Écosse du début du 20ème siècle) dans lesquel il s’inscrit. Hélas, trois fois hélas, cette forme qui, dans les premières minutes, nous fascine et nous donne envie d’aimer le film sans réserve, de se laisser happer par ce récit qui promettait d’embrasser une mythologie fascinante, perd de son attrait et même de son sens, à mesure que s’égrènent les minutes d’une histoire qui reste clouée au sol, finissant même par se révéler étriquée et convenue quand on aurait souhaité la voir s’ouvrir et nous faire perdre nos repères. A l’instar de ses deux personnages qui se laissent enivrer, jusqu’à se perdre, par l’atmosphère si particulière de ce lieu coupé du monde et par l’alcool qui coule à flots pour supporter ces conditions si difficiles, Robert Eggers paraît s’être laissé enivrer par cet écrin, grisé par les performances de ses deux grands acteurs (le mot est choisi à dessein quand il y a chez Robert Pattinson comme chez Willem Dafoe une forme de passage en force, de surjeu vain et usant, même si nous comprenons qu’il puisse être ressenti différemment) et avoir oublié au final de raconter une histoire.
Il ne peut y avoir de réel lâcher prise lorsqu’un metteur en scène s’enferme ainsi dans ce qui ressemble plus à une installation artistique qu’à un film auquel on peut se connecter, avec un cœur et un propos qui résonnent en nous. Il y a notamment un problème de ton lié à la nature de ses personnages, à leur relation plus ou moins chaotique, qui fait trop souvent pencher le film vers la comédie absurde l’éloignant du huis clos psychologique teinté de fantastique qui est lui plus convaincant. The Lighthouse est un enchantement pour les yeux mais une trop maigre nourriture pour l’esprit, de sorte que l’on passe plus de temps à fantasmer sur ce qu’il aurait pu être plutôt qu’à être séduit par sa proposition. Le film tourne ainsi un peu à l’exercice de style, à la fois pour son metteur en scène obnubilé par la forme plus que par le fond et pour ses acteurs qui trouvent là un terrain de jeu dans lequel ils s’amusent visiblement mais dont on reste globalement spectateur.
Dans la mesure où leur relation est absolument centrale dans le film, le fait qu’elle manque d’enjeux, qu’elle soit plutôt caricaturale, n’aide pas à se laisser porter par de vrais et grands moments de pure mise en scène, capables de créer des images extrêmement fortes et marquantes qui élèvent enfin le film avant qu’il ne retombe trop vite. The Lighthouse se heurte aussi à une difficulté habituelle pour les récits suivant des personnages qui sombrent peu à peu dans la folie ou la paranoïa, celle d’arriver à la rendre palpable et contagieuse. Certes ce format 4/3, ce grain d’image et le travail sur le son participent pleinement à nous projeter sur ces rochers, dans ce phare, mais le ton trop lâche du film, le choix d’une direction d’acteurs peut être trop théâtrale (on sent les heures de répétition, on voit le travail plus qu’on ne ressent son résultat), nous aura tenu à l’écart, sans pouvoir ressentir viscéralement les enjeux d’un récit que l’on aura survolé comme on tourne les pages d’un vieux livre illustré par de magnifiques gravures.
Titre Original: THE LIGHTHOUSE
Réalisé par: Robert Eggers
Casting : Robert Pattinson, Willem Dafoe
Genre: Thriller, Epouvante-Horreur
Sortie le: Prochainement
Distribué par: –
MOYEN
Catégories :Critiques Cinéma