Critiques Cinéma

SORRY WE MISSED YOU (Critique)

sorry we missed you affiche cliff and co

SYNOPSIS: Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Leur famille est soudée et les parents travaillent dur. Alors qu’Abby travaille avec dévouement pour des personnes âgées à domicile, Ricky enchaîne les jobs mal payés ; ils réalisent que jamais ils ne pourront devenir indépendants ni propriétaires de leur maison. C’est maintenant ou jamais ! Une réelle opportunité semble leur être offerte par la révolution numérique : Abby vend alors sa voiture pour que Ricky puisse acheter une camionnette afin de devenir chauffeur-livreur à son compte. Mais les dérives de ce nouveau monde moderne auront des répercussions majeures sur toute la famille…

Vrai fidèle du Festival de Cannes, Ken Loach revient cette année en Compétition, trois ans après avoir gagné sa deuxième Palme d’or avec Moi, Daniel Blake. Au programme, un drame social traitant de l’ubérisation du monde du travail comme on dit chez nous, soit la précarisation que ces nouveaux types d’emploi entraînent malgré la sensation le liberté en étant soi-disant son propre patron. Loach prend comme point de départ une famille anglaise, croulant sous les dettes depuis la perte de l’emploi du père. Malgré un fils qui fait l’école buissonnière et des disputes courantes, une relative harmonie règne au sein du cercle familial. Le réalisateur de Kes dépeint des personnages plein d’humanité, entre un père travailleur faisant le maximum pour sa famille, une mère aimante au métier difficile, un fils provocateur mais au bon fond et une jeune fille mature faisant quasiment office de troisième parent. Pendant un temps, ces beaux et simples portraits permettent au film d’éviter tout misérabilisme, sans pour autant perdre son sujet de montrer un travail plus qu’épuisant. Le procédé de mise en scène est d’ailleurs simple mais efficace : faire un montage alterné des journées de travail des deux parents, l’un enchaînant les dépôts de colis sans aucune pause (« don’t think and drive », est indiqué dans le garage de l’entreprise), l’autre enchaînant sur un rythme plus lent mais pas moins épuisant les aides à domicile. La mise en scène est sèche, sans emphase, se suffisant à elle-même. Ces journées, entrecoupées de moments familiaux tantôt conflictuels tantôt harmonieux, défilent et se ressemblent, et pourtant le film se suit avec admiration et sans ennui.

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Mais Ken Loach ne souhaite visiblement pas s’en tenir à ce portrait humble, puisqu’à partir de la moitié du film les problèmes familiaux prennent une ampleur considérable et une tournure beaucoup plus dramatique par l’intermédiaire du fils. Alors on se dit que le film rate son coche : le mode de travail n’est plus la source du délitement de cette famille mais simplement un obstacle à la résolution des conflits. Heureusement, le personnage du fils reste suffisamment subtil pour que le spectateur continue de ressentir de l’empathie pour lui, et on voit bien où Loach veut en venir quand le père frappe son fils une bière à la main. Mais il est difficile d’y voir après coup autre chose qu’un artifice quand vers la fin du film, le conflit se résout un peu trop facilement. C’est que le réalisateur ne s’arrête pas là et continue jusqu’au bout les malheurs, les cris et les pleurs dont le point culminant est la dernière scène d’un désespoir absolu. On pourra détester ce point de vue final comme le trouver sans concessions. Il n’empêche que ce que le film gagne en puissance dramatique quasi-complaisante, il le perd à terme dans ce que le spectateur pourrait ressentir pour les personnages, comme déconnecté de la réalité du film. La force et la pertinence d’une critique peut-elle se passer d’une dramatisation à l’extrême, de sentiments exacerbés ? Ken Loach semble penser que non.

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Alors, Sorry we missed you, film misérabiliste ? La réponse n’est finalement pas si simple. En effet, le principe même du travail en tant qu’auto-entrepreneur au service d’une « franchise » comme dans le film est de donner une impression de liberté, d’absence de contraintes patronales. Or, non seulement Sorry we missed you passe son temps à montrer les nombreuses contraintes sous-jacentes imposées aux employés, mais il montre également les contrecoups dramatiques de ce statut particulier. Le film se devait ainsi de faire advenir des drames aux personnages pour mieux illustrer l’absence totale de support de la part de l’entreprise dans des moments difficiles. Quelque part, le sujet du film de Loach imposait presque un certain misérabilisme. Il est juste dommage que le curseur soit poussé aussi loin sans même offrir de porte de sortie potentielle.

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Au final, Sorry we missed you (dont le titre, notons-le tout de même, est formidable) est un drame qui n’en méritait justement peut-être pas autant pour marquer les esprits. Sa première moitié, sans jamais perdre de lucidité ni de justesse, parvient à un équilibre quasiment parfait entre critique féroce, légèreté et humanisme. Un tel équilibre gardé jusqu’à la fin du film aurait donné un ensemble moins agaçant.

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Titre Original: SORRY WE MISSED YOU

Réalisé par: Ken Loach

Casting : Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone …

Genre: Drame

Sortie le: Prochainement

Distribué par: Le Pacte

MOYEN

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