Critiques Cinéma

LES MISÉRABLES (Critique)

SYNOPSIS: Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…

Les Misérables aurait pu être un film de banlieue comme un autre. Avec ses « faux » flics de la BAC plus ou moins beaufs, sa nouvelle recrue étrangère au milieu un peu timide et ses gamins de cités rarement chez eux, le film semblait au départ s’y diriger dangereusement. Mais ç’aurait été mal connaître Ladj Ly, issu du collectif Kourtrajmé aux côtés de Kim Chapiron (Sheitan, Dog Pound) et Romain Gavras (Notre jour viendra, Le monde est à toi), dont le court métrage à l’origine du film avait été nommé au César du meilleur court métrage en 2018. Loin de se contenter d’une simple réactualisation de l’état des lieux des banlieues plus de vingt ans après l’emblématique La Haine de Mathieu Kassovitz, Ladj Ly prend le pari d’adapter les faits réels d’une bavure policière s’étant déroulée en 2008 pour en faire un parallèle avec le classique de la littérature Les Misérables de Victor Hugo (l’histoire se situant à Montfermeil dans les deux cas).

Pari pour le moins ambitieux, et difficile de dresser une comparaison précise entre les deux œuvres sans verser dans l’analyse littéraire. Néanmoins, on peut distinguer certaines figures plus ou moins métaphoriquement réemployées, comme le sage ex-taulier Salah, équivalent de l’évêque Myriel dont l’église de refuge est la restauration qu’il tient ; ou encore Chris comme équivalent de Javert, représentant tyrannique de la loi (« Je suis la loi ! » crie littéralement le personnage dans le film). Dans cette répartition, le jeune Issa serait le Jean Valjean moderne, celui qui vole un petit lion un peu sans le vouloir et passe son temps à se faire réprimander. Mêler fait divers toujours d’actualité (ce n’est pas pour rien que Ladj Ly entame son film par des images des Champs-Elysées le soir de la victoire de la France à la dernière coupe du monde de football) et figures romanesques, voilà le vrai tour de force que parvient à effectuer le jeune réalisateur français. Partant d’un postulat de film choral réparti entre la police et les différents habitants de la cité, Ladj Ly transforme peu à peu Les Misérables en pur thriller par son style de mise en scène très vif, au plus près des corps, et pourtant toujours lisible. Plus surprenant, le réalisateur se permet quelques moments d’emphase stylistique, profitant de l’imagerie donnée par le drone pour prendre un peu de hauteur sur la banlieue et offrir au spectateur une autre vision.

Mais la plus grande force du film reste sa galerie de personnages, dont les clichés d’apparence sont souvent déjoués pour atteindre au final une grande justesse de traitement. Toutes ces figures qui composent la banlieue (à l’exception des parents, relativement absents du film) se rencontrent, s’entrechoquent et s’allient, complexifient l’intrigue autant qu’elles la rende profondément anti-manichéenne. Une décision salutaire et cinématographique à l’heure où la tension entre police et banlieue est toujours aussi forte. Parce que si la tension ne fait que monter tout au long du film pour atteindre un paroxysme insoutenable lors du dernier acte, c’est précisément parce que celui-ci renverse l’entièreté du rapport entre les personnages que le film s’était attelé à construire auprès du spectateur. Un renversement qui avait déjà été amorcé lors de la séquence précédente, montrant une humanité chez ces membres de la BAC qui jusqu’ici était relativement absente du film excepté chez Stéphane. Ce que le parfait dernier plan nous dit, c’est que la violence engendre la violence, et qu’il est encore temps d’éteindre le feu. Et surtout, que ce choix appartient à la jeunesse. Un message qui paraît un peu banal par des mots, mais dont on ressent toute la force à l’image. Au final, Les Misérables n’a pas volé sa réputation de film choc, d’autant plus qu’il déploie de vraies qualités cinématographiques et dramaturgiques. Le festival ne fait que commencer, mais il paraît déjà difficilement concevable que le Palmarès puisse se passer de lui.

Titre Original: LES MISÉRABLES

Réalisé par: Ladj Ly

Casting : Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga …

Genre: Drame, Policier

Sortie le: Prochainement

Distribué par: Le Pacte

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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